LE MONDE DU SILENCE
de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle
Une rencontre avec un film de plus de cinquante ans est toujours un pari. Un pari sur notre ouverture d'esprit, mais aussi un pari sur le discours du film, sur son authenticité, ou l'universalité de son message, de sa forme. Il y a des dizaines de raisons pour que ce film nous parle, et il y en a tout autant pour que jamais nous ne puissions le rencontrer pleinement.
Car en effet ce film est dérangeant, si je le vois comme un marqueur qui permet de jauger l'évolution de la société sur l'écologie, mais aussi sur la manière de concevoir des documentaires, j'ai quand même beaucoup de mal à me détacher de certaines images.Remettons les choses dans leur contexte pour moi monsieur Cousteau est le commandant Cousteau qui débarquait tous les dimanches après-midi dans nos vies. J'étais petite, et je devais le trouver cool. Il avait un bonnet rouge, faisait des trucs dans l'eau (oui j'étais très petite), il était le chantre du respect du monde aquatique et d'une vision de l'écologie. C'était à peu prés trente ans après ce film. Et c'était il y a au moins trente ans. Et ce que l'on voit dans ce long métrage ne correspond plus du tout à notre vision. Les choix des séquences que ce soit autour des requins, du baleineau, du récif, du recensement des poissons aquatiques aujourd'hui nous hérisse le poil sur le dos. C'est inconcevable et difficile à voir.
Le discours en voix off du Jacques-Yves Cousteau n'aide pas non plus, il utilise des métaphores de bon père de famille à des moments incongrus, qui m'ont plus d'une fois laissée pantoise devant ce film. Tout ceci est le symbole de quelque chose qui a mal vieilli. Il y a quelques moi l'oscar du meilleur documentaire allait à free solo. Nous n'en avons pas encore parler sur ce blog donc j'effleurerai juste le sujet, mais je trouve que c'est un parfait élément de comparaison. Une prouesse technique incroyable pour suivre un homme qui vit quelque chose de surhumain.
Pas de place pour « jouer » des scènes, une nécessité d'expliquer des choses pour les néophytes, une volonté de partager et de protéger d'une certaine manière le milieu ou évolue Alex Honold. Et des partis pris, des choix de réalisation de Jimmy Chin tout à fait différent. S'il magnifie et respecte la nature comme cathédrale, si les images sont à couper le souffle, le fond est plus proche d'une forme de journalisme que d'un film scénarisé. C'est cette évolution qu'il est bon de souligner.
Ce film ne laisse pas indifférent, je trouve que les réactions autour de lui sont passionnelles. J'ai aimé le considérer comme un marqueur, le symbole d'une époque révolue. Une époque où la jauge de testostérone était prête à exploser à tout moment, et où l'homme cherchait à conquérir plus qu'à protéger.
Je ne sais pas bien si je dois conseiller ce film. Je suis contente de l'avoir vu une fois, une seule et unique fois. Il a dévissé l'homme au bonnet rouge de son piedestal, et m'a fait réfléchir à ce que j'attends d'un documentaire