Bushi No Ichibun

Bushi No Ichibun
Yoji Yamada est un réalisateur japonais de 87 ans, réputé pour sa série de films « C'est dur d’être un homme » qu'il stoppa en 1996 à la mort de l'acteur principal Kiyoshi Atsumi. Mais il est aussi reconnu pour une trilogie de films, celle dite « trilogie du samouraï », inspiré par des œuvres de Shuhei Fujisawa. Il y a eu « The Twilight Samourai » (2002) avec Hiroyuki Sanada ou un samouraï veuf doit tout faire pour préserver sa vie et ses choix, « The Hidden Blade » (2004) avec Masatoshi Nagase qui devra se battre contre les traditions du a son rang et enfin « Love and Honor » ou « Bushi no Ichibun » qui est le troisième volet de ce triptyque, ou Shinnojo, devenue aveugle devra trouver le courage de se battre pour l'amour de sa vie et son honneur de samouraï …
« Juste après avoir pris ses fonctions en tant que goûteur, Shinnojo devient aveugle. Le poisson qui devait être servi au chef du clan était empoisonné. Jusque là, Shinnojo occupait un grade inférieur dans la hiérarchie de la cour du prince. Lorsqu’il réalise qu’il est non seulement aveugle à vie, mais aussi qu’il doit renoncer à sa situation au service de son maître et qu’il aura besoin d’assistance jusqu’à la fin de ses jours, Shinnojo est plongé dans une profonde mélancolie. Seule Kayo, sa femme, arrive à le dissuader de son projet de mettre fin à ses jours. »



Bushi No Ichibun
Que cela soit par le ton, le genre, ou les émotions qu'il compte nous donner, Yoji Yamada aime nous surprendre jusqu'à la fin. Ici, lorsque le générique est sur le point de partir, nous sommes bercés entre l'humour, la douceur et la tendresse d'une étreinte chaleureuse. Une constante chez ce cinéaste, si prompt à dresser le portrait de personnage profondément humain. Cette qualité sera indispensable pour tordre les préceptes du monde des samouraïs et de leurs traditions si étouffantes.
Le scénario est écrit par Yoji Yamada et il livre la troisième variation de son histoire ! Nous sommes à l’ère Edo ou période Tokugawa, Shinnojo est un samouraï de basse classe qui devient goûteur auprès de son seigneur, recevant un salaire modeste, mais suffisant pour que sa femme, son domestique et lui puisse vivre. Malheureusement être goûteur n'est pas sans risque et un jour il se retrouve empoisonné par un poisson mal préparé qui le plonge dans le coma. A son réveil, il a la malheureuse chance de constater qu'il est aveugle. Et pour un samouraï, cet handicap est le signe d'une mort sociale programmée, car il ne peut plus subvenir aux besoins de son foyer, mais surtout il ne peut plus être un « samouraï » !

Bushi No Ichibun
Cette peur que Yoji Yamada nous montre est l'élément central de cette histoire, car pour Shinnojo être un samouraï, c'est ce qui fait de lui ce qu'il est, c'est ce qui a régi toute sa vie, son éducation et surtout qui a déterminé sa place dans la société. Cet handicap remet tout en cause, que cela soit vis a vis de sa famille, de ses amis et de sa femme. Ainsi, on va profiter de sa détresse, pour le manipuler et profiter de lui, comme de sa femme (spoil ; Elle sera violer), bafouant l'amour de sa vie et son honneur. On prend ainsi de pleine face les contradictions de ce modèle social, égoïste, individualiste et prompt à toutes les bassesses lorsque l'un des siens ne rentre plus dans les cases de leur monde, ce qui est un parallèle intéressant avec nos sociétés modernes. La comparaison toutefois s’arrête là, car il reste à Shinnojo une voie pour retrouver son honneur et celui de sa femme, celle du Samouraï, nous offrant à nous spectateur, un final, qui déjoue les codes de la société féodale.

Bushi No Ichibun
La réalisation de Yoji Yamada est d'une simplicité à toute épreuve et constante tout au long des trois films qui composent cette trilogie. Ici beaucoup de scènes se déroulent en intérieur, demeure du seigneur, logement de Shinnojo, maison du maître d'arme et à chaque fois, il oscille entre des plans moyens et des plans d'ensembles, tout en gardant la profondeur de champ que peut apporter une porte ouverte sur l’extérieur, ou l’intérieur, afin de mieux instaurer les rapports unissant nos personnages. C'est épuré, parfois contemplatif, mais ce n'est jamais lent, Y. Yamada prend clairement le temps d'installer son histoire et de la faire évoluer, au gré des quatre saisons, élégant marqueur temporel et marqueur d'émotions plus qu'évident. A cela s'ajoute la partition de Isao Tomita, subtile, juste et pleines de sentiments.

Bushi No Ichibun
Le casting quant à lui ne m'a pas tout de suite convaincu, mais plus le film avançait, plus j'étais sous le charme. Takuya Kimura (Mimura Shinnojo) comme ses camarades avant lui a une allure qui ne transpire pas forcément le samouraï impitoyable, c'est même le contraire. Il compose en retour un personnage complexe, avec force, humilité et sensibilité. On sent rapidement toute sa détresse et la contenance qu'il essaye de garder malgré tout, se montrant intraitable et touchant quant il le faut. Rei Dan (Mimura Kayo) joue la compagne de « Shinnojo ». Si pour moi l'histoire reste centre sur le samouraï, elle n'en est pas moins importante. Elle joue une épouse forte malgré sa « place », elle cherche toujours une solution, n'hésitant pas à se sacrifier pour son mari, même si il s'avère qu'elle à était abuser par un officier haut placé. C'est une belle performance qu'elle nous livre et la complicité qu'elle possède avec Takuya Mimura est évidente. Takashi Sasano (Tokuhei) est le domestique de la maison, mais c'est aussi un gardien, un confident et un père de substitution, qui si il ne cuisine peut-être pas de la meilleure des manières, il n'abandonne jamais Shinnojo et Kayo.

Bushi No Ichibun
Love and Honor – 1 Décembre 2006 – Réalisé par Yoji Yamada