Ayez confiance en vous
Le tout premier conseil que donne Dan Brown est d’avoir confiance en soi, dans la certitude que ce qui nous plaît peut plaire à d’autres. Puisque écrire, c’est d’abord un partage.
Et c’est un don de nous-mêmes à l’autre. Écrire un thriller ou s’accaparer un tout autre genre, ce n’est pas courir après les goûts des autres en espérant leur plaire. Écrire, c’est d’abord écrire sur ce que l’on aime.
Le scénario que vous devriez écrire, c’est précisément celui que vous auriez aimé voir porté à l’écran. Le roman que vous voulez écrire, c’est celui que vous auriez aimé lire.
Ce que vous écrirez ne plaira pas à tout le monde. Ne recherchez pas l’universalité. A la limite, renforcez l’opinion commune.
Surtout, affichez ouvertement vos goûts et sachez qu’ils déplairont à certains et seront hautement appréciés par d’autres. C’est une forme d’engagement que de manifester et d’assumer ce que l’on pense.
Avoir confiance en soi, c’est donc écrire le thriller (ou toute autre chose) que vous auriez voulu lire parce que comme le promet Dan Brown, si vous aimez ce que vous écrivez, il y aura toujours quelqu’un d’autre pour l’apprécier tout autant.
Écrivez sur ce que vous voudriez apprendre
Et non sur ce que vous savez. On entend souvent qu’il est préférable d’écrire sur ce que l’on connaît. Dan Brown ne remet pas cette notion en cause. A contrario, il l’appuie.
Ce que Dan Brown met en avant, c’est qu’avant de connaître une chose, il faut faire l’effort de la connaître.
Cet effort ne sera pas un travail gratuit, pénible. Il est inévitable. Néanmoins, en consacrant le temps nécessaire à découvrir un matériel sur lequel vous souhaitez écrire, l’enthousiasme que vous inspirera cette recherche documentaire sera non seulement ressenti dans votre écriture mais surtout, il fournira l’énergie pour écrire.
Pour en revenir à l’idée, est-ce vraiment une idée qui surgit ainsi sans que nous l’ayons voulu ? Si cela était vraiment ainsi, écrire ne peut être une soumission, un manque de volonté.
Écrire, c’est d’abord choisir un sujet, c’est-à-dire un monde, un univers dans lequel nous nous immergerons.
C’est comme d’aller à la rencontre d’un auteur. Pour le comprendre, il faut d’abord comprendre son monde, celui qu’il nous donne. Celui qu’il a choisi en premier lieu.
Pour écrire un thriller, il faut trouver un sujet qui nous intéresse. Peu importe que nous n’ayons aucune idée de ses rouages internes, de ce qu’il s’y passe ou de ses implications morales.
Si le monde que nous souhaiterions dépeindre nous attire, ce n’est pas parce qu’aujourd’hui nous n’avons aucune idée de ce qu’il est vraiment que nous refuserons naïvement d’y consacrer demain le temps nécessaire à le découvrir.
Si l’archéologie sous-marine vous intéresse, et surtout si vous n’avez aucune notion de ce qu’elle est vraiment, documentez-vous. Documentaires, livres, internet regorgent de toute l’information dont vous aurez besoin ou non d’ailleurs.
Osez rencontrer des personnes qui sont familières avec ce monde sur lequel vous souhaiteriez fonder votre thriller. Cette familiarité qui est la leur deviendra ainsi la vôtre (par procuration en quelque sorte ou même davantage si l’envie vous en prend).
Ce dépassement de soi qui consiste à refuser les limites que nous imposent nos connaissances, cette éducation permanente et volontaire permet à un auteur d’écrire à peu près sur tous les sujets à condition toutefois qu’un sujet l’intéresse (et surtout s’il n’a pas la moindre idée de ce qu’il est vraiment).
La recherche documentaire ne paraît que fastidieuse. Elle est a contrario toute excitation. Vous voulez écrire quelque chose, éduquez-vous vous-mêmes sur cette chose.
Écrire est un long processus et vous devez rester passionné par votre écriture tout au long du chemin.
Dans l’écriture, on ne peut avoir une idée et accomplir une œuvre en un temps record. La durée est un concept important de l’écriture et cette durée doit s’alimenter.
Le matériel dramatique que vous accumulerez tout au long de vos recherches sur votre sujet nourrira votre envie d’écrire. D’où l’importance de travailler sur un sujet qui plaît parce que nous l’aurons choisi.
Le monde d’abord
On peut désespérer de ne pas trouver l’idée qu’il nous faut pour écrire.
Pour Dan Brown, il n’y a pas d’inquiétude à avoir puisqu’il suffit de connaître le monde dans lequel nos personnages évolueront, dans lequel les circonstances prendront place.
Définissons le monde ou l’univers singulier par un exemple. Vous voudriez écrire un thriller à propos de sécurité intérieure par exemple. Vous pourriez alors être amené à situer votre histoire dans le monde de la douane ou celui des gardes champêtres.
Que vous choisissiez la douane ou les gardes champêtres, vous pourrez décrire deux mondes totalement différents et néanmoins écrire un thriller. Mieux encore, le monde que vous aurez choisi ne vient pas seul. Il est agité par de nombreuses questions morales. C’est de la matière dramatique brute à façonner comme l’artisan travaille l’argile.
Pour Dan Brown, recueillir cette matière consiste à opposer à l’intérieur du monde le présent et le passé. Le passé n’est pas une chose passée mais étrangement bien présente.
Dan Brown cite Inferno dans lequel il inventa un conflit entre la problématique de surpopulation et les manipulations génétiques (l’eugénisme pour faire court) et la Divine Comédie de Dante.
La réflexion de Brown s’est alors tournée sur le moyen de fondre ses deux thématiques ensemble. Comprenez bien qu’il ne s’agit pas de prendre deux sujets qui pourraient préoccuper l’espèce humaine présentement comme peut le faire par exemple le réchauffement climatique et la nécessité du progrès mais de comparer deux sujets dont l’un est actuel et l’autre passé.
Et ce peut être n’importe quel sujet. La Divine Comédie de Dante n’est pas un problème en soi. Certes, un sujet d’étude. Brown s’est alors simplement demandé (car c’est une opération fort simple) : Et si… la Divine Comédie était une prophétie ?
Le Et si.. ? est le fondement du brainstorming, ce système agitateur et révélateur d’idées. Pour Dan Brown, Inferno se sert de Dante pour dire au monde le chemin terrible qu’il est en train d’emprunter.
L’idée de Brown se forgea d’elle-même en recherchant le point de conflit entre ce qui est ancien et ce qui est nouveau.
Concrètement, et particulièrement pour le thriller, la recherche d’une idée peut commencer par l’attention que l’on peut porter aux titres qui font les unes de l’actualité (et pas seulement les faits divers).
Que ce soit une question de politique ou les agissements d’une personne célèbre, il peut y avoir une histoire au-delà des apparences.
Comment comprendre qu’il y a une histoire ? Parce qu’il y a un conflit actuel ou potentiel. Et surtout, ce conflit peut être expliqué, légitimé sous ses deux aspects. Chaque camp a des raisons tout à fait justifiables.
Et présenter ces raisons à un lecteur, c’est déjà lui conter une histoire.
La question dramatique centrale
Indéniablement, il faut planifier son histoire. C’est ensuite plus facile pour l’écrire. Ce qui doit guider lors de la planification, c’est la question dramatique centrale.
Cette question est la fondation de l’histoire. L’histoire se construit sur cette question dramatique centrale.
En fait, c’est quelque chose de très simple. Dan Brown prend pour exemple son héros Robert Langdon et la question dramatique centrale (centrale parce qu’une histoire pose habituellement de nombreuses questions dramatiques) est de savoir si Langdon pourra retrouver le virus et sauver le monde ? Ce peut être encore de savoir si ce jeune avocat pourra se sortir des griffes du cabinet qui l’a recruté ?
Savoir de quoi parle son histoire, c’est de commencer par se poser cette question dramatique. Nul doute que le thriller que vous écrirez présentera de nombreuses sinuosités, détours, rebondissements, questions morales qui seront autant de questions dramatiques auxquelles il faudra répondre mais toutes ces questions dramatiques ne font que se greffer sur une question centrale.
Identifier la question dramatique centrale, c’est déjà savoir de quoi parlera son histoire.
Je ne sais pas si cette pratique sera efficace pour chacun d’entre nous mais du moins, Dan Brown semble penser qu’elle est un bon moyen de venir à bout d’une apparente sécheresse concernant la mise en œuvre d’une histoire.
Cette question dramatique centrale vise le point d’arrivée et c’est effectivement par ce point d’arrivée qu’il faut réfléchir à rebours à son histoire.
Rien n’est tout blanc ou tout noir : tout est en nuances de gris
Lorsque vous vous efforcerez de comprendre quelle sera la question dramatique centrale, celle autour de laquelle tout votre projet de thriller s’articulera, cherchez quelque chose de moralement ambiguë.
C’est-à-dire une question telle que l’une et l’autre des parties en conflit seront tout à fait légitimes dans leurs revendications, source de conflits actuels et potentiels. Il faut que vous puissiez argumenter les deux côtés de l’équation.
Nous rencontrerons toujours les fonctions habituelles de protagoniste et d’antagoniste mais vous vous apercevrez aussi que votre méchant de l’histoire est somme toute quelqu’un de passionnant et d’intéressant à suivre.
La fonction crée une répétition ce qui rend les choses prévisibles. Alors sans renier la nécessaire fonction de l’antagoniste, faites en sorte que ses actes et décisions soient tout à fait compréhensibles. La subjectivité est passionnante à explorer. Pénétrez par effraction dans la tête de vos personnages.
Vous verrez aussi que votre héros en viendra à s’interroger sur ses propres motivations parce qu’il prendra conscience que son ennemi n’a pas tort. Cette ambiguïté morale ajoute de la texture au récit et vous vous apercevrez qu’elle se charge d’une bonne partie du travail dans la conquête de votre lecteur.
Dan Brown prend l’exemple de quelque chose qu’il a personnellement vécu. Alors qu’il était encore professeur, des agents en civil vinrent le trouver pour lui dire qu’ils devaient interroger l’un de ses étudiants soupçonné d’être une menace pour la sécurité du territoire.
Cet étudiant avait simplement écrit un courriel à l’un de ses correspondants en Allemagne en disant que le président Bill Clinton méritait d’être abattu en regard des décisions politiques qu’il prenait.
En fait, cet étudiant ne faisait qu’exprimer une sorte de fanfaronnade. Il n’y avait aucune menace. Et ainsi en conclurent les agents du gouvernement.
Dan Brown s’est alors demandé comment ils avaient pu être informés de ce que contenait le courriel de cet étudiant. Nous étions à l’époque au début de l’internet et nous pensions naïvement que ce genre d’activité faisait partie de la vie privée.
Faisant alors des recherches, Dan Brown découvrit qu’il existait une agence dénommée la NSA qui lisait les courriels et les fax et les analysait pour tenter d’y repérer certains indices qui indiqueraient un risque pour la sécurité du pays.
Brown s’est alors offusqué. Ce que faisait la NSA était une ingérence inadmissible dans la vie privée des gens. Il s’est alors rapproché d’un cryptologue travaillant à la NSA et lui fit part de sa désapprobation sur leur méthode.
Et cet agent lui a répondu qu’il comprenait parfaitement sa position et qu’il la partageait aussi. Mais il a aussi tenu à lui faire savoir que cette atteinte à la vie privée avait permis de mettre au jour et de déjouer trois tentatives d’attaques terroristes sur le sol américain au cours des 12 derniers mois.
C’est pour cela que la moralité que vous instillerez dans votre histoire ne peut être radicale. Ce sera encore un combat du bien contre le mal mais le mal aura des raisons tout à fait légitimes d’exister.
Le mal ne peut pas être condamné car ses raisons sont tout à fait valables. Et votre question dramatique centrale doit suggérer ce doute. Dans cet exemple, la question dramatique devient donc de savoir jusqu’à quel point nous sommes prêts à céder de notre liberté pour notre sécurité. Et remémorons-nous ce que Benjamin Franklin relevait avec tant de justesse qu’un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.
Dan Brown explique que cet incident est ce qui lui a donné l’idée de son premier roman Forteresse Digitale en 1998. Il avait son monde. L’idée était là dans ce monde : le respect de la vie privée ET le terrorisme.
Pour Anges et Démons, Dan Brown voulait traiter du Vatican ET d’antimatière dans le même souffle. Un monde encore où la science et la religion s’opposent et au sein duquel tous deux peuvent s’exprimer et avancer leurs arguments.
La science a permis à l’humanité de progresser, de vivre mieux mais simultanément créait des armes de destruction massive. Il est évident que la religion a fait le plus grand bien à l’humanité et qu’elle continue ainsi mais il est vrai aussi que des choses terribles ont été commises en son nom.
Prendre conscience d’une dualité ou l’inventer en appariant deux concepts et expliquer pourquoi cette dualité n’en est pas une facilite énormément le travail de l’auteur.
Il n’y a pas de grande idée
Chercher la grande idée pour son thriller ou tout autre genre littéraire, c’est faire fausse route. Vous n’avez pas besoin d’une grande idée.
La grande idée, c’est vouloir chercher le ce pour quoi les choses se font alors que ce qui importe vraiment est de décrire comment les choses se font.
Dan Brown cite Ian Fleming qui a écrit et réécrit la même histoire. Il y a une bombe à retardement, il y a un gars qui se nomme James Bond et dont la tâche consiste à désamorcer cette bombe et à gagner la fille qui va avec.
On ne se demande même pas s’il réussira ou non à neutraliser la menace qui pèse sur le monde, on le sait qu’il le fera. Ce que l’on ne sait pas et qui nous fascine en tant que lecteur, c’est de voir comment il mènera à bien la mission qui lui est confiée ou qu’il s’est lui-même assigné.
Toutes les idées ont déjà été traitées. Innover consiste à reprendre une idée déjà travaillée par d’autres auteurs et lui donner un tour nouveau, peut-être plus personnel.
Un homme est à la poursuite d’un tueur en série. Rien de bien innovant dans une telle idée. Supposons maintenant que cet homme soit un officier de police à la retraite qui vit très mal ce nouveau chapitre de sa vie et vous obtiendrez alors une approche toute nouvelle dans ce qui sera encore une investigation bien classique.
Votre personnage principal doit se rendre d’un point A à un point B. Cela fait partie de son évolution normale. On pose le point B comme acquis. Tout ce que l’on a à faire dorénavant, c’est d’inventer le parcours le plus fascinant possible.
Cette trajectoire décrit comment ce personnage s’est rendu d’un point de départ qui est très souvent banal à un point d’arrivée qui n’est pas nécessairement de sauver le monde (bien que les enjeux soient importants dans toute œuvre dramatique).
Si nous imaginons que cette trajectoire est une ligne comme peut l’être la ligne imaginaire du temps, nous obtiendrons une histoire ennuyeuse. Plaçons des obstacles tout au long de cette ligne. Nous modifierons le cours des choses.
Certains événements seront plus importants que d’autres et verront leurs effets se prolonger tandis que d’autres ne seront que de simples informations, sorte de conditions à accomplir au préalable.
Et ces obstacles forceront le personnage à penser autrement. Il développera des capacités dont il ne se savait pas capable ou bien contournera le problème d’une manière si nouvelle et pourtant crédible qu’il pourrait être un exemple pour le lecteur.
Dan Brown insiste pour que l’auteur d’un thriller refuse la pression qu’il pourrait s’imposer lui-même à la recherche d’une idée, d’une grande idée. Sa réflexion doit porter sur la manière que son héros traversera le monde que cet auteur a choisi.
Lorsque le monde est posé, il est plus facile d’y jeter nos personnages.
J’ai besoin de vos dons. J’ai fait vœu de partager ce que je sais. Parfois, vous ne pourriez pas être d’accord avec ce que je vous transmets et d’autres fois, vous appréciez mon travail.
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