Choisir le héros qui convient bien au monde
Maintenant que vous vous êtes décidé pour un monde et ce peut être n’importe quel monde comme un combat idéologique entre la science et la religion.
Tant que ce monde agit comme un support spatial et temporel, circonstanciel.
Ce monde est le Setting the stage des anglo-saxons. Il prépare le terrain, il jette les bases, il plante le décor, dit autrement, il installe les choses qui agiront et réagiront avec vos personnages qui agiront et réagiront aux choses et aux uns avec les autres en retour.
Ce monde mis en place, une question fondamentale se soulève. Il faut maintenant peupler ce monde avec vos personnages.
Dan Brown dont nous suivons les conseils depuis quelques articles ne cache pas qu’il prend beaucoup de plaisir à inventer ces êtres de fiction qui l’accompagneront longtemps.
Et précisément parce que vous allez passer du temps avec eux, il est préférable qu’ils soient des gens plutôt intéressants. Spécialiste du thriller, on pourrait croire que les personnages de Dan Brown sont très spécifiques à son genre d’excellence.
Détrompons-nous, répond Dan Brown, les personnages de thriller sont les mêmes que l’on rencontre dans toute œuvre de fiction.
On entend souvent qu’une histoire, c’est essentiellement placer une personne ordinaire dans des circonstances extraordinaires. Cette rapide définition s’applique aussi au thriller. Rien de nouveau donc sous le soleil et c’est tant mieux.
Ce qu’il faut, c’est choisir un héros ou un personnage principal qui correspondent bien au monde dans lequel vous allez les jeter. Que cela signifie t-il ? Rien de bien compliqué.
Votre monde dépeint l’archéologie sous-marine ? Votre héros ne peut alors être un expert-comptable. Il peut être un plongeur, un historien, un richissime chef d’entreprise à la recherche de Atlantis mais il ne peut décidément pas être un expert-comptable. Car cet attribut ne correspond pas au monde.
Le héros d’une fiction doit avoir des raisons légitimes d’appartenir à un monde avec lequel il sera souvent en conflit. Cette appartenance se définit par une sorte d’expertise, d’habitude, d’expérience ou encore de souvenirs avec ce monde.
Terre-à-terre, Dan Brown dit que si votre monde se situe dans le monde des services secrets, autant que votre héros s’y connaisse un tant soit peu dans l’espionnage ou dans ce qu’on appelle d’ordinaire, le renseignement.
Car il y va de sa crédibilité auprès du lecteur. Notez que cela s’arrête souvent là. Ce n’est pas parce que votre héros est un spécialiste des virus informatiques que toute votre histoire s’engouffrera dans la quête et la destruction des virus informatiques. Cette quête et cette destruction seront la toile de fond. Et sur cette toile, on dessine ce que l’on veut.
Le méchant de l’histoire d’abord
Le monde, c’est-à-dire les raisons qui expliquent la présence des personnages, leurs raisons d’être, la nature de leurs relations entre eux et avec le monde, l’historicité fictive d’un lieu, enfin toutes ces circonstances qui font que vos personnages existent et soient justifiés est la première étape d’une œuvre de fiction.
C’est un contexte qui permettra d’individualiser une histoire parce que même si son aspect est commun à de nombreuses histoires, il y aura toujours des détails qui le différencieront.
La seconde étape qui fonctionne d’ailleurs parallèlement aux recherches sur le monde, ce sont les personnages eux-mêmes. On pourrait penser que réfléchir d’abord à son héros pourrait faciliter les choses. Cela les complique davantage.
Pour bien concevoir un héros, il faut commencer par élaborer un méchant, un antagonisme, parce que celui-ci est ce qui va permettre de justifier votre protagoniste.
Pour Dan Brown, personne ne peut être héroïque tant qu’il ne s’est pas heurté à un obstacle.
Difficultés, défis, obstacles sont ce qui rend héroïque. Dan Brown cite Anges et Démons et nous dit qu’un professeur n’a rien d’héroïque en soi jusqu’à ce qu’il soit obligé de sauver le Vatican de la menace d’une bombe d’antimatière.
C’est le défi auquel un être humain est soudain confronté qui le rendra en quelque sorte surhumain. En fiction, un moyen de provoquer ce dépassement chez un personnage est de lui donner un antagonisme, c’est-à-dire qu’une entité appliquera une pression sur un personnage qui le déterminera en tant que héros.
Pour créer un héros, il faut donc commencer par lui créer un opposant valable et digne. C’est comme si le méchant de l’histoire devenait l’élément déclencheur de toutes choses (et ce peut être n’importe quelle entité, un être de fiction en lui-même ou bien qui représente un concept plus abstrait tel qu’une institution ou bien encore la nature elle-même qui œuvre contre l’homme) .
En expliquant honnêtement les intentions de l’antagonisme, il est plus facile de comprendre comment cette volonté rendra apparemment impossible le but que s’est proposé d’atteindre un autre personnage.
Les motivations de l’antagonisme
En toutes choses, le bien et le mal se confondent. Dépeindre des extrêmes n’est pas très intéressant, ni pour l’auteur, ni pour le lecteur. Dan Brown nous dit que Bertrand Zobrist, le principal antagoniste de Inferno a certes créé une arme bactériologique mais son intention est de sauver l’humanité.
La morale nous dit qu’une chose est mal. C’est une convention. Si nous expliquions néanmoins pourquoi cette chose est jugée comme mal, peut-être pourrions-nous la comprendre.
Alors, le personnage responsable de causer le mal devient soudain plus intéressant, plus dynamique. On ne cherche pas des circonstances atténuantes, on cherche à expliquer pourquoi nous agissons dans telle ou telle direction.
L’antagonisme est considéré comme tel parce qu’il fait de mauvaises choses pour de bonnes raisons. C’est une question de point de vue. Le méchant de l’histoire se considère rarement ainsi. Ce sont les autres qui le détermine dans cette fonction.
Il y a des moments dans la vie où chacun d’entre nous est amené à prendre de mauvaises décisions. Parfois la nécessité nous y oblige et ce besoin est tout à fait compréhensible. D’autres fois, nous sommes persuadés de bien agir car comment pourrions-nous anticiper les conséquences de nos actes en portant un jugement qui ne peut être qu’ a posteriori ?
Si Zobrist a créé ce virus, ce n’est pas pour se délecter de la mort. Ce qu’il veut, c’est lutter contre la surpopulation dont il s’est convaincu qu’à terme, cela détruira le monde. Les valeurs que défend l’antagonisme sont tout à fait raisonnables.
Certes, l’histoire de l’humanité prouve que le mal pur n’est pas une simple vue de l’esprit. Dans une œuvre de fiction, décrire le mal pour le mal n’est jamais vraiment très intéressant.
Il est plus facile aussi pour l’auteur de travailler un personnage en expliquant ses motivations. Prenons un personnage qui décide de cambrioler une banque. Est-ce vraiment pour l’argent qu’il le fait ?
Ou plutôt parce qu’il est acculé dans des ornières, poursuivi par les huissiers, dépossédé d’un toit pour lui et sa famille ?
Bien sûr, il devra rendre compte devant la justice des hommes de ses actes. Il ne peut d’ailleurs en nier la responsabilité.
Si l’auteur qui dépeint un tel personnage l’a déjà jugé comme un être mauvais, il ne rencontrera pas l’approbation de son lecteur. Par contre, s’il explique à son lecteur que si cet être de fiction agit comme il le fait, c’est parce qu’il est sur le point de perdre toutes les choses auxquelles il tient le plus au monde, toutes ces choses qui sont sa vie alors le lecteur pourra juger par lui-même des actes de cet antagonisme et sans non plus les excuser, il pourra néanmoins avoir les tenants et aboutissants.
Une entrée remarquée pour l’antagonisme
Pour Dan Brown, le lecteur doit comprendre immédiatement à qui il a affaire. Lorsque l’antagoniste ou la force antagoniste se présentent, le lecteur doit le ou la reconnaître immédiatement.
Dan Brown cite son personnage Silas du Da Vinci Code. Il ne l’a pas introduit marchant le long d’un trottoir même si cette promenade pouvait se terminer par une tuerie.
Nous faisons sa connaissance alors qu’il est en train de se flageller dans une sombre chambre d’hôtel. Ce rituel qui a un tout autre sens dans certaines traditions permet ici de distinguer Silas comme quelqu’un de foncièrement inquiétant.
Notons en passant comment Dan Brown détourne un rituel qui rappelle la Passion du Christ pour en faire un trait de caractère définissant son antagoniste. Critiquable ou non, ce choix d’auteur est efficace.
En situant clairement l’antagoniste, vous vous faciliterez votre écriture mais surtout, vous faciliterez la lecture de celle-ci. Le lecteur est en effet bien plus confortable lorsqu’il sait quelle fonction occupera un personnage.
Un héros bien humain
Des héros, il y en a de toutes sortes. Les plus intéressants d’entre eux sont tout de même ceux qui vont chercher dans l’être humain qualités et défauts (essentiellement défauts d’ailleurs) qu’ils incarneront.
Pour Dan Brown, il n’existe pas de recettes particulières pour dépeindre un héros. Classiquement, on retrouve chez de tels personnages le sens du sacrifice. Mais à part ceci qui n’a nullement besoin d’être respecté pour que le personnage soit vraiment héroïque, chaque auteur peut dessiner les contours qu’il a en tête pour son héros.
Un héros doit posséder des qualités parce que celles-ci vont lui permettre d’avancer dans l’histoire et des défauts qui seront autant d’obstacles pour lui que tout ce qui pourrait venir lui boucher le chemin.
Le combat intérieur est tout autant si ce n’est plus important que les choses extérieures qui viendront entraver la marche héroïque du personnage principal.
Ce sont nos peurs qui font de nous de véritables êtres humains. Le personnage héroïque est un moyen d’évasion pour le lecteur mais simultanément, il a besoin de se reconnaître en un tel personnage pour que la magie opère.
Choisir un héros qui nous ressemble
A propos d’identification, l’auteur ne peut poser sur le papier n’importe quel personnage et décider d’en faire un héros. Ce serait trop facile et cette facilité à faire les choses serait bien médiocre.
A contrario, il faut choisir son héros parce que ce sera quelqu’un qui reflétera nos passions ou bien dans lequel nous aurons versé des traits de personnes réelles ou imaginaires (ce peut être d’autres héros) que nous admirons.
Ce lien que vous établirez avec votre personnage, il se communiquera au lecteur. En mettant un peu de vous-mêmes dans vos personnages (et peut-être plus particulièrement chez le héros), vous renforcerez la communication entre votre lecteur et vous. C’est banal à dire mais ce sont nos espérances, nos rêves, nos peurs, nos déceptions qu’en tant qu’êtres humains, nous partageons le mieux.
Des enjeux qui importent au héros
Habituellement, les héros des histoires sont plus vrais que nature. Et cela ne les rend pas artificiels. Ce sont des êtres de fiction et ils ont pour tâche essentielle de nous divertir. Chaque genre a son lectorat qui prend plaisir à s’envelopper d’un ton, d’une musicalité qui lui fait du bien. Sinon, il referme le livre ou ne regarde pas le film.
Quel que soit le monde dans lequel vous jetterez vos personnages, dites-vous que le héros n’est pas seulement là pour sauver l’humanité.
Plutôt pour préserver ce qui lui importe le plus. C’est peut-être un peu égoïste mais l’effort pour maintenir les choses qui nous définissent, qui font que nous comprenons pourquoi ce souffle régulier nous maintient en vie est l’effort qui fait de nous des êtres humains.
Même le méchant de l’histoire dans ses motivations est profondément humain.
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