Les personnages du Da Vinci Code de Dan Brown ont tous un but différent dans l’histoire. Les œuvres de fiction ont cela de bon qu’elles fixent un objectif pour chacun de leurs personnages. C’est un exemple que nous devrions suivre dans nos vies.
Avoir un but, savoir où l’on va, voilà ce qui compte et les personnages de fiction que nous inventons sont un exemple à suivre en la matière.
Revenons à Robert Langdon. Le Da Vinci Code se concentre sur cet homme. Cette histoire est un thriller. Langdon est le personnage que nous suivons. Il est celui qui essaie de résoudre le mystère, ce mystère même qui nous rive à cette histoire.
Ce personnage principal est la perspective du JE dans l’histoire. Il est le point de vue donné au lecteur. Il est ce qui fait battre le mouvement de l’histoire.
Plutôt que de considérer l’importance, véritable par ailleurs, du personnage principal, Dan Brown conseille plutôt de travailler le point de vue. Et ce point de vue deviendra consistant dans sa relation aux autres personnages.
La caractéristique du thriller : le danger physique
Dan Brown est très clair sur ce point. Son héros Robert Langdon est en danger physique. Silas s’en prend physiquement à lui.
Pour Brown, cette violence est nécessaire aux enjeux. En fait, je pense qu’il faut s’imprégner de cette idée d’une certaine violence pour expliquer les enjeux.
L’enjeu, c’est le risque de perdre quelque chose auquel on tient. Ce n’est pas un manque qui nous fait défaut et que l’on cherche à combler pour se sentir enfin complet, en quelque sorte achevé. Cela serait plutôt le rôle de l’objectif que l’on se fixe.
Le manque est un besoin. L’enjeu est une perte, un arrachement. Il est alors important d’incarner cette violence, ce sentiment de perte qui doit accompagner le lecteur.
Et ce sera donc Silas, l’instrument qui rend possible le danger. Il n’est pas le véritable antagoniste. Pas plus que ne l’était Dark Vador vis-à-vis de Luke.
La force antagoniste les dépasse. Ce qui doit néanmoins transparaître rapidement, c’est la dangerosité de leur personnage. Et dans un thriller, elle s’exprime physiquement. Langdon est gravement menacé par Silas.
Dans un autre contexte, on peut même considérer une violence morale. Quelque chose qui pourrait donner de la cohérence à une paranoïa. Ce qu’il faut mettre en place, c’est un personnage qui sera l’instrument de cette violence. On peut aussi l’utiliser comme une métaphore.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un outil narratif qui sert les enjeux de l’histoire. Ce ne sera pas pour autant un personnage découpé à grands traits. C’est quelqu’un qui a une personnalité, des certitudes et des doutes.
C’est un être humain avec ses forces et ses faiblesses. Silas, cet être qui est la violence même est par ailleurs quelqu’un de très pieux. Ce n’est même pas paradoxal.
Il y a de la bonté en lui parce qu’il croit en la bonté de l’Église, cette Église qui l’a sauvé de la maltraitance alors qu’il était enfant. Nous comprenons ce personnage. Il est important que nous éprouvions de la sympathie pour lui.
Mais il va trop loin. Beaucoup trop loin. C’est ce qui le catégorise dans l’ordre des méchants de l’histoire.
Le manipulateur
Il y a la main et il y a le cerveau. La main est ce personnage dont Silas est un très bon exemple. Le cerveau œuvre dans l’ombre. C’est celui qui tire les ficelles. Il est celui dont on ignore tout. Et pourtant, il est tout-puissant et c’est un pouvoir qui se cache. Quelqu’un manipule les cartes et dans un thriller, il est important qu’existe un tel personnage.
Toute la question dramatique sera de connaître qui est ce mystérieux personnage. Qui est le véritable antagoniste ? Dans un thriller, cette information est cachée le plus longtemps possible. Elle n’est pas le secret recherché. Elle représente seulement le véritable danger, le commanditaire en quelque sorte, du danger physique qui menace le héros.
Et lorsque la main est finalement vaincue, la prochaine étape nous mènera à la révélation de l’antagonisme dont le secret n’est plus protégé lorsque la main faisait encore écran entre ce personnage véritablement diabolique, ce maître d’œuvre qui organise le suspense et la tension dramatique (éléments clefs du thriller, tout de même) et le héros de l’histoire.
Pour Dan Brown, cette technique narrative est très intéressante pour créer plusieurs niveaux d’antagonisme, pour créer une hiérarchie du mal. Il y a un outil et un artisan qui sait manipuler cet outil à son bénéfice.
Et cela participe activement à la constitution de l’intrigue dont les événements seront orchestrés à la fois par la main et par le cerveau. La main doit en effet obédience au cerveau mais c’est aussi une personnalité doué d’autonomie qui peut parfois échapper au contrôle du cerveau. C’est important de s’en souvenir pour les événements initiés par la main et ceux du cerveau. L’ordonnateur peut parfois perdre le contrôle de son homme de main.
Le thriller profite de la théorie du complot
Il existe toutes sortes de théorie du complot. De la plus bénigne à la plus eschatologique. Pour le Da Vinci Code, Dan Brown avoue qu’il a convoqué les idées les plus folles sur le Saint Graal. Mais cette information ne sera pas véhiculée par le héros. Elle fait partie du monde de l’histoire, d’un contexte contre lequel le héros sera en butte.
Le personnage principal lutte contre cette théorie du complot qu’il ne peut accepter. Langdon est un éminent expert en symbologie et toute cette connaissance qu’il possède s’érige contre cette théorie du complot qui est pourtant à l’œuvre au sein même de l’intrigue.
Et c’est là qu’intervient le cerveau, lui aussi incarné et il est incarné par Leigh Teabing, le professeur. Ce personnage est à l’origine de la théorie du complot. Il est le véritable antagoniste. Il est important de le distinguer en tant que tel pour bien marquer la démarcation qui existe entre lui et le personnage principal.
Selon Dan Brown, si l’objectif du personnage principal était de prouver cette théorie du complot et non ou de la dénoncer ou de l’affronter, ce personnage ne serait plus intègre, en quelque sorte polluer par cette théorie du complot et il perdrait nécessairement en puissance. Ce serait aller contre l’intelligence de ce personnage.
La proposition de Dan Brown est intéressante aussi parce que lorsque Teabing énonce sa théorie sur le Saint Graal, elle place le personnage principal au même niveau que le lecteur. Il est incrédule. Si Langdon n’éprouvait pas un certain scepticisme, le lecteur s’interrogerait sur ce que Teabing affirme. Or ce n’est pas l’intention de l’auteur.
On ne demande pas que le lecteur croit en cette théorie. Elle fait partie de l’intrigue. C’est tout. Donc, l’incrédulité de Langdon renforce l’intrigue parce qu’elle évite que le lecteur ne sorte de la voie tracée par Brown. C’est-à-dire ce en quoi doit croire et ne pas croire son lecteur.
Les fausses pistes
Indéniablement, un des outils les plus populaires de ce genre qu’est le thriller. Cela fait partie du jeu et le lecteur sait que l’auteur l’emmènera dans des chausse-trapes, le promènera de surprise en surprise et cela explique pourquoi il est si tenté de se laisser emporter dans des leurres. Il serait déçu s’il en était autrement.
Cela consiste souvent à inventer un personnage dont tout un tas d’indices tenteront de prouver qu’il est le coupable et puis lorsque le lecteur en sera bien convaincu révéler en fait qu’il est parfaitement innocent de ce dont on l’accuse.