Une recherche exhaustive
Ce qui importe lorsqu’on écrit un thriller (c’est néanmoins aussi applicable dans d’autres genres) est d’inventer des connexions entre les informations. Et le lecteur n’a pas pu les anticiper.
L’auteur connaît déjà les réponses. Son effort consistera essentiellement à cacher ces connexions et à les révéler le moment venu d’une façon mémorable.
Ces liens apparaissent-ils comme par magie lors du processus d’écriture ? Bien sûr que non, répond Dan Brown.
Ces liens deviendront évidents par les recherches que vous ferez sur votre sujet avant même de vous lancer dans ce processus.
Pour que ces connexions s’avèrent évidentes aux yeux de l’auteur, il ne peut se contenter de quelques informations et chercher désespérément comment les relier.
Les relations possibles émergeront de la masse d’informations que vous aurez accumulée sur votre sujet.
Même si vous croyez être submergé par des notes et encore des notes d’informations, de faits historiques, d’événements aussi divers que variés, n’en prenez pas peur. Car en relisant vos notes, vous trouverez clairement et distinctement le moyen de mettre en relations deux informations, deux faits, deux événements qui prendront certainement votre lecteur à contre-pied sans pour autant nuire à la cohérence de l’ensemble, c’est-à-dire de votre histoire.
Dan Brown prend l’exemple de son roman Origine. Il savait que le monde qu’il allait y dépeindre serait gouverné par la science et la religion. Il y serait question d’évolution. Brown avait décidé d’opposer le point de vue scientifique au point de vue religieux sur notre origine.
Mais il voulait aussi que son héros Robert Langdon soit comme un poisson hors de l’eau dans ce monde. C’est la raison pour laquelle il a introduit l’art moderne dans son projet.
Afin aussi de lui permettre d’explorer un monde qu’il ne connaissait pas encore. Robert Langdon allait donc devoir innover et c’est bien ce que l’on attend de lui dans une telle franchise.
Ayant posé son triumvirat (science, religion et art moderne), Brown s’est mis à la recherche d’un artiste (sans savoir précisément dans quel art) qui serait parvenu à lier les thèmes de science et de religion que Brown voulait utiliser pour son roman.
C’est alors qu’il a découvert ou redécouvert William Blake (1757-1827). Il ne savait pas encore comment cet auteur, peintre et poète allait le servir, comme le dit Dan Brown, il est illusoire de vouloir connaître toutes les réponses dès le premier jour, mais il avait néanmoins l’intuition que l’œuvre de cet artiste qui eut des inspirations bibliques très modernes pour son époque, aurait certainement les réponses que Brown cherchait à trouver.
Il s’est mis alors à étudier William Blake. Ce ne fut pas non plus une plongée profonde dans l’œuvre de Blake. Davantage un travail superficiel, dans la quête d’un détail qui jaillirait en une idée pour l’intrigue de son projet.
Il a donc noté ce qui lui semblait potentiellement apte à le servir. Il ne savait pas encore comment ce qu’il notait allait le servir. Il en avait seulement l’intuition.
Ce qui compte, c’est de noter les détails qui jaillissent de la masse. Vous ne pouvez pas raisonnablement expliqué pourquoi cette image ou cette phrase ou cet événement vous dit de le conserver, mais intuitivement, vous saurez qu’il faudra faire encore des recherches.
Autrement posé, ne cessez pas vos recherches. Consacrez-y le temps qu’il faudra (d’ailleurs, il serait étonnant que vous ne vous preniez pas au jeu) et lorsque viendra le moment de l’écriture, les choses seront beaucoup plus simples.
Structure et intrigue
Votre envie d’écrire ne devrait pas s’embarrasser de questions structurelles ou d’intrigue pour commencer. Ne vous encombrez pas l’esprit avec en quelque sorte des réponses techniques à l’élaboration de votre projet.
La toute première étape et parfois la plus longue mais aussi tellement enrichissante sera vos recherches sur le sujet qui vous intéresse. Cette toute première phase consiste à vous donner des idées, à vous inspirer. Vous accumulerez de la matière. Ne vous inquiétez pas si toute cette matière peut-être pas encore dramatique est un véritable foutoir chaotique.
Assumez ce désordre et reprenez régulièrement vos notes. Progressivement quelque chose apparaîtra. Vous apercevrez des personnages, des lieux, des thèmes, des relations qui uniront certains éléments les rendant dépendants les uns envers les autres ou au contraire, les opposant.
Vous n’avez pas vraiment besoin de maîtriser totalement le sujet que vous souhaitez aborder. Il vous suffit d’en comprendre un peu le fonctionnement pour en parler, pour le décrire. Et c’est particulièrement vrai pour le thriller, domaine de prédilection de Dan Brown dont je ne fais que reporter les propos.
La phase initiale de l’écriture d’un roman ou d’un scénario est de trouver les ingrédients dramatiques. Comme vous n’avez encore qu’une toute petite idée de ce que vous souhaitez écrire, il est naturel que vous ne sachiez pas encore quels seront les ingrédients qui vous seront les plus utiles.
Vous pourriez m’objecter que vous ne voyez pas vraiment l’intérêt de quelque chose d’utile dans un acte de création. En fait, la structure est un moyen de communiquer avec votre lecteur. C’est ce moyen ou plutôt la disposition particulière de ce moyen sous la forme d’une structure qui permet une communication réussie avec le lecteur.
Les ingrédients que vous amasserez de manière raisonnable ou intuitive vous donneront un choix. Et de ce choix, vous créerez. Il faut donc commencer par accumuler des informations pour vous donner plus tard un choix.
Faire le tri
Par moments, vous aurez consacrez tant de temps sur une information que vous ne voudrez pas admettre que vous n’en avez pas besoin pour le sujet qui vous préoccupe actuellement. Rien n’est perdu. Surtout pas votre temps.
Cette connaissance que vous avez acquise est dorénavant la vôtre. Personne ne vous la prendra pour la renvoyer dans le néant. Parfois, en relisant vos notes, il faut avoir le courage de décider qu’une information (quel que soit l’effort qu’elle vous a coûté) n’est pas apte à servir votre histoire actuelle.
La durée d’une recherche n’est pas un signe de la nécessité d’une information. Elle peut être l’effet de votre curiosité sur une question donnée.
En tout cas, cela ne signifie pas que devez l’incorporer de force dans l’histoire que vous vous apprêtez à écrire. Cette masse d’informations diverses et variées, de quelques mots à des paragraphes entiers, d’images, de lieux, d’événements et de faits divers, de livres de fiction ou non… Tout cela mérite à un moment d’être repris et considéré.
Il va falloir trier. Peut-être catégoriser. Du moins tenter de comprendre pourquoi dans un premier temps, vous avez ressenti le besoin de noter cette information. Ce travail consistera à vous interroger sur vos intentions.
Et nous revenons à ce que Aristote ne cesse de nous répéter depuis si longtemps, si quelque chose n’appartient pas à l’histoire que vous êtes en train de raconter, ne vous en servez pas. Posez-vous simplement la question de savoir comment une information donnée servira votre histoire.
Est-ce que cette information peut expliquer davantage mon personnage principal ? Est-ce qu’elle peut donner un éclairage sur mon méchant de l’histoire ? Faisant de lui quelqu’un de bien plus consistant qu’un stéréotype.
Si vous décidez qu’une information ne vous sera donc pas utile pour le projet en cours, et quel que soit l’investissement quelconque que vous lui avez consacré, placez cette information dans un dossier d’idées pour vos futurs projets.
Comme rien n’est perdu, le travail de documentaliste qui s’avérera indispensable pour vos futurs projets se nourrira déjà de ce que vous possédez. Au fur et à mesure de vos envies d’écrivain, vos connaissances ne cesseront d’évoluer. Certaines seront tout à fait nouvelles, d’autres seront complétées ou bien revues sous un autre angle au gré de votre propre évolution et de vos expériences.
Dan Brown nous donne cependant un dernier conseil. Ne profitez pas de la nécessité de la recherche pour retarder encore et encore l’écriture de votre roman ou de votre scénario. La recherche ne peut être une excuse pour retarder le moment du processus d’écriture.
Il faudra prendre la décision d’écrire votre roman ou votre scénario. Comme l’explique Dan Brown, vous visitez un musée que vous souhaitez incorporer dans votre histoire. Cela fait quatre fois que vous y venez. Et vous n’avez encore rien écrit.
Vous n’êtes plus un touriste et vous n’êtes pas encore un écrivain. Cet entre-deux est de la procrastination. Prenez-en conscience et mettez-vous à écrire.
Si au cours du processus d’écriture, un manque flagrant d’informations se fait jour, n’arrêtez pas tout. Lorsque le processus est lancé, vous ne pouvez l’interrompre. C’est trop risqué. Plutôt laissez un espace ou marquez cet espace afin d’y revenir plus tard.
Quand vous avez commencé à écrire, vous devez continuer. Le projet sera révisé plus tard.