Synopsis :
À la fin des années 2000, alors que le monde craint que l'Iran ne se dote de l'arme atomique, Rachel, ex-agente du Mossad infiltrée à Téhéran, disparaît sans laisser de trace. Thomas, son référent de mission, doit la retrouver entre Orient et Occident, car Rachel doit revenir à tout prix sous le contrôle de l'organisation... ou être éliminée.
Adapté du roman The English Teacher, best-seller inspiré de témoignages d'agentes du Mossad et de faits réels, The Operative de Yuval Adler ( Bethléem 2013) est un thriller politique et psychologique haletant qui renouvelle le film d'espionnage par le prisme du drame personnel.
Si vous aimez les filatures à gogo, les coups de pression d'agents trilingues testostéronés et les fusillades, vous serez servis. Toutefois, The Operative transgresse les codes du film d'action, pour se concentrer davantage sur le contenu des missions confiées aux agents de renseignement, et sur leurs répercussions éthiques et psychologiques.
Après un long footing tourné en plan séquence qui ne semble pas apporter d'informations primordiales sur la narration, le ton ou le rythme à suivre, le film s'ouvre à un point crucial, au deux tiers de son périple, quand Thomas, un agent d'espionnage britannique basé en Allemagne, subtilement interprété par Martin Freeman ( Black Panthers, Cargo, Le Hobbit), reçoit un mystérieux appel de Rachel, incroyable Diane Kruger ( Bienvenue à Marwen, In the fade, Tout nous sépare), ex-agente infiltrée à Téhéran, avec laquelle il collaborait de près avant qu'elle ne disparaisse. Le Mossad lui ordonne instantanément de la ramener, et l'histoire de Rachel nous est alors exposée par une habile série de retours en arrière.
On ne sait rien d'elle, si ce n'est qu'elle est née en Australie et a été élevée entre le Royaume-Uni et le Canada par un père autoritaire. Rachel est en cela le genre de profil sans racine et attache parfait pour l'espionnage. Pourtant, rien n'indique le genre d'engagement idéologique qui aurait pu la pousser à choisir cette vie faite de sacrifices et de perruques parfois un peu douteuses, et on peut donc faire une minute de silence pour remettre en cause sa street cred et sa motivation.
Toujours est-il que Rachel est recrutée par une agence israélienne, et les modestes tâches de surveillance qu'elle accomplit créent rapidement une relation de confiance avec Thomas, qu'on sent progressivement troublé par la présence de cette femme courageuse et impénétrable qui se métamorphose en deux coups de postiches.
Dès que Rachel est prête pour une mission aux enjeux plus importants à Téhéran, les choses se compliquent rapidement. Bien qu'elle soit sensée infiltrer une société d'électronique pour transférer des composants nucléaires défectueux aux services de renseignement (enjeux assez complexes à saisir), Rachel s'engage dans une relation intime avec Farhad ( Cas Anvar) le dirigeant de cette même entreprise, et peut ainsi compromettre à tout moment sa mission si Thomas la balance. Sans jamais véritablement savoir si Rachel est amoureuse ou non de ce bel iranien - mi méchant mi pigeon - lui aussi plein de secrets, l'intrigue joue avec cet équilibre précaire fait de loyautés contradictoires mêlant vie privée et relation professionnelle.
Du recrutement de Rachel, à son rôle sur le terrain, c'est dans un souci de réalisme que nous assistons aux préparatifs indispensables pour construire sa nouvelle couverture. Préoccupés par son aptitude à mener à bout une opération, les agents évaluent également les potentiels risques que pose cette " outsider " imprévisible. Tout est ainsi planifié, millimétré et orchestré pour que l'exécution de la mission se déroule sans trop de dommages collatéraux. Passé ce côté protocolaire assez froid et parfois même hermétique, c'est paradoxalement dans les brefs instants d'intimité qui nous sont accordés avec Rachel - seule dans une salle de bain sombre, ou dans les toilettes de la boîte - que nous découvrons à quel point le métier d'agent isole et peut créer de la paranoïa. Quand elle ne se planque pas de nuit entre les rayonnages de matériels électroniques, Rachel tente vainement de tisser des liens sincères avec son voisinage. Eh oui c'est un être sensible et réflexif, et pas seulement une machine qu'on exploite à tout va et qui exécute les ordres sans broncher, n'en déplaise à l'organisation.
C'est dans ces mêmes moments de passivité que l'on réalise ô combien être espion n'est que rarement une partie de plaisir, et que la rébellion de Rachel n'est qu'une suite logique à la charge mentale et morale qu'elle endosse quotidiennement.
En définitive, The Operative prend le contre-pied des séquences conventionnelles propres au film d'action, qui à grands coups de musiques entraînantes exacerbent à outrance l'intrigue principale. Ici au contraire, c'est dans des moments de sobriété sonore que l'on est au plus près du drame personnel que vit, ou plutôt subit Rachel, agente " pour la bonne cause ".