Un grand merci à Memento Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Qui a tué Lady Winsley ? » de Hiner Saleem.
« Dans cette affaire, les morts semblent se mêler des affaires des vivants »
Lady Winsley, une romancière américaine, est assassinée sur une petite île turque. Le célèbre inspecteur Fergan arrive d’Istanbul pour mener l’enquête. Très vite, il doit faire face à des secrets bien gardés dans ce petit coin de pays où les tabous sont nombreux, les liens familiaux étroits, les traditions ancestrales et la diversité ethnique plus large que les esprits.
« J’exige de savoir si le père Birol m’a planté des cornes ! »
Enfant du Kurdistan irakien, Hiner Saleem a été témoin dès son plus jeune âge des répressions et des persécutions menées à l'encontre de son peuple et a lui-même été contraint de prendre le chemin de l'exil vers l'Europe alors qu'il n'était âgé que de dix-sept ans. Les hasards de sa route le mèneront d'abord en Italie puis en France où il se découvrira une passion pour le cinéma. Remarqué dès le début des années 90 pour ses images qui témoignent des conditions de vie dans les villages kurdes alors que la Guerre du Golfe fait rage, Hiner Saleem bâtira au fil des années une filmographie marquée par les souffrances de son peuple (« Vodka Lemon », « Kilomètre zéro »), ses contradictions religieuses (« My sweet pepper land ») et par la question de l'exil (« Si tu meurs, je te tue »).
« Cette enquête va trop loin. On exige que vous l’arrêtiez sur le champ. C’est un endroit tranquille ici où l’on vit en paix depuis des générations et on veut que cela perdure »
Avec « Qui a tué Lady Winsley ? », il nous revient sur un mode beaucoup léger qu'à son habitude. C'est que cette parodie de Whodunit façon Agatha Christie, dont il transpose avec délice les codes dans le décor d'une petite île turque du Bosphore, offre un terrain de jeu idéal au cinéaste qui peut laisser libre court à son humour noir teinté d'absurde. Il y a d'ailleurs là quelque chose de très drôle dans la description du petit microcosme de l'île ainsi que des mœurs de ses habitants qui se disent tous cousins et dont toutes les femmes ont semble-t-il fricoté en douce avec feu l'oncle Birol. Et puis, dans son dernier tiers, le film change son fusil d'épaule et se fait radicalement plus sombre et dramatique. Comme si le cinéaste était soudainement rattrapé par ses obsessions. « Qui a tué Lady Winsley ? » se transforme alors en un portrait au vitriol de la société turque (racisme, haine des kurdes, place de la femme, rapports ambigus avec l'Amérique...) et un brûlot anti-Erdogan (portrait d'une société qui se replie sur elle-même jusqu'à l'isolement total, médias qui attisent les haines et les divisions). Un film riche, donc, même s'il se révèle parfois un peu déroutant.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale turque (5.1) ainsi qu’en version française (5.1) et en audiodescription. Des sous-titres français et français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, cette édition comprend également un second DVD sur lequel est proposé le film « Vodka Lemon » réalisé par Hiner Saleem en 2003.
Edité par Memento Films, « Qui a tué Lady Winsley ? » est disponible en DVD depuis le 7 mai 2019.
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