Un grand merci à Pyramide Films ainsi qu’à l’Agence Miam pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Sibel » de Guillaume Giovanetti et çagla Zenciri.
« Ne t’approche pas de moi. Tu es maudite et je ne veux pas que mes enfants soient muets comme toi »
Sibel, 25 ans, vit avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes de la mer noire en Turquie. Sibel est muette mais communique grâce à la langue sifflée ancestrale de la région. Rejetée par les autres habitants, elle traque sans relâche un loup qui rôderait dans la forêt voisine, objet de fantasmes et de craintes des femmes du village. C’est là que sa route croise un fugitif. Blessé, menaçant et vulnérable, il pose, pour la première fois, un regard neuf sur elle.
« Même si c’est dangereux, je fois chasser le loup qui rôde dans la forêt. Les femmes me remercieront quand je descendrai au village avec son cadavre »
Venus du documentaire, Guillaume Giovanetti et çagla Zenciri nourrissent une passion pour les cultures étrangères (et essentiellement orientales) dont ils tentent, de film en film, d’interroger les mœurs et les paradoxes. C’était le cas de « Noor » (2014) qui traitait de l’homosexualité au Pakistan, ou encore de « Ningen » (2015) qui traitait de la rigidité des mœurs japonaises et de la déshumanisation de la société. Avec « Sibel », ils prennent cette fois la route de la campagne turque, perdue quelque part au nord-est de l’Anatolie. C’est en lisant « Les langages de l’Humanité » qui évoquait brièvement un village de Turquie où les habitants communiquent sur la base d’une langue sifflée, qu’ils ont imaginé « Sibel », chronique rurale et dramatique.
« Je ne veux pas faire la guerre pour un autre. Je la fais pour moi-même. C’est différent »
« Sibel » est ainsi une jeune femme vivant avec son père dans un village rural isolé. Muette de naissance, elle ne parvient à s’exprimer qu’en sifflant. Un handicap, doublé d’un comportement de garçon manqué indocile qui lui vaut d’être déconsidérée et mise à l’écart par l’ensemble des autres femmes du village, sa sœur y compris. Jusqu’à sa rencontre avec un déserteur blessé qui se cache dans les forêts alentours qu’elle arpente à longueur de journée. Sous ses airs de chronique naturaliste simple, Guillaume Giovanetti et çagla Zenciri dressent un portrait de la Turquie profonde d’aujourd’hui, et pointent les contradictions de sa société, coincée entre modernité (habitations modernes, séries télévisées...) et traditions religieuses séculaires (croyances superstitieuses, conditions des femmes, place des femmes dans la société, mariages arrangés...). En creux, ils dessinent aussi un joli portrait de femme rebelle et en quête d’émancipation et de liberté. Une jolie fable féministe donc, qui plus est formidablement portée par la belle Damla Sönmez et son regard magnétique, mais qui souffre quand même d’un format (les dialogues sifflés) parfois un peu déroutant.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale turque (5.1 et 2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « L’histoire de Sibel », par Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti (27 min.), une analyse de diverses séquences (12 min.) et de Scènes coupées, commentées par les réalisateurs (7 min.).
Edité par Pyramide Films, « Sibel » est disponible en DVD depuis le 2 juillet 2019.
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