Honky Tonk Freeway

Un grand merci à StudioCanal pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Honky Tonk Freeway » de John Schlesinger.

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« Je déteste avoir à faire aux institutions : ils viennent soit pour vous taxer, soit pour vous faire morfler ! »

Sous l’impulsion de leur maire et pasteur, les habitants de la bourgade de Ticlaw, en Floride, vont tout faire pour que l’autoroute qui vient d’être construite ne détourne pas les touristes de leur petit paradis. ans le même temps, des Américains venus des quatre coins du pays convergent, sans le savoir, vers la ville.

« Tous les péchés sont permis aux bons chrétiens ! Alléluia ! »

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Dans la culture américaine, le « Honky tonk » est un tripot populaire typique du sud du pays. Une sorte de bar à musique country assez rustique. Grand artisan de la Nouvelle vague du cinéma britannique puis du Nouvel Hollywood, spécialiste des mélodrames élégants (« Darling », « Loin de la foule déchainée », « Yanks »), des drames sociaux (« Macadam cowboy » et des thrillers schizophrènes (« Marathon man », « Le jeu du faucon »), John Schlesinger nous invite avec « Honky tonk freeway » à prendre « l’autoroute du tripot » pour – chose rare dans sa carrière – une virée sur le vaste territoire de la comédie. Lointain cousin américain du « Trafic » de Jacques Tati, le film nous embarque ainsi pour un improbable périple à travers l’Amérique profonde. Celle des petites gens sans envergure et sans histoire qu’on ne voit que trop rarement au cinéma. Peuplé d’une foultitude de personnages (interprétés par de savoureux seconds rôles du cinéma américain comme William Devane, Beau Bridges, Beverly D’Angelo ou Jessica Tandy…), cette chronique chorale a pour seul dénominateur commun la route. Celle qui descend inlassablement vers le Sud et le soleil.

« C’est dur de payer pour quelque chose et de ne finalement pas l’avoir. A qui se fier après ? »

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A travers l’histoire folle de cette petite ville de Floride à l’agonie et coupée du monde car on lui refuse une sortie d’autoroute, le cinéaste dresse un portrait au vitriol de l’Amérique des années 70 et de la crise de valeurs qu’elle traverse alors. Et en la matière, tout y passe : les politiciens (cyniques et corrompus), la religion (étouffante au point que la jeune bonne sœur préfère finalement tomber la robe pour s’adonner à la prostitution), les banques (plus enclines à cracher leur cash aux braqueurs amateurs qu’aux honnêtes citoyens), la société de consommation (l’achat compulsif d’une voiture ou de vêtements) ou encore le couple (institution rigide et castratrice dans laquelle tout épanouissement – y compris sexuel – est impossible). Il plane ainsi sur ce film étrange et joyeux une forme d’insouciance et d’hédonisme, comme une sorte d’héritage de l’esprit hippie et libertaire qui brûle alors ses derniers feux. Reste qu’en 1981, tout cela parait déjà terriblement anachronique : Reagan et son Amérique triomphante ont vaincu la contre-culture contestataire tandis que les États-Unis comme le reste du monde s’apprêtent à vivre les sombres années SIDA. Un décalage qui sera sans doute l’une des raisons de l’échec commercial du film, longtemps resté invisible. Un drôle de film imparfait donc, à voir pour ce qu’il est : une curiosité parfois maladroite, un film un peu inclassable autant qu’une récréation dans la filmographie à tendance plutôt dramatique de Schlesinger.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une Préface de Jean-Baptiste Thoret (9 min.), « Honky Tonk Freeway revu par John Schlesinger et Bernard Benoliel » (72 min.) et de la Bande-annonce originale du film.

Edité par StudioCanal dans la collection « Make my day » (dont il est le n°12) dirigée par Jean-Baptiste Thoret, « Honky tonk freeway » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 29 mai 2019.

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