Margaret atwood et la structure du récit

Margaret Atwood est assez claire dans sa définition d’une histoire. Histoire et intrigue sont pour elle la même chose. Quant à la manière de raconter l’histoire donc d’étaler les événements qui s’y produisent, cette façon de faire est de la structure.

Margaret Atwood prend l’exemple du Petit Chaperon Rouge. On sait tous que la petite ne peut résister à s’écarter du chemin qui lui apportait une certaine sécurité.
Que ce soit pour cueillir un bouquet de fleurs sauvages pour sa mère-grand malade ou plus symboliquement comme passage de l’enfance à la femme en devenir qu’elle est encore, il y a ce loup aux beaux atours tentateurs.

Causalité

Maintenant, les événements se succèdent souvent liés par un rapport de cause à effet. La maman du Petit Chaperon Rouge lui demande de visiter sa mère-grand. Le long du chemin, le Petit Chaperon Rouge est tentée et cède bien imprudemment.
Puis, on se retrouve chez la mère-grand où le loup se livre à un véritable massacre.

Et sans l’intervention providentielle d’un chasseur (décidément cet être est utilisé à toutes les sauces d’Actéon à Artémis), l’histoire serait évidemment tragique.

Cette série d’événements suit certes une certaine logique mais est-ce vraiment une structure que nous y appliquons ? Pour Margaret Atwood, la structure concerne notre manière de dire les choses. Nous pourrions commencer In Media Res, c’est-à-dire qu’une partie des événements se serait déjà produite. Mère-grand pourrait déjà être dans le ventre de la bête et assister impuissante à la chute de sa petite-fille.

Une autre façon de faire serait l’analepse, le récit d’une action qui appartient au passé. Les événements ont déjà eu lieu lorsqu’ils sont relatés dans le présent de la narration. Les anglo-saxons emploient le terme de flashback.
Mère-grand quelle que soit sa situation d’ailleurs pourrait alors se souvenir de ce temps douloureux de la présence du loup et l’histoire serait ainsi vue sous l’aspect éminemment subjectif de sa mémoire.

A propos de point de vue, l’auteur peut aussi opter pour celui du loup. Tout en conservant sa fonction d’antagoniste car il est la menace censée corrompre l’innocence de la jeune fille, raconter l’histoire sous son regard peut être tout aussi passionnant que celui de la mère-grand ou du Petit Chaperon Rouge.

Une autre façon de raconter qui impose aussi une autre structure serait pour l’auteur de présenter les choses à la manière d’un thriller ou d’un mystère.
L’histoire débute alors que nous découvrons à l’intérieur d’une cabane un corps sans vie ou peut-être même deux corps : ceux du loup et de la mère-grand. La question dramatique saute à l’esprit comme une évidence. Que s’est-il passé ?

Une structure différente pour une intrigue commune

Margaret Atwood nous rappelle Rashomon de Akira Kurosawa dans lequel plusieurs versions d’un même événement (l’intrigue) sont dites par autant de témoins apportant chacun leur propre point de vue de ce qu’il s’est passé.

Le lecteur/spectateur ne cesse de s’interroger sur ce que pourrait être la vérité. Cela est d’autant plus difficile que personne ne ment véritablement. Les points de vue sont sincères parce qu’ils sont subjectifs.
Dans Rashomon, la vérité percera néanmoins qu’après de nouvelles révélations mais il existe des cas où la fin est ouverte.

C’est-à-dire que l’auteur propose au moins deux réponses possibles. Il ne prend pas véritablement position et laisse son lecteur interpréter ce qu’il juge bien selon son propre point de vue tout marqué de ses propres expériences.

En somme, la structure ne vous privera jamais de votre créativité. A contrario et ce n’est pas paradoxal, elle est un moyen narratif pour vous permettre de vous exprimer comme vous l’entendez même si vous utilisez une structure déjà éprouvée pour ce faire. Il peut toujours y avoir quelque chose de nouveau sous le soleil.

Le conseil de Margaret Atwood est d’une simplicité déconcertante. C’est votre histoire qui vous dictera quelle structure convient le mieux à son expression. Comment se mettre à l’écoute de son histoire ? Il suffit d’essayer de raconter la même chose de manière différente (donc avec une structure différente).

C’est un préalable pour découvrir par soi-même la structure la plus appropriée à ce que l’on souhaite communiquer. Lire et voir ce qu’on fait d’autres auteurs et faire soi-même comme autant de tentatives sont des conditions pour s’améliorer et trouver sa propre voix.