Réalisateur : Ari Aster
Acteurs : Florence Pugh, Jack Reynor, Will Poulter,...Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Epouvante-Horreur, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h20min.
Synopsis :
Dani et Christian sont sur le point de se séparer quand la famille de Dani est touchée par une tragédie. Attristé par le deuil de la jeune femme, Christian ne peut se résoudre à la laisser seule et l’emmène avec lui et ses amis à un festival estival qui n’a lieu qu'une fois tous les 90 ans et se déroule dans un village suédois isolé.Mais ce qui commence comme des vacances insouciantes dans un pays où le soleil ne se couche pas va vite prendre une tournure beaucoup plus sinistre et inquiétante.
Critique :
Pensant son cauchemar comme une entité dense et intelligente ménageant ses effets pour mieux marquer/troubler, Ari Aster fait de #Midsommar une oeuvre magistrale, éreintante, cathartique et imprévisible, jamais écrasé par ses nombreuses références, ni même ses immenses ambitions. pic.twitter.com/rJSqK7GSGX— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 31, 2019
Dans la catégorie des grosses claques qui font mal (physiquement et psychologiquement) et qui nous hante encore longtemps après vision, Ari Aster se posait bien là avec son brillant premier long-métrage Hérédité, véritable cauchemar sur pellicule à la densité incroyable, qui déjouait quasiment tous les petits tics inhérents aux premiers essais pour mieux catapulter son auditoire au coeur d'une horreur psychologique profonde et insoutenable.
Une plongée angoissante et manipulatrice dans l'intimité d'une famille à l'équilibre plus qu'incertain (et dont le quotidien est déjà gangrené par l'incommunicabilité entre tous ses membres), tournée comme une tragédie dramatique sur les névroses familiales virant tranquillement mais surement dans son second tiers, vers le cataclysme funeste profondément oppressant ou chacun des personnages est prisonnier de son sort et n'a aucun contrôle sur un destin déjà tracé.Si certains ont été totalement hermétique à cette proposition rafraîchissante et jouissivement singulière (tant pis pour eux), ils devraient être encore plus allergiques face à la seconde péloche concocté par le cinéaste, pour un été ciné 2019 qui en avait cruellement besoin : Midsommar, petite bombe qui réussit la prouesse d'incarner une oeuvre encore plus riche, exigeante et terrifiante que son illustre ainé.
Symphonie de la terreur pure en un seul et unique acte destructeur, le film s'apparente à un véritable concerto effrayant ou chaque partition, entre horreur, malaise insoutenable et ironie vacharde, mène ses protagonistes vers les tréfonds d'un enfer rarement aussi perturbant et hypnotique, mais surtout rarement aussi fascinant, entre le choc constant d'une violence frontale et rude et l'ivresse d'un bad trip aux images puissantes, volontairement étirées à l'extrême.
Un cauchemar follement introspectif et douloureusement rationnel, à la précision scénaristique et aux visions horrifiques d'une puissance graphique rare, visions dont on ne se remet jamais vraiment même longtemps après avoir quitté son siège.Misant constamment sur une horreur viscérale et intime (le mal est partout), mais surtout dérangeante puisqu'elle met à mal la moralité par l'indécente puissance de l'obscénité et du sadisme, Midsommar, au-delà d'une maîtrise formelle implacable, subjugue par sa manière de transcender les thèmes charnières d'Hérédité (la famille et par extension, les malédictions qui l'entoure, les relations toxiques, la fascination pour le phénomène de rite,...), pour mieux les appliquer à un tout dément et instinctif.
Brassant une pluie de luttes intestines (la communauté contre l'individualisme, la nature contre l'urbain, la liberté contre le collectif, l'homme contre la femme,...), Aster use du délitement du sentiment amoureux et de la toxicité d'une relation de couple, pour mieux faire littéralement exploser l'identité de l'individu et du groupe, dans une sorte de quête initiatique et de renaissance primitive, posant même de manière totalement improbable, la question complexe de l'identité féminine dans le cinéma horrifique, l'éprouvant tout en la faisant moteur essentiel de l'histoire, au coeur du récit - à l'instar de Neil Marshall pour The Descent.
Laissant parler autant son amour pour les images profondément marquantes et terrifiantes, que pour les comédiennes (après Toni Colette, c'est Florence Pugh qui trouve aisément le plus grand rôle de sa jeune carrière), pensant son horreur comme une entité intelligente ménageant ses effets (agissant par touche, entre virtuosité du hors champs et gestion vertigineuse du cadre et du rythme), Ari Aster fait de son second essai un classique instantané, une oeuvre magistrale, éreintante, cathartique et imprévisible, jamais écrasée par ses nombreuses références (parfaitement digérées) ni même ses immenses ambitions.
Vivement son nouveau passage derrière la caméra, vraiment.
Jonathan Chevrier