Pour Margaret Atwood, amener les personnages à la vie se fera par les détails. C’est-à-dire que principalement, ce sera leur manière de se comporter quelles que soient les circonstances dans lesquelles ils seront jetés, qui donnera ce souffle vital à des personnages de fiction.
Les actions révèlent les personnages
Un personnage est défini par ce qu’il lui arrive. Autrement posé, son interaction avec les événements nous permettra de comprendre qui est ce personnage. Certaines descriptions comme les tenues vestimentaires ou bien ce qu’ils possèdent peuvent donner quelques indications sur les personnages mais l’interaction avec le monde extérieur, les décisions qu’ils prennent, les gestes qu’ils accomplissent, l’intersubjectivité qui existe forcément entre deux personnages (et en particulier comment le regard des autres personnages va bien au-delà du simple jugement), tout cela est comme dans la vie réelle.
Lorsqu’il prend en charge ses personnages, l’auteur ne fait que reproduire les sons, les mouvements, les gestes de personnes réelles. C’est cette imitation, cette recopie d’une réalité psychologique, d’actions logiques qui apporte la nécessaire crédibilité vitale aux personnages de fiction.
Cette crédibilité est ce qui explique pourquoi nous changeons, comment nous pouvons nous révéler à nous-mêmes (car le regard de l’autre nous aide à lever le voile obscur qui nous cache à nous-mêmes) et enfin de présenter aux autres notre véritable nature et non plus cette persona, cette apparence d’un personnage que nous interprétons selon un rôle social qui ne nous correspond décidément pas.
Cette façon de voir ses personnages est intéressante parce qu’elle implique que pour permettre à un lecteur/spectateur de comprendre à qui il a affaire, les personnages devront être dans des situations signifiantes.
Pour que le personnage révèle une facette de lui-même, en communiquant une information qui doit émaner de sa présence pour permettre de mieux le comprendre, il faut le mettre en situations.
Comment connaître ses personnages ?
Pour Margaret Atwood, tout est basé sur les impressions. Les impressions que nous avons d’autrui lorsque nous les rencontrons ou dans d’autres circonstances et les impressions que eux-mêmes se construisent et qu’ils codent en quelque sorte pour communiquer qui ils sont ou du moins qui ils paraissent être.
Encore une fois, nous cueillons dans la vie réelle les ingrédients qui nous permettront et nous autoriseront à élaborer et à élucider nos personnages de fiction.
Les impressions sont d’autant plus intéressantes à travailler qu’elles peuvent être vraies ou fausses. Si l’on tire des actions ou des dires d’un personnage certaines impressions, nous allons supposer que cela signifie chez ce personnage qu’il a par exemple un certain caractère.
Par exemple, nous pouvons laisser croire que parce qu’il a fui devant une menace, cet être de fiction est quelqu’un de foncièrement lâche. Il peut nous communiquer lui-même cette idée qu’il s’est faite sur lui-même parce qu’il interprète de manière erronée ses propres actions ou bien nous pouvons croire ce qu’on nous rapporte de ce qu’il a fait.
Nous pouvons donc assister à une action, l’observer ou y participer et en déduire certaines conclusions, certaines certitudes (que nous n’osons que difficilement remettre en doute ou critiquer) ou bien accepter ou refuser les témoignages que l’on nous relate sur des actions accomplies ou bien encore en tirer des jugements (ce qui ouvre la porte à tout un tas de possibilités narratives, voire de manipulations du lecteur par l’auteur).
Concrètement, lors de l’élaboration d’un personnage, l’auteur peut répondre à quelques questions concernant son âge, les amis qu’il fréquente, les hobbies qu’il pratique mais aussi des choses comme les expériences traumatiques qu’il a vécues, les obsessions qu’il peut avoir et les sentiments qui l’animent à ce moment de sa vie, à ce fragment de sa vie dont l’auteur s’empare. Ce seront des sentiments et des valeurs tels que l’amour par exemple.
Ces détails à l’ampleur plus ou moins étendue sont essentiels pour comprendre tous les aspects des personnages. Ce sont ces aspects qui permettront de comprendre pourquoi et comment les personnages agissent et réagissent face à la pression des événements.
Développement concret des personnages
Le monde, l’univers dans lequel les personnages évolueront est à prendre en compte dès le début. En effet, nous pouvons, arbitrairement certes, catégoriser les personnages en deux groupes : ceux qui suivront les règles du monde et ceux qui seront en rébellion contre celles-ci (la violence de la révolte est tout en nuances mais l’idée est qu’ils sont contre des valeurs ou des lois qu’ils n’acceptent pas ou plus).
Une œuvre de fiction (même de science-fiction ou de fantastique) prend sa source dans notre réalité (physique ou idéelle). Lorsque Margaret Atwood réfléchit à l’un de ses personnages, elle commence par lui donner une date de naissance et crée ensuite un calendrier des faits historiques ou marquants qui ont émaillé les années qui précèdent et suivent cette date de naissance.
Les faits ou phénomènes retenus détermineront alors un univers dans lequel tous les personnages du projet prendront place et se situeront soit en harmonie avec le monde, soit ils seront heurtés, insatisfaits, inconfortables avec les lois et règles de ce monde.
C’est un travail de réflexion qui peut permettre aussi de révéler des choses symboliques dont vous aimeriez vous servir.
Concrètement, le développement des personnages consiste à établir non seulement les relations qu’ils entretiendront entre eux mais aussi celles qu’ils auront face aux événements auxquels ils assisteront ou participeront.
Cette notion d’événements est très importante si l’on comprend la définition de l’intrigue comme une série événementielle. Ce qui donne du poids aux événements sera les actions et réactions des personnages face à eux parce que si l’on se contente de décrire l’événement, nous serons davantage dans le reportage que dans la fiction. L’événement se justifie dans l’histoire par le conflit qui lui est inhérent en regard des personnages. L’intrigue véritable est nécessairement conflictuelle.
Communiquer avec son lecteur
Pour pouvoir suivre l’histoire, le lecteur doit recevoir des informations. Pour l’auteur, la problématique est de lui donner les justes informations parce que sans cela, le lecteur interprétera les choses selon des conclusions que l’auteur n’aura pas contrôlées.
Prenons la nourriture par exemple. Est-ce que le personnage mange suffisamment à sa faim ou bien se gave t-il ? Peut-être est-il constamment affamé ? Les réponses données orientent la pensée du lecteur vers les états souhaités par l’auteur.
De même pour les tenues vestimentaires. Bien sûr qu’elles doivent correspondre à l’époque et aux conditions sociales des personnages, mais surtout, elles doivent dire quelque chose à propos des personnages (ce qu’ils possèdent, les biens matériels, sont aussi révélateurs de certaines caractéristiques).
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le détail donné en pâture en quelque sorte au lecteur doit être précis pour invoquer les choses voulues par l’auteur.
Par exemple, si vous décrivez un jeune de nos banlieues les plus difficiles, les dialogues (parmi d’autres choses) seront très spécifiques.
L’auteur doit connaître cette spécificité et si elle lui manque, il devra se la procurer auprès des personnes à même de lui apporter les précisions nécessaires. Cela fait partie du travail de recherche.
Et puis, comment voudriez-vous prendre conscience de tous les détails qui existent dans le monde ? Rapprochez-vous des experts comme le dit Margaret Atwood qui seront capables de vous instruire avec l’exactitude souhaitée.