Never Grow Old (2019) de Ivan Kavanagh

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Si le genre du western est tombé en désuétude depuis bien longtemps quelques films sortent encore chaque année et c'est souvent pour d'excellent résultat. Moins de western mais on gagne en qualité semble-t-il... Cette fois c'est le réalisateur irlandais Ivan Kavanagh qui se frotte au genre. Peu connu chez nous il a déjà signé plusieurs films dont le film en noir et blanc "Tin Can Man" (2007) et le film d'horreur "The Canal" (2014). Le cinéaste est parti d'une histoire qu'il voulait un peu hors des sentiers battus, car la plupart des westerns se déroulent après la guerre de Sécession (1870-1880) et qu'ils mettent en avant toujours les mêmes protagonistes (rancher, cowboy, bandits, indiens...). Réalisateur-scénariste, il a donc choisi la ruée vers l'or des années 1848-1849 et de choisir comme personnages principal un croque-mort. Kavanagh explique : "Habituellement dépeint comme un marginal insignifiant, notre protagoniste, Patrick tate, est ici présenté comme un homme simple qui aime ses proches et qui travaille dur pour subvenir à leurs besoins."... Par là même, le cinéaste dit s'être beaucoup inspiré "des photos prises dans les années 1850 et au-delà. La souffrance qu'on pouvait lire sur le visage des gens étaient terrifiante - d'ailleurs quand on écoute les chants de cette époque, ils ne parlent que de souffrance, de misère, et d'une vie bien meilleure de l'autre côté, au Paradis. Cela donne une image troublante de la construction de l'Amérique du Nord et de l'expérience des immigrés, qui donne vraiment matière à réfléchir. J'ai essayé de redonner cette dimension au film et de rendre hommage aux westerns que j'adorais lorsque j'étais enfant."... On se trouve donc en 1849, pleine ruée vers l'or, l'irlandais Patrick Tate rêve de partir pour la Californie mais sa famille et lui se sont installé dans le village de Garlow où le prêtre a imposé une sorte de dictature sectaire et puritaine sur la communauté. Jusqu'au jour où une bande de bandit commandé par Dutch Albert décide de rouvrir le saloon, ce qui permet insidieusement à Tate de prospérer comme croque-mort...

Le croque-mort est incarné par Emile Hirsch qu'on avait pas vu depuis "The Jane Doe Identity" (2017) de André Ovredal, son épouse française est justement jouée par notre frenchie Deborah François vue récemment dans "L'Autre Continent" (2019) de Romain Cogitore et qui trouve là son second film en langue anglaise après "London Nights" (2010) de Alexis Dos Santos. Le grand méchant est interprété par John Cusack qu'on avait pas vu depuis longtemps, depuis "Love and Mercy" (2015) de Bill Pohlad il est surtout entré dans une phase qu'on pourrait qualifier de "Has Been". On notera la présence en second méchant de l'excellent acteur belge Sam Louwyck vu dans (2011) de Mickael R. Roskam, "Les Ardennes" (2016) de Robin Pront ainsi que dans le magnifique western (2017) de Martin Koolhoven... On apprécie la reconstitution historiques sur les décors et les costumes. Le chef décorateur s'est d'ailleurs reposé sur des photographies d'époque jusqu'à aller à reconstruire véritablement les bâtiments quasi à l'identique. Par contre, dans le même temps, on doit faire avec une photographie bien mal éclairée ce qui donne un film beaucoup trop sombre à tel point que le contraste jour/nuit est bien mince. Insister sur le côté délabré, difficile et boueux est une chose, mais abuser d'une absence de soleil c'est aussi trop facile et caricaturé. Le scénario est assez basique mais repose sur un lien familial et social fort et, effectivement, plutôt rarement exploité dans le western. Alors que Tate est pris au piège engoncé dans une vie qu'il n'aime pas, dans l'attente de prospérer un peu pour pouvoir rêver dans la Californie de la ruée vers l'or, son épouse étant de surcroît soucieuse des apparences et des sermons du prêtre. Mais à l'insu de son plein gré, l'arrivée des bandits font que son commerce de croque-mort vient à prospérer ce qui n'est pas du goût des biens pensant ni de son épouse.

La vraie force du film réside donc dans l'évolution psychologique de Tate à partir du moment il prospère grâce à des meurtres, et comment il gère vis à vis du caïd, vis à vis de son épouse, vis à vis de ses voisins et surout vis à vis de lui-même et de sa conscience. Emile Hirsch joue parfaitement, mais surtout bine épaulé par une Deborah François en épouse aimante mais forte et loin de se laisser marcher sur les pieds tout en étant la femme face à un univers très patriarchal. Par contre, si John Cusack assure il surjoue parfois et manque cruellement de nuance. La petite histoire repose aussi sur le face à face de deux mondes, la dictature sectaire religieuse qui veut tout contrôler et légiférer face à la Liberté totale des hommes sans foi ni loi où l'anarchie s'ouvre à la loi du plus fort. Résultat un western crépusculaire qui se déroule en 1849 soit bien avant les autres westerns du genre, souvent les westerns dit crépusculaires se déroulent justement vers les années 1890-1900. La tension s'installe soudain une nuit avec l'arrivée des trois tueurs et évolue constamment, doucement, jusqu'à ce dénouement violent qui apporte son lot de suspense ou d'ouverture narrative plutôt judicieux. En conclusion un western sombre et pessimiste qui ne manque ni d'idées ni d'ambition, qui pêche par un méchant un peu caricatural et une lumière mal gérée. Ca reste un bon moment.

Note :