Une fiction, c’est un mensonge. C’est ce que Neil Gaiman nous propose de considérer. De fait, nous avons des personnages qui sont autant des êtres de fiction qui n’existent que dans nos imaginaires.
Et ils leur arrivent des choses qui n’arrivent pas vraiment.
Et que fait un auteur avec ces mensonges ? Il communique une vérité, sa vérité.
Et il lui est nécessaire que cette vérité soit convaincante et vraie. C’est-à-dire que les mensonges proférés soient convaincants et vrais.
L’apparente vérité d’un récit serait vaine si le mensonge ne lui donnait pas le souffle vital de sa crédibilité.
Le mensonge en littérature est un des instruments les plus utiles pour dire d’humaines vérités qui trouveraient difficilement leur chemin autrement.
Ajoutons l’image à l’écrit, et nous avons un puissant outil de communication.
La fiction : copie du réel
Une histoire ne s’impose pas sur un lecteur ou un lecteur/spectateur. Lorsqu’il se passionne pour une histoire, le lecteur commence d’abord par suspendre son incrédulité. Il accepte que la fiction soit une copie de la réalité.
L’auteur d’une fiction doit donc faciliter cette volonté que le lecteur/spectateur met bien volontiers à sa disposition. Il encourage alors cette position favorable à son égard en travaillant sérieusement à la vérisimilitude de son récit. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’auteur manipule hypocritement le lecteur.
A contrario, nous avons une sorte d’accord entre l’auteur et le lecteur/spectateur pour que ce dernier puisse recevoir le message qu’un auteur tente de communiquer (et que ce message porte ou non en lui une vérité universelle).
L’objectif de l’auteur est simplement d’être crédible et convaincant. Si la fiction dépeint notre réalité, nous utiliserons alors une vérisimilitude culturelle. Si le monde fictif est un monde imaginaire, il aura néanmoins en soi suffisamment de cohérences qu’il semblera réel.
Cette cohérence se constitue de vérisimilitudes génériques. Ces traits génériques se retrouvent par exemple dans ce que l’on nomme les conventions d’un genre c’est-à-dire que le lecteur s’attend à trouver dans le récit certaines caractéristiques (par exemple le mystère dans le thriller) qui confère alors à la fiction un sentiment de vérité.
Ainsi, aussi étrange que soit le monde de la fiction, il semblera réel au lecteur parce qu’il y trouvera des points d’appui avec sa propre réalité.
Le détail sensible
Pour Neil Gaiman, il n’y a rien qui nous interdise de placer dans notre histoire un tunnel qui n’existe pas. Cependant, il faut le rendre crédible. C’est donc par le détail que l’auteur y parviendra. S’il fait naître dans l’esprit de son lecteur/spectateur une odeur d’égout ou bien s’il lui fait prendre conscience de la présence inquiétante d’eau, c’est à une expérience concrète qu’il convie son lecteur.
Par le détail sensible, la vérisimilitude est atteinte par nos propres sens. Le lecteur imagine les sensations qui impressionneraient ses propres sens s’il était lui-même dans la situation décrite. En quelque sorte, l’auteur lui permet d’imaginer la réalité. La fiction est vraiment quelque chose d’empirique par personnage interposé.
Néanmoins, cet aspect empirique de la fiction doit être considéré comme un instrument et non comme une doctrine.
De véritables émotions
Quelle que soit la situation dans laquelle l’auteur jette son personnage (de la plus banale à la plus étrange), le lecteur/spectateur devrait ressentir ou du moins s’approcher de très près des émotions ressenties par le personnage.
Que celles-ci soient des joies ou des peurs, elles doivent pouvoir être partagées entre le personnage et le lecteur.
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Le dépaysement
Il est important d’emmener le lecteur vers des terrains qu’il connaît. Il est tout aussi important de lui faire découvrir des choses qui lui sont inconnues.
Autrement dit, il ne faut pas craindre de faire perdre ses repères au lecteur (et que ces repères soient physiques, mentaux ou culturels).
Pour Brecht, ce dépaysement en fiction était assimilé à une distanciation.
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LE CONFLIT DANS LA SÉRIE
Votre monde
Que votre fiction se fonde sur le monde réel ou bien qu’elle se situe dans un monde totalement imaginaire, il lui faut être cohérente avec elle-même.
Cette cohérence passe par le respect des lois, règles, normes du monde dont vous empruntez la réalité ou bien que vous avez créé tel un démiurge.
Si quelque chose n’est pas juste dans votre monde (c’est d’ailleurs ce qui justifie toute la fiction que vous êtes en train d’écrire), il faut laisser aux personnages le temps de s’apercevoir que ce n’est pas juste pour eux non plus.
La vérisimilitude n’est pas une fin en soi mais en fiction, elle présente l’avantage d’être un support de l’émotion. C’est une question de vérités émotionnelles.
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UNE VÉRITÉ ÉMOTIONNELLE
Mais loin d’être barbante, la fiction sert à édifier son lecteur (malgré lui parfois) d’une façon qui le divertira.
Comme on écrit pour un lecteur, le but d’un auteur (même en fiction) est d’aider son lecteur dans les moments difficiles que nous connaissons tous, de nous permettre de nous ouvrir à de nouveaux horizons et de penser le monde autrement (ou du moins de nous donner la force d’oser remettre en question un certain système) et la fiction pourrait même nous aider à changer de vie, en nous montrant seulement que c’est possible.
Écrire
Pour Neil Gaiman, écrire c’est comme de marcher nu dans la rue. Écrire, c’est être capable de montrer de soi-même plus que nous pensions pouvoir en être capable. Il suffit juste d’être un peu plus honnête que d’habitude, c’est-à-dire se mettre en danger.
Reprenez une scène que vous avez écrite puis interrogez-vous sur cette vérisimilitude en vous posant ces quelques questions :
- Les détails que vous avez mis en avant dans cette scène particulière sont-ils suffisamment descriptifs ? Autrement posé, sont-ils caractéristiques de cette scène ?
Et pourriez-vous les rendre encore plus sensibles ? C’est-à-dire que le lecteur les ressente d’abord par ses sens avant de leur appliquer quelques raisonnements et autres jugements.
- Les comportements, attitudes, décisions de vos personnages sont-ils vraiment conformes à leurs diverses personnalités ? Les réponses qu’ils donnent à ce qu’il leur arrive font-elles sens avec qui ils sont ?
D’ailleurs, cela n’interdit pas parfois certains comportements étranges ou inattendus de leur part (tant que l’auteur peut le justifier ne serait-ce qu’à lui-même).
- Quelle crédibilité avez-vous apporté aux faits que vous décrivez ? Par exemple, y aurait-il une autorité quelconque à laquelle vous pourriez vous référer pour justifier tel ou tel événement dans votre fiction ?
Cette autorité peut être historique comme religieuse. L’idée est de vérifier les faits que vous avancez dans votre récit (et même dans un récit de fantasy qui répond à certaines lois dans son fonctionnement).
Un exercice pour finir
La vérisimilitude est en fin de compte un exercice de sincérité. Il est certes difficile d’être honnête avec soi-même. C’est pourtant le lot de tout auteur.
Voici quelques moments :
- Un temps où vous vous sentiez vraiment embarrassé
- Un profond regret d’une de vos actions ou décisions
- Le moment le plus triste de votre vie
- Un secret dont vous craignez de parler
Considérez chacun de ces moments et écrivez quelques lignes, quelques paragraphes sur chacun de ces thèmes.
Prêtez attention aux mots qui vous viennent (on ne cherche pas à savoir ici d’où vient l’inspiration car vous êtes votre propre inspiration). Notez les passages qui vous rendent inconfortables. Vous aurez probablement tendance à vous en écarter. Ne le faites pas. Essayez juste d’être un peu plus honnête avec précisément ce qui vous effraie.
Gardez en tête qu’être courageux ne signifie pas qu’on ne soit pas effrayé.
Relisez votre texte ou lisez-le à voix haute à quelqu’un en qui vous avez confiance. Quelles sensations surgissent dans votre corps, dans votre cœur, dans l’immédiateté de cette lecture de moments qui vous sont particulièrement difficiles (et qui ne sont peut-être pas encore terminés) ?
Considérez le jugement des autres ou plutôt comment vous craignez être jugé par autrui. Ou bien considérez ce que vous ne pouvez dire oralement.
Ce sont ces sentiments que vous devriez écrire parce qu’ils sont réellement vous mais que vous ne pouvez dire autrement qu’en écrivant une fiction.