Le chat noir

Un grand merci à Elephant films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le chat noir » de Edgar G. Ulmer.

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« Cette maison est un chef d’œuvre de construction érigé sur un chef d’œuvre de destruction »

Joan et Peter partent en voyage de noces en Hongrie. Sur le chemin, ils rencontrent Vitus Verdegast, un docteur rescapé d’un camp de prisonnier en Russie. Celui-ci doit retrouver un vieil ami. Après quelques mésaventures, le couple doit faire une halte forcée au château de l’ami de Verdegast. L’immense demeure de Hjalmar Poelzig est particulièrement impressionnante. Poelzig, architecte célèbre, vit entouré de chats noirs, et devient de plus en plus inquiétant… 

« Certains livres prétendent que le chat noir est l’incarnation du mal et qu’à sa mort, le mal se loge dans l’être vivant le plus proche »

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Doyen des grands studios hollywoodiens, Universal a construit sa renommée et son succès sur la base d’un cinéma de genres grand public basé sur des coûts de production modérés. Avec pour chaque décennie une spécialité : les westerns dans les 50’s, les films d’aventures et les séries comiques dans les années 40 et bien évidemment les films d’horreur dans les années 30 avec notamment tous les films de monstres tels que « Dracula », « Frankenstein », « Dr. Jekyll et Mr. Hyde », « La momie » ou encore « L’homme invisible ». C’est dans ce contexte que le studio se lance en 1934 dans la très libre adaptation du « Chat noir », une nouvelle du maitre Edgar Allan Poe. Un projet confié à Edgar G. Ulmer, jeune réalisateur allemand fraichement débarqué en Amérique où il est venu fuir l’avènement du nazisme. Ce dernier est précédé d’une flatteuse réputation puisqu’il s’est illustré comme scénariste de Murnau avant de coréaliser « Les hommes le dimanche », l’un des derniers succès du cinéma muet de feu la République de Weimar.

« Votre femme était si belle... J’ai voulu conserver sa beauté à jamais »

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Sauf que de la nouvelle originale de Poe, le film ne gardera quasiment rien exceptée la présence du fameux chat noir du titre, dont la présence sera ici très secondaire. Né en Moravie, Ulmer puise dans la culture d’Europe centrale pour construire un thriller horrifique sur fond de vengeance dont le décor (les Carpates hongroise) et l’énigmatique personnage central (un mystérieux architecte retiré dans une maison coupée du monde et froid comme la mort) semblent très lointainement inspirés par le mythe de Dracula. Mais au-delà même de sa mystérieuse intrigue au sulfureux parfum de meurtre et de sexualité dépravée (thème jamais évoqué mais clairement suggéré), la bonne idée du cinéaste est d’avoir inscrit son récit dans son contexte immédiatement contemporain de l’après Première Guerre mondiale, tragédie qui donna vie à de véritables monstres cruels et sanguinaires, comme le rappelle cet immense cimetière militaire qui entoure la demeure de l’architecte, elle-même construite sur le lieu d’une terrible bataille. L’autre originalité du film repose aussi sur la volonté du réalisateur de moderniser et détourner les codes habituels du film d’épouvante en remplaçant l’habituel château médiéval gothique par une vaste et moderne demeure dont le décor épuré et austère contribue à la sensation oppressante de ce huis-clos fataliste et étrange  (à l'image de la partie d'échecs où se joue la vie des prisonniers), qui se termine par une messe satanique aussi folle qu’inédite dans une production de ce genre. Même s’il a sans doute un peu vieilli, ce « Chat noir » mérite d’être redécouvert, ne serait-ce que parce qu’il marque la première réunion à l’écran des deux monstres sacrés de l’épouvante, à savoir les immenses Boris Karloff et Bela Lugosi.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Ulmer ou l’horreur Bauhaus » : « Le Chat noir » par Nicolas Stanzick, un documentaire d’Erwan Le Gac (36 min.), d’une Bande-annonce et d’une Galerie photos. Un livret proposant les photos du film commentées par Alain Petit (16 pages) est également joint.

Edité par Elephant Films, « Le chat noir » est disponible en édition combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD seul depuis le 25 juin 2019.

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