De quoi ça parle?
De la disparition d’une femme, Evelyne Ducat (Valeria Bruni-Tedeschi), dont la voiture est retrouvée vide au lendemain d’une tempête de neige, au coeur des Causses. Du triangle amoureux torturé formé par Alice (Laure Calamy), une assistante sociale frustrée, Michel (Denis Menochet), son mari, qui ne l’aime plus, et Joseph, son amant agriculteur, qui n’a plus goût à la vie (Damien Bonnard). Des amours torturées de Maribé, une jeune serveuse, et des rêves de richesse d’Armand, un petit voyou ivoirien. Sans le savoir, tous ces personnages sont reliés les uns aux autres, et leurs actions individuelles ont des conséquences désastreuses pour l’ensemble du groupe.
Pourquoi on a aimé (et pourquoi on n’a presque pas aimé)?
Parce que le récit est plutôt bien ficelé, avec sa construction en cinq chapitres complémentaires, racontant chacun le récit du point de vue d’un personnage et levant peu à peu le voile sur la disparition d’Evelyne Ducat, ses causes et ses répercussions sur les différents protagonistes. Dominik Moll, réalisateur de Harry, un ami qui vous veut du bien, n’a rien perdu de son talent pour créer une ambiance mystérieuse et angoissante à partir d’éléments du quotidien, et pour utiliser une intrigue de thriller lui permettant d’explorer les failles de l’âme humaine.
Seules les bêtes, au-delà de son emballage de film noir, dépeint le marasme d’une France rurale isolée, peuplée essentiellement d’agriculteurs luttant pour leur survie, et dresse le portrait de plusieurs personnages en mal d’amour, frustrés par leur vie conjugale, enfermés dans des mariages sans amour ou des relations sans avenir, rongés par la solitude ou préférant au contraire rester loin des autres hommes, avec les animaux.
Le récit est sombre, puissant et peuplé de personnages complexes, qui offre aux acteurs de très belles partitions à jouer. Denis Menochet et Valeria Bruni-Tedeschi sont comme souvent impeccables et trouvent ici des rôles à leur mesure. Mais Dominik Moll a également eu la bonne idée d’utiliser des talents méconnus : celui de Laure Calamy, dont le personnage est au coeur du premier chapitre, ou de Damien Bonnard, aussi épatant en agriculteur perturbé et solitaire qu’en jeune flic idéaliste dans Les Misérables. Et il révèle deux jeunes comédiens : Nadia Tereszkiewicz et Guy-Roger N’Drin.
Le seul petit problème, c’est que la fin du film enchaîne les rebondissements improbables en moins de cinq minutes, ce qui, de notre point de vue, atténue la portée du récit. Il est probable que ces péripéties figuraient déjà dans le roman de Colin Niel (1), dont le film est tiré, et qu’elles sont cohérentes du point de vue structurel, pour relier entre eux tous les fils narratifs, mais à l’écran, cela passe moins bien qu’à l’écrit. Peut-être parce que la trame narrative devient alors trop visible, trop artificielle.
Ces cinq dernières minutes gâchent quelque peu l’ensemble, jusqu’alors irréprochable, mais ne parviennent heureusement pas à entamer l’impression générale, positive.
Angles de vue :
”Un bon cas de polar efficace, sophistiqué et social, à même de toucher un large public” (Jacques Morice, Télérama)
”Trop de twist tue le twist” (Anonyme, en sortie de séance)
(1) : “Seules les bêtes” de Colin Niel – éd. Actes Sud
Crédits photos : copyright Haut & Court