Révélation du monde par la sensibilité

Par William Potillion @scenarmag

C’est par le détail que la révélation de votre monde se fera au lecteur/spectateur. Margaret Atwood enseigne d’éviter les termes trop généraux qui ne suscitent pas l’imagination. Ne pas se contenter d’écrire qu’il y a ici un arbre même si ce qui préoccupe l’auteur est d’en faire un obstacle. Précisez de quel type d’arbre il s’agit peut évoquer une particularité qui définira bien mieux la nature de l’obstacle rencontré.

Une représentation consiste à traduire en son esprit ce qu’on perçoit par nos sens (et tous nos sens participent à cette opération). Les mots permettront de reconstruire de telles images en sollicitant l’imaginaire du lecteur (lorsque les mots ont déjà été mis en images puisqu’un scénario est un film en devenir, le processus est un peu différent mais n’en reste pas moins le même).

Observer la vie et deviner ce qui ne se montre pas a priori est le moyen par lequel un auteur peut amener le détail significatif jusqu’à son lecteur.
L’idée de l’auteur se communiquera par son habileté à traduire des images des phénomènes qu’il décrit.

Le monde par la perceptibilité

Ce que l’on cherche à dire commence souvent par une abstraction. C’est une généralité qui vient d’abord à l’esprit de l’auteur. En fiction, cela ne fonctionnera pas.
Dire qu’un personnage éprouve un fort sentiment religieux ne sera pas compris du lecteur s’il ne le voit pas pratiquer sa croyance. L’auteur doit permettre au lecteur de capter cette pratique religieuse en amenant les détails qui permettent de la prouver.

Les mots sont capables de solliciter les sens, tous les sens, y compris des odeurs ou le toucher qu’apparemment un film ne sait pas (pas encore du moins) communiquer. Les mots peuvent décrire la texture d’une chose et l’imaginaire du lecteur, ses souvenirs, feront remonter à la surface cette sensation pourtant fictive.

Jeter des personnages dans des situations est la matière de l’intrigue. Faire passer au lecteur ce que ressent un personnage dans une circonstance particulière commence par décrire l’environnement qui entoure ce personnage.

Le ressenti du personnage se communique par la description des phénomènes extérieures. Par exemple, je souhaite jouer sur un sentiment d’oppression. Je peux placer mon personnage sur un chemin étroit, dans la nuit, avec une végétation dense au-delà des ornières.

Ou bien je peux encore le situer au milieu d’une foule compacte (bien que la suite de l’action peut vouloir signifier que cette foule anonyme sert de protection à mon personnage).

Dans le même ordre d’idée, Margaret Atwood explique que la pénombre peut receler de nombreux dangers (du moins dans l’esprit de son personnage). Et si, effectivement, la suite de l’action montre qu’il n’y a aucune menace, l’idée à communiquer n’est pas que le personnage se soit perdu dans des illusions mais bien qu’il ressentait de la peur.

Et c’est cette peur qui devait être communiquée au lecteur à ce moment précis de l’action.

Nous connaissons tous toutes les sensations par lesquelles nous passons au cours de notre vie. Même les enfants sont capables de ressentir certaines choses qui sont déjà à leur portée et font leur spontanéité.
L’auteur peut alors simplement décrire le phénomène qui ramènera ces sensations et autres sentiments chez son lecteur.

L’invention consiste alors à trouver les bons mots pour décrire ce qui, dans une situation donnée, créera telle émotion, tel sentiment, telle passion chez son lecteur. Et c’est habituellement par l’observation de la vie elle-même que l’auteur peut y parvenir.

Par ailleurs, tout ce que vous mettrez dans votre histoire doit avoir un but. Le lecteur s’interrogera toujours sur ce qu’il voit, entend, ressent par un moyen ou un autre. Tout est une question d’imaginaire.
Et alors que le lecteur réagira souvent intuitivement à ce qu’il perçoit dès l’abord, l’auteur, quant à lui, doit se livrer à une réflexion a priori avant d’encoder son information.

En somme, usez autant que faire se peut de suggestives évocations.