De quoi ça parle ?
D’une femme-médecin qui essaie vaille que vaille d’améliorer le quotidien de sa clinique, située dans une petite ville d’Arabie Saoudite, mais qui se heurte aux lourdeurs administratives de son pays et aux préjugés liés à son sexe. Pour faire bouger les choses, elle décide de se présenter aux élections du conseil municipal local et élaboré avec ses deux sœurs une stratégie électorale offensive.
Plus généralement, The Perfect Candidate parle du statut de la femme en Arabie Saoudite et des nombreux combats qu’il reste à mener pour parvenir à l’égalité des sexes.
Pourquoi on vote pour ?
Parce que Haifaa Al-Mansour a beaucoup progressé depuis Wadjda. Après avoir tourné plusieurs films à l’étranger, sur des sujets très éloignés des problématiques du Moyen-Orient, la cinéaste s’intéresse de nouveau à la place de la femme dans son pays d’origine, mais elle aborde le sujet avec plus de recul et de maturité, ainsi qu’une meilleure maîtrise de la narration et de la direction d’acteurs. Cette expérience irrigue l’ensemble du long-métrage, une chronique sociale percutante que n’aurait pas reniée Ken Loach ou les frères Dardenne.
La thématique du film est concentrée dans le premier plan. On y voit le personnage central, Maryam (Mila Alzharani), seule au volant de sa voiture pour se rendre à son travail, dans la clinique où elle exerce la médecine. Si l’on considère que la jeune héroïne de Wadjda n’avait pas le droit de faire du vélo, on se dit qu’en sept ans, les droits des femmes ont bien progressé en Arabie Saoudite. Mais ceci n’est évidemment qu’un trompe-l’oeil. Certes, Maryam a le droit de conduire une voiture, mais elle ne peut le faire qu’en étant intégralement voilée. Elle doit aussi porter le niqab pour traiter des patients masculins, du moins ceux qui acceptent d’être soignés par une femme, ce qui est loin d’être gagné… Elle a le rôle le plus important de la clinique, mais doit subir les réflexions misogyne de son collègue masculin et le dédain de ses supérieurs lorsqu’elle réclame leur soutien pour faire goudronner la portion de route impraticable qui mène à la clinique.
Et lorsqu’elle veut se rendre à Dubaï pour assister à un congrès professionnel, on lui demande l’aval de son chaperon masculin pour quitter le territoire… Alors, oui, les droits des femmes progressent un peu sur la forme, mais pas sur le fond. Cette société conservatrice et patriarcale les considère toujours comme des êtres inférieurs, incapables de penser ou d’exercer des responsabilités, incapables d’exister sans la présence d’une tutelle masculine.
Aussi, lorsque Maryam se présente aux élections municipales, elle est attaquée de toutes parts. Les autres candidats la prennent de haut. Les journalistes qui l’interviewent ne lui pose que des questions sur des sujets futiles, car forcément une femme candidate ne peut être sérieuse. Les hommes qui assistent à son meeting l’insultent et méprisent ses idées…
Au départ, Maryam ne pense pas vraiment à être élue. Elle souhaite juste de profiter de sa candidature pour aborder le sujet de la réfection de la route de la clinique, dans l’intérêt de la collectivité. Mais peu à peu, en colère contre le machisme ambiant, elle se prend au jeu et ambitionne vraiment d’obtenir le poste, histoire de prouver à tous ces hommes qu’elle est tout aussi légitime et compétente qu’eux. Mais le combat est encore long et difficile. L’objectif ne pourra être atteint qu’à long terme, pas à pas. Mais réussir à faire changer d’opinion ne serait-ce qu’un de ces hommes réfractaires au changement est déjà un pas important vers une société plus juste et paritaire.
La grande force du cinéma d’Haifaa Al-Mansour, c’est de ne jamais céder à la provocation. Elle ne tend jamais à ses détracteurs le bâton pour se faire battre. Ses héroïnes ne sont pas des rebelles. Elles acceptent les codes de la société saoudienne, portent les tenues réglementaires, respectent les coutumes religieuses, exécutent les tâches domestiques qui leur sont assignées à la maison. Mais elles sont modernes, instruites, cultivées, capables de s’impliquer autant que les hommes dans la vie politique et sociale de leur quartier, capables de diriger une entreprise ou d’exercer des postes à responsabilité. Elles ne réclament pas des droits, mais entendent bien gagner le respect des hommes en leur démontrant qu’elles ont les mêmes compétences^et les mêmes qualités qu’eux.
Haifaa Al-Mansour a clairement gagné le droit d’être considérée comme une cinéaste à part entière, une artiste et une auteure remarquables. On ne peut que soutenir son travail et espérer qu’il contribuera à faire évoluer les mentalités, en Arabie Saoudite, mais aussi dans tous les pays où les droits des femmes sont piétinés.
Angles de vue différents :
”The weak spot is the film’s plain, non-descript look marked by utterly basic shooting and lighting that often could pass as hurriedly made TV. “
(Deborah Young, Hollywood reporter)
”Il messaggio principale, per quanto sia indubbiamente forte visto il paese di provenienza, manca infatti di originalità, e la messa in scena e l’uso delle immagini non sono particolarmente memorabili.”
(Pier Vittorio Manucci, Non solo cinema)
Prix potentiels? :
Un Lion d’Or servirait assurément la carrière du film et ne serait pas honteux. Sinon un prix d’interprétation ou un Lion du Futur pour Mila Alzharani, qui porte le film de bout en bout
Crédits photos :
Razor Film / Al Mansour´s Establishment for Audiovisual Media