SUICIDE CLUBde Sono Sion
Parler du film de Sono Sion, dont le titre original Suicide Circle revêt plus de sens, est une gageure pour plusieurs raisons. D'abord car éviter le spoile est un exercice en lui-même. Dans ce film il y a quelque chose qui se passe, même lorsqu'il semble que le rythme s’apaise. Ensuite car son réalisateur, son créateur avait une ambition spéciale pour ce film dont je vous parlerai plus tard, qui lui donne un cachet particulier et l'éclaire d'une lumière un peu différente. Ou alors tout simplement car c'est un ovni inclassable dans le monde codifié du cinéma.
Le pitch sera court. Il sera un amuse bouche, qui ne vous instruira aucunement sur les goûts et les saveurs du repas qu'il annonce. Six jours ; une vague de suicides, majoritairement de très jeunes gens, le Japon, des policiers, des sacs de voyages blancs. Et comme bande original un girls band de toutes jeunes adolescentes.
Par où commencer pour vous parler de ce film?Par l'image et par sa composition ! Ce film est un film de contrastes et ce autant dans sa forme que dans son fond . Si le plus visible est la jeunesse des personnages qui cohabite si aisément avec le coté abrupt de la mort et des suicide; c'est aussi le cas avec les décors qui sont parfois si surchargés que l'on ne sait ou poser le regard et d'autres si épurés que trois personnages se retrouvent dans une pièce vide ne contenant qu'une chaise. Évidemment ces dispositions ne sont jamais anodines. Tout comme les cadres du réalisateur, des cadres choisis avec grands soins qui sont parfois envahis de
L'histoire est chapitrée en jours. Et chaque jours différents personnages interviennent un hacker, des policiers( leurs staffs, leurs familles, les légistes...),les victimes, et un groupe de pop. Elles forment un girls band, a peine adolescentes. C'est le groupe est le morceau du moment. Elles chantent et dansent comme seuls les boys et girls band savent faire « mail me ». Là aussi c'est assez surnaturel de voir ces enfants, sourires apparents, ponctuer les salves de suicides. Quel contraste!Et au milieu de tout ça la perte de sens. Pour les policiers, et aussi pour le spectateur qui se retrouve happer par la mécanique du film, comme par une vague. Il est bringuebalé par son roulis.Détaillons un peu. Que font les policiers au milieu de tout ça? Ils sont sensés enquêter sur des crimes. Trouver les coupables. Mais il est complexe dans trouver un ici. D'ailleurs une partie du film questionne le fait que ce soit un crime ou pas. Par conséquence leurs actions sont complètement inutiles. Ils cherchent et se perdent dans tous les sens du terme.
Le suicide , ici, est beaucoup plus qu'un dommage collatéral de nos modes de vies, et de consommation. Immensément plus qu'une inadaptation. Le tout dans un Japon où mettre fin à ses jours a une aura, et un écho historique très différent qu'en Europe. Mais aussi dans un pays traumatisé par des suicides collectifs impulsés par des sectes. Deux aspects si dissemblables mais qui cohabitent dans les esprits.
Comme il n'y a pas de personnage plus fort que les autres, il est difficile de parler plus des uns ou des autres, et donc de choisir de parler d'un acteur plus qu'un autre. J'ai choisi de parler de deux des policiers, car finalement en mettant nos pas dans les leurs ce sont peut-être à eux que l'on s'identifie le plus. En tout cas ils sont comme nous les témoins de cette situation. Ryo Ishibashi est l'inspecteur Kunda, et il est charismatique en diable. Et son jeu sous couvert d'un voile de naïveté et d'une force déchirante. Masatoshi Nagase est l'inspecteur «taiseux» Shibusawa. Il a une manière physique presque charnelle d'impacter ce qui se passe autour de lui. Il est la clé de lecture de ce film, que ce soit dans ce qu'il ne comprend pas, ou dans ce qu'il perçoit, c'est lui qui permet au spectateur de comprendre. Et le jeu minimaliste et extrêmement fort de Masatoshi Nagase permet au personnage pas si épais que ça de tenir son rôle de vecteur.
Ce film est fort, poétique, gore, et profondément politique. Il est à la fois fourmillant et dépouillé. Et il est surtout impossible d'ignorer son message