D’une journée de la vie d’un parrain de la mafia, qui gère à sa façon, si possible sans haine, sans violence et sans arme, les problèmes quotidiens qui rythment la vie de son quartier, en périphérie de Naples : fusillades entre jeunes crétins se prenant pour des caïds, disputes entre rivaux, querelles d’argent,… Ce matin-là, il doit s’occuper d’affaires de ce genre, mais doit aussi composer avec les velléités de départ de son médecin personnel, qui lui sert aussi de conseiller et de meilleur ami, les déboires de son épouse, attaquée par l’un des molosses qui gardent leur propriété, et le contentieux opposant un père et son fils, qui pourrait, sans son intervention, se terminer en bain de sang…
Pourquoi on invalide l’élection?
L’oeuvre, tirée d’une pièce de théâtre à succès en Italie (1), a le mérite d’aborder de détourner les codes du film de mafioso classique. Ici, le parrain local rechigne à utiliser la violence pour régler ses affaires. Certes, il peut se montrer intimidant, grâce à sa carrure imposante et son regard intense, et il n’hésite pas à menacer ses interlocuteurs si cela lui permet d’arriver à ses fins, mais il a compris que le cycle éternel de la violence et de la vengeance ne peut rien apporter de bon à la communauté, et notamment à la jeunesse. A quoi bon gagner beaucoup d’argent pour donner à ses enfants la meilleure éducation possible, si c’est pour qu’ils finissent assassinés précocement par des rivaux revanchards? Inutile de sortir les armes et de verser le sang. Beaucoup de conflits peuvent se régler par le dialogue et une prise de position juste et claire.
Ce personnage de mafioso philosophe est assurément une bonne idée, tout comme le choix d’en faire une sorte de prophète christique d’un nouveau genre. Le problème, c’est que les autres personnages n’ont absolument pas la même ampleur. Ce ne sont que de pâles caricatures de petits voyous ou d’hommes de main patibulaires, ni amusantes, ni émouvantes. On s’ennuie assez vite devant cette série de joutes verbales sans intérêt, dont on devine assez vite l’issue.
L’intérêt du film réside probablement dans son ancrage dans l’Italie contemporaine, alors que le texte original a été écrit dans les années 1960. Cela permet à Mario Martone de montrer qu’en soixante ans, la vie à Naples n’a guère évolué. Les quartiers sont toujours dominés par des parrains locaux, et de jeunes voyous rêvent de prendre leur place. La vie quotidienne est toujours gangrénée par les mêmes problèmes, qui finissent inévitablement dans le sang et les larmes.
Mais il n’est pas certain que cet énième variation sur le thème de la mafia intéresse beaucoup de monde de ce côté des Alpes, d’autant que la réalisation de Mario Martone, une fois n’est pas coutume, manque de rythme et de personnalité. Reste la performance de l’acteur principal, Francesco Di Leva, qui restitue parfaitement l’ambiguïté du personnage, à la fois bon et mauvais, fort et fragile, mais n’évite le cabotinage lié à l’origine théâtrale de l’oeuvre.
Angles de vue différents :
”Martone reste fidèle au chef d’oeuvre de De Filippo, en l’adaptant à sa façon de filmer. Il s’agit d’une réalisation solide, qui rappelle la pièce de théâtre qu’il a dirigée, avec les mêmes acteurs, en 2017” (Gian Luca Pisacane, Film.it)
”It is certainly one of the director’s more successful films, but it suffers from the same intellectual barriers that have made his work so difficult to access for general audiences.” (Deborah Young, Hollywood Reporter)
Prix potentiels ? :
Eventuellement un prix d’interprétation pour Francesco Di Leva, pour faire plaisir au public italien. Sinon, de notre point de vue, pas grand chose à primer. Le film n’a rien d’inoubliable.
(1) : Barracano (ou le Maire du quartier de la Sanita)” d’Eduardo De Filippo
Crédits photo :
Copyright Mario Spada – photos fournies par La Biennale di Venezia