Nouveau film de Arnaud Depleschin, pour lequel il est retourné une 7ème fois au Festival de Cannes, et qui, pour une rare fois s'est intéressé à un fait divers survenu en 2002 pour lequel il s'est appuyé sur le documentaire télé "Roubaix, commissariat central" (2002) de Mosco Boucault. Le cinéaste co-signe également le scénario avec Léa Mysius qu'il retrouve après "Les Fantômes d'Ismaël" (2017), cette dernière s'est également fait remarquée pour son premier long métrage en tant que réalisatrice avec le très bon (2017)... Donc, une fois n'est pas coutume, Depleschin a voulu ancrer son histoire dans une réalité brute, comme il l'explique : "Comme le prologue du scénario l'indique : j'ai voulu ici ne rien offrir à l'imagination, ne rien inventer, mais retravailler des images vues à la télévision il y a 10 ans, et qu n'ont cessé de me hanter depuis. Pourquoi n'ai-je jamais pu oublier ces images ? C'est que d'habitude, je ne sais m'identifier qu'aux victimes. Je n'aime pas beaucoup les bourreaux. Et pour la première et unique fois de ma vie, chez deux criminelles, je découvrais deux soeurs."... On suit les policiers du commissariat de Roubaix, surtout le commissaire, patron du central. Les enquêteurs sont sur plusieurs affaires plus ou moins importantes jusqu'à cette affaire du meurtre d'une grand-mère et les deux femmes qui sont suspectées...
Le patron est incarné par Roshdy Zem qui vient de réalisé et joué "Persona Non Grata" (2019), un de ses lieutenants est joué par Antoine Reinartz vu dans "120 Battements par Minute" (2017) de Robin Campillo et "La Vie Scolaire" (2019) de Grand Corps Malade et Medhi Idir. Les deux femmes suspectes sont incarnées par Léa Seydoux vue la denrière fois dans (2018) de Thomas Vinterberg puis Sara Forestier vue en réalisatrice et actrice dans "M" (2017). Zem et Forestier se retrouvent après le polar (2011) de Philippe Lefebvre... Si Arnaud Depleschin cite le film "Le Faux Coupable" (1957) de Alfred Hitchcock comme référence unique en insistant sur le réalisme et "l'énigme du vrai", on constate très vite un style qui nous rappelle (2011) de Maïwenn Le Besco et, un clin d'oeil appuyé au personnage de commissaire joué par dans le chef d'oeuvre "Le Cercle Rouge" (1970) de Jean-Pierre Melville. Mais si ces références sont prestigieuses, ils sont datés et le cinéaste a déclaré "j'ai voulu ici ne rien offrir à l'imagination, ne rien inventer", insistant ainsi au réalisme presque naturaliste du milieu policier et du monde difficile qu'il côtoie. Malheureusement si le film est impressionnant la plupart du temps, dans les sensations professionnelles mais aussi dans l'immersion urbaine mêlant pauvreté et détresse sociale, le film se prend les pieds dans le tapis dès qu'il s'agit du commissaire Daoud alias Roshdy Zem, d'autant plus dommageable qu'il est omniprésent. Et pourtant il faut rappeler qu'au 21ème siècle en France les commissaires ne sont jamais sur le terrain à ce point présent, ils n'enquêtent plus et ne sont assurément jamais aussi envahissant et encore moins pour de simples affaires d'agressions ou de fugue. Un commissaire aujourd'hui n'est guère plus qu'un DRH...
Le soucis est que Daoud est partout et d'office retire toute vraisemblance à son personnage, d'autant plus que ce commissaire est quasi devin ! Outre quelques détails, on finit éberlué par les conditions d'interpellation des deux suspectes. Dommage... Surtout que le film est dans l'ensemble plutôt bien vu, les affaires quotidiennes des policiers sont bien retranscrites même si les "patrouilles de bases" sont une énième fois quasi invisibles (placer un commissaire est toujours plus marquant pour l'inconscient collectif !), l'atmosphère austère est palpable et, surtout, le duo d'actrice Seydoux-Forestier offre une performance bluffante. On aurait aimer voir la ville de Roubaix de façon plus large (ici résumé à quelques décors), l e plus gros défaut, mine de rien, est que Despleschin n'a pas su placer Roubaix comme le rôle principal du film. Néanmoins, bien que bancal et maladroit, le cinéaste offre un drame social et policier juste et émouvant tout en montrant une réalité pessimiste que seul les policiers connaissent...