Une Fille Facile (2019) de Rebecca Zlotowski

Présenté au dernier festival de Cannes et nouveau film de Rebecca Zlotowski qui s'est fait jolie place dans notre cinéma d'auteur après "Belle Epine" (2010), "Grand Central" (2013) et "Planetarium" (2016). L'idée du film vient de la jonction entre deux inspirations, un témoignage relatant la relation entre deux jeunes femmes écumant les yachts luxueux de la Côte d'Azur à la recherche d'hommes riches et, surtout, sa rencontre avec Zahia Dehar, devenu célèbre suite à l'affaire de call-girl qui a mis en cause des joueurs de l'équipe nationale de football. Sur le témoignage la cinéaste précise : "Contre toute attente, et en dépit de la teinte morale que je pouvais donner malgré moi à cet échange, la jeune femme racontaità la première personne la douceur de cet été, sa caresse constante, sa courtoisie - si on peut dire son romantisme, malgré l'hypocrisie qui sous tendait leurs rapports avec ces hommes."

Une Fille Facile (2019) de Rebecca Zlotowski

Et elle rajoute à propos de Zahia : "C'est qu'on soit si étrangères en tous points qui m'attirait au départ : la manière qu'à Zahia de mettre l'accent sur le féminin dans ce qu'il a de plus exacerbé et éculé - docilité, silence, sophistication, déguisement de geisha, la faisant basculer dans une esthétique Camp dont elle est pleinement consciente. J'en étais là quand je reçois un signe de sa part sur instagram. Je suis surprise qu'elle connaisse mon nom... Je vais voir ses vidéos et là je tombe en arrêt quand je l'entends parler. Je découvre qu'elle parle d'une manière extraordinairement élégante, littéraire, anachronique, pas un seul mot d'argot, une retenue, une pudeur, un accent insondable d'une Bardot libanaise, syrienne ou italienne, impossible à définir, à l'opposé des jeunes femmes qui gravitent dans la télé-réalité. Le phrasé d'un personnage d'un film d'Eric Rohmer qui me séduit tout de suite."... Avec le film "La Collectionnause" (1969) de Eric Rohmer comme référence, Rebecca Zlotowski signe un film qu'elle désire comme son pendant plus moderne "avec indolence, plaisir, sensualité" ; elle co-signe le film avec Teddy Lussi-Modeste à laquelle on doit les films "Jimmy Riviere" (2011) et "Le Prix du Succès" (2017)... Alors évidemment il y a une forte dimension de curiosité en ce qui concerne Zahia sur lequel le film repose essentiellement... A Cannes, Naïma 16 ans retrouve sa cousine Sofia 22 ans qui vient passer les vacances. L'ado va alors être témoin du mode de vie aussi chhoquant que attirant de sa cousine... Naïma est jouée par une jeune inconnue Mina Farid qui est une belle révélation, Sofia est jouée par Zahia Dehar qui apparaît donc également dans son premier long métrage dans un rôle qu'on imagine très bien être comme pouvant être son propre rôle. Les deux débutantes ont pour partenaires Benoit Magimel vu récemment dans "Nous Finirons Ensemble" (2019) de Guillaume Canet, Nuno Lopes vu dans "Chamboultout" (2019) de Eric Lavaine et la Princesse de Savoie Clotilde Courau qu'on ne voit que trop rarement comme dans "La Fête des Mères" (2018) de Marie-Castille Mention-Schaar. On remarque dans le rôle secondaire de la maman Loubna Abidar révélée par (2015) de Nabil Ayouch... Dès l'ouverture la conéste nous offre une carte postale sensuelle qui annonce, malheureusement, ce que sera le film à savoir une simple carte postale avec plus ou moins de sensualité. Après un début où Naïma et Sofia passe du temps ensemble tandis que la maman et tante se démène au travail le récit se focalise très vite sur Naïma qui suit béatement sa cousine Sofia et profite de ses "opportunités", cette dernière assumant pleinement de se prostituer ; sur ce terme on peut accepter "une fille facile" bien évidemment.

Une Fille Facile (2019) de Rebecca Zlotowski

D'ailleurs on peut se poser la question de la thématique du film, est-ce sur cette nuance (fille facile/salope/péripatéticienne ?!), est-ce une thèse sur la démocratisation de Zahia en tant que personnage public ?! En fait on a bien du mal à deviner l'ambition d'un tel film outre l'opportunisme de jouer avec l'image sulfureux de Zahia... Cette dernière s'en sort étonnamment en tant que comédienne, sans doute bien aidée par un rôle qui lui ressemble forcément. Néanmoins on peut avoir bien du mal à y déceler la moindre once d'émotion en cette poupée bimbo en plastique. Sinon le scénario aborde deux autres sujets en filigrane. D'abord le lien entre luxe/argent facile et le labeur de leur maman/tante femme de ménage, mais malheureusement ce point de vue est à peine effleuré pour ne pas dire complètement occulté. Puis sinon le récit initiatique de Naïma via sa cousine, mais là aussi ça reste sous-exploité, Naïma est résumé à une simple narratrice. L'effet exotique, la curiosité Zahia, un soupçon d'érotisme sont donc les atouts du film, dommage que le fond soit si vain pour ne pas dire l'absence de propos. Dans cette histoire, il y a un rebondissement incompréhensible car d'une stupidité évidente, où comment un millionnaire use d'un subterfuge aussi inutile que bête pour un résultat grossier et tout aussi inutile. Rebecca Zlotowski a un style d'une élégance certaine, dommage qu'elle ne raconte pas grand chose. En tous cas elle offre un film qui n'est pas déplaisant surtout en cette fin d'été mais force est de constater que c'est un peut trop superficiel pour convaincre.

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