A pas à confondre avec "Macao" mais en V.F. "Le Paradis des Mauvais Garçons" (1952) de Josef Von Sternberg. Ce film est en effet adapté du roman éponyme (1938) de Maurice Dekobra, écrivain méconnu aujourd'hui mais qui était le romancier français le plus vendu au monde (90 millions de livres vendus !) entre deux Guerre. Aux commandes film on retrouve Jean Delannoy en tant que producteur-réalisateur, qui signe donc le projet écrit par deux scénaristes, Pierre-Gilles Veber (père de Francis Veber !) et auteur du film (1925) de René LePrince et d'un roman (1950) sur "Fanfan la Tulipe" inspiré de la chanson éponyme (1819) de Emile Debraux, puis de Roger Vitrac poète surréaliste qui venait de collaborer au film "L'Or du Cristobal" (1940) de Jean Stelli et Jacques Becker... Dans le protectorat portugais de Macao (qui a alors un statut semblable à Hong-Kong et qui est en quelque sorte le Las Vegas asiatique), plusieurs personnages se croisent et s'entrecroisent, d'une actrice qui va trouver un protecteur marchand d'armes, qui lui-même est en transaction avec Ying Tchaï le parrain du Milieu et patron de casino qui a une fille amoureuse d'un journaliste fouineur...
Les trois rôles principaux sont donc le caïd chinois, le marchand d'arme et celle dont il aimerait faire sa maîtresse. Le premier est incarné par Sessue Hayakawa, connu comme étant la première star chinoise à exploser à Hollywood à partir de 1914 et qui connaîtra une seconde heure de gloire avec "Le Pont de la Rivière Kwaï" (1957) de . Le marchand d'arme est joué par le géant Erich Von Stroheim monument du 7ème Art de "Les Rapaces" (1924) à "Boulevard du Crépuscule" (1950) de Billy Wilder en passant par "La Grande Illusion" (1937) de Jean Renoir, qui retrouve ainsi sa partenaire Mireille Balin après "Menaces" (1939) de Edmond T. Greville, alors au sommet après avoir été la partenaire de Jean Gabin coup sur coup dans "Pépé le Moko" (1937) de Julien Duvivier et "Gueule d'Amour" (1937) de Jean Grémillon. On notera aussi les rôles joués par Louise Carletti épouse de Raoul André et mère de l'animatrice Ariane morte récemment, qui a débuté dans "les Gens de Voyage" (1937) de Jacques Feyder et qui retrouve Delannoy après "Le Diamant Noir" (1941), puis enfin l'acteur Henri Guisol vu dans "La Chienne" (1931) de Jean Renoir et "Drôle de Drame" (1937) de Marcel Carné et qui retrouvera Delannoy dans "Notre-Dame de Paris" (1956). A noter que Louise Carletti, Henri Guisol et Mireille Balin ainsi que le scénariste retrouveront aussitôt Jean Delannoy pour le film "L'Assassin a peur la Nuit" (1942)... Ce film est malheureusement surtout connu pour deux paramètres qui ne sont pas inhérent à l'oeuvre lui-même mais aux événements contemporains. En effet, tourné fin 1939 le film sera interdit par l'occupant allemand dès juin 1940 du fait que l'acteur Erich Von Stroheim, autrichien anti-nazi et juif de surcroît. Ensuite, la Continental (société de production allemande) "autorisera" à retourner toutes scènes de l'acteur remplacé par Pierre Renoir, pour une sortie en 1942. Il faudra attendre l'après-guerre pour une ressortie originale de l'oeuvre mais qui souffrira cette fois de la présence de Mireille Balin, étoile parmi les stars avant et qui est désormais la pestiférée qui eût un officier allemand comme amant et qui terminera sa vie de façon effroyable...
Tourné dans les studios de la Victorine à Nice (aux studios des Buttes-Chaumont pour la version avec Pierre Renoir qu'on ne verra sans doute jamais), la Chine de Macao est donc reconstituée de belle façon, d'ailleurs outre les décors exotiques,avec la guerre sous-jacente, le casino et les sous-intrigues nous font penser un petit peu à un chef d'oeuvre encore dans les cartons avec "Casablanca" (1942) de Michael Curtiz... Mais le film de Delannoy ne peut soutenir la comparaison, d'abord par le manque évident de glamour, puis ensuite par des chassés-croisés bien plus laborieux. Ainsi les affaires entre le marchand d'arme et le parrain chinois est intéressant, le jeu de séduction genre la belle et la bête ne manque de souffre mais l'idylle des deux jeunes qui n'est pas du goût du papa patron de casino est trop convenue et n'apporte pas grand chose, notamment à cause d'un journaliste trop sous-exploité. On apprécie les dialogues (Vitrac n'est ni Jeanson ni Prévert) à sa juste valeur, comme entre l'actrice/Balin et le marchand d'armes/Von Stroheim : "C'est drôle, on dirait que vous m'attendiez... - "On attend toujours la femme qu'on rencontre..." ... Jean Delannoy signe un film dont on pressent le potentiel mais auquel il n'a pas su insuffler un minimum de passion et d'enjeu. Un petit film, un sous-Casablanca, mais qui reste assez divertissant de par son exotisme désuet et par les drames historiques qui entourent le tournage.
Note :