Et la structure fut

Une intrigue est un discours. Pour être compris, ce discours doit être structuré. Une structure est un arrangement, une mise en ordre particulière qui est une aide indispensable au développement des récits.

Une structure n’est pas une entrave. Elle se présente d’ailleurs sous une foule de formes en lesquelles la créativité trouve toujours le moyen de s’exprimer.

Elle peut être par exemple non linéaire lorsque les événements ne se suivent pas selon un ordre chronologique ou lorsqu’ils se produisent hors du rapport de causalité.
Ce peut être aussi des lignes dramatiques parallèles comme par exemple deux histoires enchâssées l’une dans l’autre. La structure non linéaire présente une rupture.

Un auteur peut vouloir écrire quelque chose de très simple ou de très complexe. Il peut vouloir jouer avec les lieux et les époques. La structure peut offrir plusieurs perspectives et points de vue.
Ce qui compte est que l’on est un moyen de mettre en œuvre ce que l’on a à dire.

Quelle structure ?

Il est vain de chercher à organiser son projet si l’on n’a pas déjà quelques connaissances sur la structure que l’on pourrait apposer sur notre effort.

Il y a d’abord Aristote avec son début, son milieu et sa fin. Puis il y a eu Freytag.

Ces auteurs qui ont fait la tradition nous ont fait comprendre qu’il fallait organiser notre travail. Concrètement, on peut retenir deux approches : linéarité et non linéarité. On peut d’ailleurs combiner les deux. En effet, dans un récit par ailleurs tout à fait chronologique, il peut soudain y avoir une analepse (le flash-back des anglo-saxons) ou bien une prolepse si l’on a besoin d’anticiper le futur.

Mettons les choses au clair. La structure est un cadre de travail. On peut le comprendre comme forcément limité parce qu’on définit un cadre par les limites qu’il pose sur une certaine étendue.
Mais nous avons vu que nous avons à notre disposition tout un ensemble d’options structurelles. Et si le cœur vous en dit et bien que la théorie narrative Dramatica peut être ardue dès l’abord, elle vaut définitivement le temps consacré à organiser son projet guidé par cette théorie.

Ensuite, il y a le point de vue. Quel est ce point de vue ? C’est la voix de l’auteur. Jetez un œil sur ces quelques articles :

Souvent, cette voix est portée par le narrateur.

Et puis il y a la perspective. C’est-à-dire celui ou celle qui nous conte l’histoire, qui nous décrit sa propre perception de l’action.
Ce peut être la personne elle-même ou bien un regard posé sur elle que l’on observe ou que l’on participe à l’action.

Linéarité et non linéarité

La linéarité apporte simplicité et clarté à l’histoire. Les choses se déroulent chronologiquement pendant une certaine durée comme dans Les trois jours du condor par exemple. Parfois, nous n’avons pas le choix. Le temps est partie prenante de l’histoire contée.

La non linéarité ajoute de la complexité et de la gravité au récit. La non linéarité pourrait provenir d’une multitude de perspectives comme dans Tandis que j’agonise de William Faulkner où l’histoire est dite par 15 narrateurs différents.

Il est important de noter que le choix de la non linéarité peut être ardue à réussir. Il faut que ce soit un choix logique pour l’histoire contée. N’optez pas pour une structure non linéaire parce que vous avez envie de vous démarquer.

La perspective

N’employer qu’un seul regard sur les événements de l’histoire, qu’une seule interprétation de ces événements appauvrit le contenu. Il est maladroit aussi de se fonder seulement sur le bien et le mal pour expliquer les actions des personnages.

Le mystère, par exemple, est un lieu privilégié pour donner la parole à des personnages dont les fonctions les désignent comme protagoniste et antagoniste et ainsi les déterminent à être des êtres moralement bons ou méchants.

Dans un mystère ou un thriller, la victime peut elle aussi avoir quelque chose à dire sur ce qu’il lui est arrivé.
Dans un projet d’écriture de fiction, il est recommandé d’adopter une structure telle que les points de vue de différents personnages puissent s’intégrer au récit.

Ainsi le lecteur peut observer les pensées différentes des personnages, remonter des effets aux causes et ressentir les vagues successives de tension portées par le suspense émanant des situations décrites.

Changer de perspectives tout au long de l’histoire est donc tentant. Mais ce peut être un risque aussi. Bien sûr, on écrit pour un lecteur et celui-ci aime lire des histoires qui lui présentent de multiples facettes et lui permettent de plonger plus profondément dans la vie des personnages et de mieux appréhender leurs attitudes.

Par exemple, le lecteur pourrait voir son intérêt émoussé si par souci de vérité ou de sincérité de vos personnages, vous lui révélez qui est le méchant de l’histoire avant que le héros de celle-ci ne le découvre. Une histoire a besoin de suspense et mal distribuer l’information (et cette distribution relève de la structure) mène souvent à nier le suspense.

Et puis changer de point de vue, c’est rompre avec un rythme qui a peut-être parfois été difficile à mettre en place et devoir recommencer à en instaurer un nouveau lié à la nouvelle perspective.

Il existe aussi un autre risque. On ne peut pas écrire tous nos personnages avec la même authenticité. Par exemple, certains auteurs pourraient avoir des difficultés à décrire les événements avec le regard d’un enfant (ou d’une enfant).

Il ne faut néanmoins pas y renoncer avant d’avoir essayé. Si, en effet, on n’est pas satisfait du résultat ou si le combat avec ce personnage s’est révélé trop épuisant, autant écrire les personnages dont on ne parvient pas à pénétrer l’intimité avec le regard d’autres personnages.
Le personnage devient alors l’objet de la perspective.

Symétrie

Cette charpente singulière se saisit d’un motif thématique et le place au début de l’histoire puis le répète au dénouement.

Lorsque les choses sont mises en place dans l’acte Un, vous avez une situation. Il exhale de celle-ci un sentiment d’incomplétude. Par exemple, quelque chose ne va pas dans la routine de vie du personnage principal. Ou bien encore les lieux présentent un état de décrépitude parce qu’ils sont hantés par une misère morale ou parce que personne n’a osé aller à contre-courant.

Reprendre la thématique que l’on a développée au début de son histoire sous des aspects terribles pour démontrer comment les choses peuvent changer, comment on peut aller à la rencontre de la véritable nature des choses permet au lecteur de s’interroger vraiment sur ce qu’il vient de voir, de lire, d’entendre.

Une autre façon de faire est d’introduire un monde qui fonctionne déjà correctement puis de lui faire subir un événement tel que le chaos s’installe.
Tout l’effort du protagoniste se concentrera à travers ses tribulations à rétablir la sécurité du monde qui avait été si durement mise à mal.

Une structure symétrique permet au lecteur de se glisser sans heurt dans le monde que vous lui présentez. Elle permet aussi de savoir quels sont les personnages qui suivent la loi de votre univers et ceux qui sont en rébellion contre celle-ci.

Sachant que votre dénouement rappellera la situation initiale mais avec ce je-ne-sais-quoi en plus, vous pouvez dès l’abord aborder les grands thèmes dont vous souhaitez parler. Par exemple, si l’un de ces grands thèmes qui vous préoccupent est l’oppression, vous pourriez commencer par situer les événements dans un lieu où les gens sont tristes, aux teintes grises.

Lorsque l’intrigue aura réussi à se débarrasser du despote alors les lieux retrouveront les couleurs vives qui les avaient toujours caractérisés.

Un petit brainstorming

Pour s’aider soi-même à trouver la structure adéquate pour dire notre discours, ces quelques questions pourraient être utiles :

  1. De qui parle l’histoire ?
  2. Quel est le thème majeur de cette histoire (c’est-à-dire la préoccupation majeure de l’auteur) ?
  3. Sur quelle durée s’étend le récit ? Des histoires peuvent s’étendre sur quelques heures et d’autres sur quelques siècles.
  4. Quelle sera la question dramatique majeure ? Ne vous contentez pas de répondre quant à savoir si le héros réussira ou non sa mission. Tentez de donner des détails à votre intention.
  5. Et parmi les outils dramatiques à votre disposition, quels seraient ceux qui pourraient vous aider le mieux à mettre en place une structure ?

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