Vous avez besoin de créer du suspense dans l’une de vos scènes ? Faites en sorte que le lecteur/spectateur partage l’anxiété du personnage à ce moment précis. Il est captivant de suivre un personnage qui sait que quelque chose de mal va arriver.
Surtout si vous n’avez pas révélé les détails (les où, quand et quoi des circonstances de la scène). Le procédé en jeu se nomme anticipation. C’est par elle que vous impliquerez votre lecteur dans la scène.
Vous parvenez à créer un sentiment d’appréhension chez votre lecteur. Parce que votre personnage lui-même à ce moment précis se construit sur cette appréhension.
L’empathie n’est rien d’autre que d’éprouver une expérience par personnage interposé. Et que l’on partage une détresse, une joie, une terreur, une angoisse ne change rien à l’affaire.
Les lieux aussi peuvent participer à créer une angoisse. Certains lieux sont foncièrement marqués dans notre mémoire collective par une menace inhérente. Il suffit de les évoquer pour créer du suspense comme un cimetière, la nuit, avec un brouillard enveloppant amoureusement les tombes.
Si votre personnage principal, celui précisément qui sera le dépositaire de l’empathie du lecteur, se trouve dans ce lieu si singulier à ce moment précis, il est fort probable que vous communiquerez la même anxiété à votre lecteur.
C’est un procédé classique pour construire du suspense. Et le lecteur l’apprécie. Vous devez seulement vous assurer que l’incident à l’origine du suspense soit le fait ou la conséquence d’un trait de la personnalité du personnage ou bien parce que la situation impose elle-même une attente angoissée.
Considérez aussi que le suspense ne signifie pas toujours que le personnage est en péril. Il y a suspense lorsque le lecteur veut savoir quelque chose et que l’auteur retient volontairement cette information. Le jeune homme embrassera t-il la jeune fille ? Est-ce que votre héroïne acceptera la proposition d’embauche que lui a faite cet homme ? Ou encore votre héros répondra t-il à la question posée ou tentera t-il de l’éluder ?
Le passé d’un personnage lorsqu’il n’est pas encore totalement dévoilé peut aider grandement à créer du suspense. Prenez une addiction quelconque. Dès l’abord, on ne saisit pas vraiment l’importance de voir le personnage s’enivrer. Puis plus tard, nous apprenons qu’il lutte depuis des années contre sa dépendance à l’alcool.
Le passé : élément crucial du suspense
Lorsque cette information sera passée dans l’esprit du lecteur, un bar pourrait alors représenter une menace pour le personnage principal et créer ainsi du suspense. Vous dépassez ainsi le cliché du pilier de bar qui n’apporte décidément rien de plus à l’imagination du lecteur.
Par contre les piliers de bar qui tentent votre héros ajoutent au suspense et on partage cette impulsion qui poussera votre héros vers un abyme s’il cédait.
En retenant du passé d’un personnage ce qui compte (du moins pour l’histoire que vous êtes en train de raconter), vous justifierez sa présence en certains lieux angoissants par nature.
La situation ne semblera pas fabriquée spécialement pour créer du suspense.
En fait, le personnage se retrouvera dans les lieux où il est logique qu’il se trouve. Considérons une séparation d’une dizaine d’années sans aucune nouvelle de part et d’autre. Nous avons appris dans le premier acte que ces deux-là sont passionnés de randonnées et que c’est lors d’une telle promenade qu’ils se sont rencontrés, découverts, aimés puis séparés.
Dix ans plus tard, ils se rencontrent de nouveau par hasard lors d’une randonnée. S’agit-il vraiment d’un hasard ? La situation n’est pas provoquée puisque tous deux ont continué à faire des randonnées.
Le suspense sera alors amené précisément lorsque le lecteur se demandera si le hasard les mettra sur le même chemin ou s’ils s’ignoreront.
C’est le principe du Tchekhov’s gun où une information donnée ne sera pas gratuite. Ce que vous annoncez dans le premier acte aura des répercussions plus tard dans l’histoire. Et participera ainsi au suspense chaque fois que vous en aurez besoin sans que les circonstances apparaissent comme artificielles.
Les conditions font que la situation est inévitable. Ce qui est différent du prévisible.
Ce qui serait prévisible, c’est que votre personnage se rende en un lieu qui ne lui est pas familier. La première réaction du lecteur serait de penser mentalement qu’il ne devrait pas y aller.
A contrario, il n’y a rien de forcé lorsqu’un personnage se rend dans un endroit qu’il a l’habitude de fréquenter. Car le suspense émane précisément de cette habitude.
Donc, il est important d’aligner vos moments de suspense avec des traits de la personnalité du personnage connu du lecteur parce qu’ils furent mentionnés antérieurement à l’action qui créera du suspense.
Moins on en dit et plus le suspense est facilité
Autrefois, pour atteindre au dépaysement de son lecteur, l’auteur devait écrire force descriptions. Maintenant, le lecteur est plus avide des expériences qui peuvent arriver en ces lieux.
Par exemple, le musée du Louvre en soi est très passionnant mais le lecteur ne veut plus d’une visite guidée. Il s’attend à ce qu’il y ait de l’action en ce lieu, une action qui sera d’ailleurs toute façonnée par le lieu et le temps du lieu. En effet, le musée du Louvre n’a pas toujours été un musée.
Le travail consistera alors à ne conserver que les détails pertinents aux événements que vous décrivez. Une objection pourrait être que l’on ne prend même plus le temps de s’imprégner des lieux sans autre fin que de se laisser transporter.
Mais en fiction ou dans un documentaire, le lieu devient un outil pour expliquer des choses. Nous ne sommes pas soudain devenus pressés. En fait, pour créer du suspense, une exposition légère peut suffire amplement.
Le genre aussi met son grain de sel dans le choix des lieux. Certains lieux apparaissent dans les conditions imposées par un genre. La fantasy par exemple impose la construction d’un monde totalement nouveau où le merveilleux fait partie du quotidien.
Pour expliquer certaines situations, vous aurez peut-être besoin de juxtaposer deux lieux différents. Si votre personnage est un pêcheur par exemple, vous aurez certainement besoin d’opposer visuellement la haute mer (peut-être déchaînée) et la terre ferme.
D’autres lieux portent aussi des symboliques que vous pourriez vouloir reprendre à votre compte. Cet article pourrait vous aider à comprendre ce que je cherche à dire : CAMPBELL : ESSAI D’EXEGESE – PART 1
En somme, vous avez un monde et deux types de personnages. Il y a ceux qui suivront aveuglément les règles et lois de ce monde et ceux qui les refuseront. Ces personnages s’opposeront sur leurs points de vue respectifs.
Mais ce que veut le lecteur au-delà du conflit (qui le rive néanmoins sur l’action) est d’être immergé dans un monde qu’il ne connaît pas forcément. Et cette immersion se concrétise par un partage d’expérience entre lui-même et des êtres de fiction (puisque s’engageant dans l’aventure qu’il lit, le lecteur suspend son incrédulité).
Les descriptions dont a vraiment besoin le lecteur est de connaître comment les personnages interagissent avec leur environnement.
Un article à découvrir : UNE AFFAIRE DE LECTEUR