Second film seulement du réalisateur-scénariste Georges Franju après "La Tête contre les Murs" (1958), il adapte cette fois le roman éponyme (1959) de Jean Redon, ce dernier collaborant au scénario avec également Claude Sautet se retrouvant ainsi après "Le Fauve est lâché" (1959) de Maurice Labro. Les trois hommes ont co-écrit avec trois autres scénaristes, Pierre Gascar écrivain et journaliste qui assure les dialogues, et le duo Pierre Boileau et Thomas Narcejac surtout connus pour leurs romans adaptés au cinéma comme "Les Diaboliques" (1953) de Henri-Georges Clouzot et "Sueurs Froides" (1956) de Alfred Hitchcock...
Un chirurgien devient une sorte de savant fou en tentant de remodeler le visage de sa fille défigurée après un accident. Pour se faire il doit prélever des greffons de visage sur d'autres jeunes femmes... La fille défigurée est incarnée par la toute jeune Edith Scob (morte ce 26 juin 2019), qui retrouve après "La Tête contre les Murs" le réalisateur et aussi son partenaire Pierre Brasseur qui incarné ici le père chirurgien. Ce dernier monstre sacré du cinéma français notamment en ayant incarné Frédérick Lemaitre dans "Les Enfants du Paradis" (1945) de Marcel Carné, donne rapidement la réplique à son fils Claude Brasseur. L'autre rôle principal, assistante du chirurgien, est tenue par Alida Valli vue dans "Le Procès Paradine" (1947) de Alfred Hitchcock ou encore dans "Le Troisième Homme" (1949) de . A noter que le réalisateur, ses scénaristes Boileau-Narcejac et les acteurs Pierre Brasseur et Edith Scob se retrouveront pour le film "Pleins Feux sur l'Assassin" (1961)... Franju use d'une mise en scène très lancinante instaurant un malaise constant dès l'ouverture qui impose d'emblée une tragédie qu'on devine inévitable. Où comment sous couvert d'amour un père se transforme en monstre tel Frankenstein et le mythe de Prométhée, très vite on s'aperçoit que sa fille défigurée est surtout l'opportunité pour le chirurgien de tenter ses expériences. Le film explore différents sujets, de la beauté et le rapport au corps, la science et sa déontologie avec tous les ingrédients d'une fable macabre et ses personnages emblématiques (savant fou, l'assistante, l'amant,...). Outre le rythme lent mais non ennuyeux, le film offre 2-3 séquences particulièrement marquantes, en premier lieu l'opération de prélèvement du greffon d'une remarquable efficacité, mais aussi le passage au cimétière et la "libération" des chiens...
Une violence omniprésente, psychologique surtout mais effroyable aussi quand elle se fait plus physique. N'oublions pas le symbole du masque de Christiane/Edith Scob, emblématique du film il a été conçu par les spécialistes qui créèrent le maquillage de Quasimodo dans "Notre-Dame de Paris" (1956) de Jean Delannoy. Un masque en latex (inédit à l'époque) qui renforce le réalisme et la confusion de la jeune femme. Un masque que reportera l'actrice dans un clin d'oeil pour le film "Holy Motors" (2012) de Leos Carax, et qui inspirera à John Carpenter celui d'un certain Michael Myers dans "Halloween, la Nuit des Masques" (1978). Par là même, outre deux remakes avec "L'Horrible Docteur Orlof" (1962) de Jesus Franco et "Corruption" (1967) de Robert Hartford-Davis, le film a été la source d'inspiration pour "La Piel que Habito" (2011) de Pedro Almodovar... Le film fut salué "comme étant l'une des rares réussites du cinéma d'horreur français". Si il demeure aujourd'hui un peu fade comme film d'épouvante, il reste un thriller fantastiquo-psychologique de grande qualité malgré une fin un peu trop vite expédiée (alors même que le film prend son temps pour poser son intrigue et ses effets). A voir et à conseiller.