Deux Will Smith pour le prix d’un dans le nouveau film d’Ang Lee. Mais surtout une avancée technologique qui tente de masquer une histoire sans intérêt, voici donc la déception Gemini Man.
Depuis sa manipulation de la 3D avec le fantastique L’Odyssée de Pi, Ang Lee est passé dans une autre dimension, passant de l’auteur de superbes drames à un explorateur des nouvelles technologies (il commençait d’ailleurs à tester des choses avec son décrié Hulk d’ailleurs). Il mariait à nouveau ces ingrédients tout en testant la fluidité du 120 images par secondes dans Un Jour dans la Vie de Billy Lynn, fabuleux et injustement oublié.
Cette fois, il applique donc le traitement 120 images par secondes et 3D dans un blockbuster d’action mâtiné de SF porté par Will Smith en bénéficiant de plus de salles pouvant le diffuser dans ce format. Il en profite aussi pour faire avancer le rajeunissement numérique d’acteur (de-aging) dans ce projet qui était dans les cartons du producteur Jerry Buckheimer depuis la fin des années 90.
Et le premier souci du film vient d’ailleurs peut-être de là, un projet qui sent le blockbuster des années 90 qui n’a pas vraiment pris le pouls des années 2010 et voit donc son intrigue-concept réduite sur un timbre post, trois décors et passant à côté de toutes les réflexions de SF qu’il aurait pu mener entre les mains d’autres auteurs.
Car Gemini Man parle d’un tueur à gages qui tente de se mettre à la retraite mais est rattrapé par son clone, plus jeune et au service d’une corporation militaire, qui tente de le tuer. Qui peut lui en vouloir ? Qu’est-ce que cela impliquerai d’utiliser des clones pour l’armée et pour les avancées scientifiques ? Et qu’est-ce qui se passe quand on se retrouve avec un soi plus jeune ? et même message meta sur l’utilisation d’acteur numériquement plus jeunes et le malaise d’y faire face… autant de questions … qui seront bien vite survolées tant le récit se fiche de les développer.
L’expérimentation avant tout
Il devient rapidement clair qu’Ang Lee n’a pas accepté ce projet pour l’histoire et ce qu’elle raconte (même si la dimension paternelle a du l’intriguer un peu) et qu’il en a surtout profité pour faire ses expérimentations techniques. Et non seulement le rajeunissement de Will Smith passe plutôt bien, mais surtout les 120 images par seconde en 3D offre une clareté de l’image, une fluidité de l’action et une netteté incroyable aux scènes. Ainsi la course poursuite à moto dans ce format est immersive comme rarement.
Cependant ce format a aussi son revers car il impose des contraintes sur la photographie. Le moindre défaut d’éclairage ou d’effet numérique est immédiatement visible (ce qui ne manque malheureusement pas d’arriver), rendant parfois le film assez cheap. Il se révèle du coup aussi superficiel que l’est son scénario (qui en plus enchaîne les raccourcis et le non suspense) ou le jeu approximatif de Will Smith dont l’égo « gentil garçon » fait toujours furieusement défaut au rôle censé être plus torturé.
Et donc pour la plupart des gens qui le découvriront dans un format classique, Gemini Man ne sera qu’un vulgaire blockbuster qui rappellera ce qui se faisait de moins bon à la fin des années 90, sans même afficher une once de personnalité de son auteur. Clairement, on attendra plutôt le prochain drame d’Ang Lee.