Reconnaître ses propres névroses et s’en servir est un bon moyen pour écrire la comédie. Cela revient à considérer ses expériences personnelles et dévoiler de soi un glacis qui nous évite certes une trop sérieuse confrontation avec le monde mais surtout nous laisse un goût amer de la vie.
Mary à tout prix de Peter et Bobby Farelly
Le conflit est ce qui fait avancer une histoire quelle qu’elle soit. Et je me demande même si nos conflits quotidiens ne sont pas tout aussi aptes à nous faire avancer dans nos propres vies. La comédie utilisera ces conflits pour construire des situations hilarantes.
Dans Mary à tout prix, toutes les scènes ont été pensées selon ce qu’elles allaient amener dans l’histoire. Tout est cause. Et cette cause est conflictuelle. En fiction, nous voulons voir les personnages lutter contre leur quotidien. Dans cette histoire en particulier, cette lutte est au cœur de chaque scène. Le héros ne peut même pas se rendre aux toilettes sans que les choses n’aillent de mal en pis.
Projeter dans le personnage principal ses névroses
Couver sa propre détresse, ce n’est certainement pas se rendre un très grand service. Incarnons-la plutôt dans un personnage. Est-ce égocentrique de vouloir parler de soi pour se sentir mieux ? La comédie n’est-elle vraiment qu’un exutoire, un prétexte à une fausse compréhension du monde qui n’a décidément rien à nous dire ?
Deux offres nous sont possibles. Soit on s’isole et on accepte pleinement de se retirer de la face du monde pour vivre en sérénité avec nos convictions.
Soit on établit avec les autres de véritables liens. Mais on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Je ne souhaite à personne de se retirer tout en maintenant avec autrui une connexion artificielle. Ce serait un entre-deux bien irresponsable.
Un jour sans fin de Harold Ramis et Danny Rubin
Cette histoire n’est pas ce qu’elle semble être. A contrario, elle pointe nos regards vers des questions existentielles majeures concernant l’amour, notre inexorable rencontre avec la mort et ce que c’est que d’apprécier nos vies.
Le rire est un cri. Le personnage d’une œuvre de fiction est ce cri dont on saisit le mouvement à travers son arc dramatique, c’est-à-dire son cheminement à travers l’histoire.
Phil Connors est manifestement un être odieux lorsque nous faisons sa connaissance. Il porte en lui un tas de problèmes qui sont autant de conflits avec les autres.
L’intrigue de Un jour sans fin nous accroche. Cette répétition a quelque chose de magique car malgré que l’on sait déjà que Phil a vécu les événements, chaque événement nous incite à tourner la page pour voir ce qu’il va bien pouvoir se passer de nouveau.
On s’investit donc dans l’intrigue mais ce qui nous intéresse surtout, c’est Phil.
Comprendre les moments les plus significatifs de sa vie
Maître brainstorming sera d’une grande aide pour mettre en place les moments de votre vie qui ont eu de l’importance pour vous. Une importance toutefois lugubre puisque ces temps-là sont censés avoir eu sur vous un effet désastreux du moins que vous gérez encore avec difficultés.
La comédie sera votre psy à domicile. Posez les questions et tentez d’y répondre sincèrement, avec une lucidité à laquelle vous n’êtes pas habitué. On ne cesse de se mentir et nos personnages de fiction ne sont pas différents de nous. Eux, cependant, changent (classiquement pour le meilleur) d’ici la fin de l’histoire.
Posez sur le papier ce que vous estimez avoir été pour vous des humiliations. Trouvez des personnes en qui vous avez confiance (c’est-à-dire qui ne vous jugeront pas inutilement) et réfléchissez sur ces hontes que vous n’avez jamais vraiment intégrées.
Quelles sont celles parmi toutes celles listées qui possèdent en soi de la matière dramatique ? Vous serez surpris de constater que la plupart d’entre elles peuvent servir de support pour conter une bonne comédie.
Y a-t-il un pilote dans l’avion ? De Jim Abrahams, David et Jerry Zucker
Une comédie à la gloire de l’absurdité. La parodie des films catastrophe des années 70 (Airplane ! est sortie en 1980) est comme le constat que notre monde est poussé hors du progrès par une technologie non maîtrisée.
L’archétype du bouffon est devenu un modèle. L’idiot du village n’est plus la risée de l’opinion, le laissez-pour-compte qui servait de buvard aux vices d »une communauté irresponsable.
Ace Ventura ou Austin Powers surpassent dorénavant en popularité n’importe laquelle de ces légendes qui faisaient les héros d’autrefois.
Certes pour Judd Apatow, notre propre inadaptation au monde est ce qui mène les auteurs vers la comédie. D’une manière plus simple, nous pourrions penser qu’il s’agit d’un besoin d’être aimé (ou ne serait-ce qu’apprécier).
Utiliser l’humour pour désamorcer des situations potentiellement embarrassantes ou dangereuses ne peut justifier l’usage de la comédie. Ce qu’il se passe dans nos vies est bien plus inspirant pour écrire une comédie que de tenter de répondre à la brutalité ou à la barbarie du monde.