En effet, on trouve assez souvent deux intrigues liées régulièrement tout au long de la durée de l’histoire par une scène de transition. Dans une série télévisée, c’est un peu différent car il n’y a pas vraiment d’intrigues secondaires. Plutôt des intrigues indépendantes œuvrant simultanément et dont l’essence même est liée au tout.
Une complexité intrigante
Dans un scénario ou dans un roman, nous trouvons donc trois intrigues : une intrigue principale, une intrigue secondaire (qui viendrait renforcer ce qu’a à dire l’intrigue principale) et l’articulation entre ces deux intrigues qui est elle-même structurée pour former sa propre signification tout en assumant sa finalité de jointure entre les deux intrigues principale et secondaire.
Par exemple, vous avez la mère qui nous présente le père comme un individu horrible (c’est une première ligne dramatique). Et vous avez le père qui œuvre jusqu’à se mettre en danger pour sortir son fils des ennuis dans lesquels il a glissé (c’est une autre ligne dramatique).
Et entre ces deux lignes dramatiques, vous avez la propre histoire du fils qui est autonome et qui assure que la relation exacte entre le père et la mère sera décrite dans le sens que l’entend l’auteur.
C’est ainsi que l’on crée de la complexité sans compliquer outre mesure la réception par le lecteur qui se retrouve alors captivé dans l’histoire à travers les intrigues de celle-ci.
Ce n’est pas facile cependant de s’assurer que l’intrigue principale (qui décrit ce qu’il arrive à un être humain de fiction et le mot humain est d’une importance capitale) se déploie sans être diluée par les autres intrigues qui font aussi que l’histoire est captivante parce que deux ou trois intrigues brisent une linéarité qui pourrait s’avérer ennuyeuse.
Comme dans la vie réelle, il est difficile de comprendre le monde fictif d’une histoire. Alors, on se fixe un but pour tenter de donner du sens à ce que l’on fait. Lorsqu’on décide d’une intrigue secondaire, il est bon alors de connaître ce à quoi elle servira dans le tout.
Il y a deux raisons qui permettent d’expliquer pourquoi on a besoin d’une ou deux intrigues supplémentaires. L’une est de compliquer les choses parce que cet enchevêtrement de significations donne un capharnaüm de sens, d’actions, de mouvements… qui accroche le lecteur.
L’autre est d’apporter à travers des situations des informations plus ou moins nuancées sur ses personnages. Concrètement, l’intrigue secondaire pourrait consister en l’ajout d’un nouveau personnage qui donnerait une perspective ou un point de vue différents sur l’histoire et qui interagirait avec le personnage principal.
L’intrigue secondaire se construira par exemple sur une capacité du personnage principal.
Car vous avez planifié que votre héros devra faire preuve d’une patience rare à un moment précis de l’histoire. Or cette patience ne peut être impromptue parce qu’elle ne serait pas acceptée tel quelle par le lecteur.
Il vous faut donc développer cette faculté du personnage principal au sein d’une intrigue secondaire afin de justifier la patience qu’il exercera à un moment crucial de sa vie (c’est-à-dire à un tournant majeur de l’histoire).
La chose qui compte est que les intrigues secondaires soient au service de l’intrigue principale (d’ailleurs dans une série, les différentes intrigues ont leurs propres intrigues secondaires pour les expliquer).
Deux intrigues, c’est bien
Il faut accrocher le lecteur mais ce qu’il faut surtout, c’est éviter de le perdre dans une confusion labyrinthique. Trop d’intrigues tue l’histoire. D’où peut venir la confusion ? Lorsque le lecteur se passionne pour une intrigue, qu’il y place toute son attention et qu’en fin de compte, cette intrigue pour laquelle il a éprouvé un sentiment si violent, si passionné se révèle en fait totalement (ou parfaitement) inutile pour l’histoire., ce n’est même plus de la confusion mais une frustration.
Cela arrive lorsque l’auteur perd de vue ses significations. Il accentuera une intrigue mineure mais cet intérêt soudain n’apportera rien soit dans l’avancement de l’histoire, soit dans la découverte de la personnalité de ses personnages.
C’est même bien plus grave que de la confusion. En fait, c’est l’ennui que le lecteur rencontre. Il n’a plus l’envie de tourner les pages. Il peut se sentir trahi par l’auteur voire enfumé par lui.
Plus que l’intrigue principale, l’intrigue secondaire doit posséder un but, une raison d’être. Que nous-mêmes, nous cherchions désespérément à donner du sens à nos existences est une chose, mais l’auteur se doit de donner un but à ses intrigues ne serait-ce que pour les expliquer.
Une finalité n’est cependant pas une digression.
Vagabonder sur un aspect de la vie d’un personnage sans que cet éclairage n’enveloppe la construction de personnages plus importants que lui pour l’intrigue est une digression pour l’histoire actuelle. C’est une idée qu’on doit garder pour raconter tout autre chose.
Pour ne pas casser le rythme (si telle n’est pas l’intention), ce qu’il arrive dans une histoire doit être mentionné pour servir une intrigue spécifique (elle tire sa spécificité de son intérêt même et peut-être surtout si elle oblige le lecteur à réfléchir) ou bien si cela aide à construire un personnage en mettant en avant un trait de sa personnalité (de la bonté ou une certaine connaissance par exemple).
L’intrigue secondaire, support de l’information
Voir agir un personnage appelle des explications. On cherche souvent à comprendre le comportement d’autrui. Ou plutôt on juge autrui un peu trop facilement. En fiction, on conserve néanmoins une once de critique. Et l’auteur peut alors communiquer des informations sur ses personnages qui engageront l’intérêt du lecteur.
Une intrigue secondaire sert un double objectif. Elle apporte des informations sur le monde de l’histoire qui sont comme autant de découvertes, de choses nouvelles pour le lecteur (et une œuvre de fiction tout comme le documentaire doivent conserver un esprit innovant même si le sujet a été moult fois traité) et elle permet aussi de donner la crédibilité nécessaire aux actions futures des personnages lorsque certaines scènes par exemple qui ne sont pas destinées à faire avancer l’histoire seront pourtant utiles pour expliquer plus tard le comportement d’un personnage (qui apparaîtrait autrement forcé s’il devait faire montre soudain d’une action ou d’une réaction qui ne lui ressemblent guère).
Si nous avons préalablement été habitué à un certain trait de caractère d’un personnage (ne serait-ce qu’un tout petit incident), nous accepterons bien volontiers qu’il réponde à certaines situations d’une manière peut-être un peu folle mais que nous pouvons néanmoins justifiée.
Nous pouvons aussi mieux comprendre les dilemmes du personnage ce qui est tout de même un peu plus intéressant qu’une action effrénée.
Ainsi, l’intrigue secondaire n’est ni quelque chose d’aléatoire, ni quelque chose de posé là sans rapport avec l’intrigue principale. L’intrigue secondaire sera considéré comme un instrument pour éclaircir certains faits ou événements, ajouter de la complexité aux personnages et à construire aussi le suspense.
Reconnaître l’intrigue secondaire
Ce mot de secondaire ne doit pas vous faire penser que vous pourriez négliger la construction de l’intrigue secondaire. Les lignes dramatiques qu’elle décrit comme par exemple l’arc dramatique du personnage qui est au centre de l’intrigue secondaire seront menées à leur terme. Car un personnage bien développé est satisfaisant pour le lecteur.
L’intrigue secondaire vous servira à dévoiler certaines qualités chez votre personnage principal que vous n’auriez pas pu glisser dans l’intrigue principale sans en détruire le rythme.
Alors plutôt que de passer sous silence un trait de caractère, en espérant que le lecteur comprendra telle ou telle attitude chez son personnage, autant exposer un incident (encore une fois, même s’il ne revêt qu’une importance mineure), mais utile à la compréhension du personnage du moins à la conclusion à laquelle aboutit le lecteur dans son jugement du personnage.
Habituellement, l’intrigue secondaire est résolue avant l’intrigue principale. Cela semble logique parce qu’elle est en effet le reflet des thèmes de l’intrigue principale soit parce qu’elle les renforce en jouant parallèlement sur un sujet qui pourrait sembler éloigné du thème principal mais qui en double plutôt l’intensité.
Par exemple, Gatsby le magnifique nous montre un personnage qui a fait sa fortune dans la vente d’alcool prohibée. Il dépense d’ailleurs cette fortune dans des fêtes aussi inutiles qu’extravagantes. Gatsby est fortement attiré par une femme mariée, Daisy Buchanan. C’est alors que le mari de celle-ci fera montre envers Gatsby d’une terrible suspicion l’accusant de se servir d’eux pour la vente de cet alcool.
Le thème de la prohibition n’est évidemment pas au cœur de cette histoire qui est davantage une peinture de mœurs mais il ajoute justement de l’intensité à cette peinture sociale.
Soit le thème présenté dans l’intrigue secondaire viendra contredire le thème principal. Nous obtenons alors un contraste, c’est-à-dire une opposition entre deux objets afin de mettre en évidence leurs différences afin de mieux expliquer ce que sont ces deux objets.
Peut-on mieux expliquer l’espoir en montrant aussi ce qu’est la désespérance ?
Une chose encore : assurez-vous que votre intrigue secondaire reste à sa place. Elle ne doit pas prendre le dessus sur l’intrigue principale. Elle apporte de l’information sur les personnages ou sur le monde. Et bien qu’elle soit en elle-même une histoire, elle n’est pas l’histoire que vous racontez actuellement (et elle pourra plus tard servir sa propre histoire).
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L’INSPIRATION SELON NEIL GAIMAN