Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 6 Octobre au 12 Octobre
Dimanche 6 Octobre.
Miss Sloane de John Madden sur France 2.
Elizabeth Sloane est une femme d’influence brillante et sans scrupules qui opère dans les coulisses de Washington. Employée dans un cabinet spécialisé dans le lobbying, elle affronte le plus grand défi de sa carrière. Elle va redoubler de manigances et manipulations pour atteindre une victoire qui pourrait s’avérer éclatante. Mais les méthodes dont elle use pour parvenir à ses fins menacent à la fois sa carrière et ses proches…
Véritable écrin pour son actrice principale — Jessica Chastain impériale, Miss Sloane c’est une intrigue d’une efficacité redoutable dans laquelle s’animent des dialogues-fleuves déglutis à la mitraillette. Une émulsion qui n’est pas sans rappeler la patte d’une des plus brillants scénaristes américains, Aaron Sorkin. Le film de John Madden pourrait être une suite spirituelle à sa série A la Maison-Blanche, mais du côté des lobbyings. Car, et c’est la force de ce long-métrage, il décortique – et dénonce, un système assez opaque; qui montre que la faiblesse du pouvoir politique et la toute-puissance de ces lobbys, en cela Madden signe une œuvre exaltante, mais également nuancée, aussi pessimiste qu’optimiste, galvanisante et révoltante.
Dans un autre registre... Olivier Nakache et Eric Toledano s’apprêtent à faire leur retour dans les salles obscures avec Hors Normes, une occasion parfaite pour revoir Intouchables sur TF1. Succès monstre à sa sortie, le film mérite pleinement ses phénoménales entrées, du cinéma populaire fait avec orfèvrerie. Évident l’écueil de la niaiserie, le duo privilégie l’ambivalence avec un ton doucement acide. Un film drôle, touchant et émouvant porté par un Omar Sy impeccable de naturel et un Francois Cluzet bougrement bon.
La soirée continue avec… Scarface sur France 2. Le long-métrage de Brian de Palma mêle étroitement la violence crue, l’esthétisme baroque et une observation au vitriol du rêve américain. Porté, incarné, possédé par un Al Pacino hors norme, Scarface est une œuvre totale, impactant son spectateur, quelle que soit l’époque. Un film à qualificatifs qu’on pourrait lister : chef d’œuvre, meilleur film du genre, film culte.
Lundi 7 Octobre.
Jour de Fête de Jacques Tati sur Arte.
Des forains s’installent dans un calme village. Parmi les attractions se trouve un cinéma ambulant où le facteur découvre un film documentaire sur ses collègues américains. Il décide alors de se lancer dans une tournée à « l’américaine »…
Premier film du réalisateur, Jour de Fête pose les jalons du style Tati, l’intrigue aussi fine qu’une feuille de papier, offre une série de gags burlesques irrésistiblement hilarants. Si l’œuvre demeure la plus bavarde de son auteur, elle est la prémisse de ce cinéma quasi muet, qui dénote à l’époque, mais qui permet au réalisateur de donner à l’image sa toute-puissance. Surtout, Tati teinte Jour de Fête — comme l’ensemble de ses films — une profondeur, scrutant les mutations de la société (son obsession), il capte l’époque et s’en nourrit. En cela, le cinéma de Tati s’apprécie comme un témoignage drôle, poétique, mais aussi peuplé d’une inquiétude, celle des évolutions folles, du décalage que cela créer, du ridicule que cela permet.
Mais également... C8 continue son cycle Rambo avec Rambo 2 : la mission de George P.Cosmatos. Clairement moins impactant sur le plan émotionnel, cette suite se prélasse dans l’action. Déploiement pyrotechnique où Rambo tire à la mitraillette, rase un campement avec un hélico, tire à l’arc ou encore se fait torturer dans un véritable Stallone Show jouissif. Un spectacle hallucinant parsemé de second degré, un film qui assume ce qu’il est et cela fait du bien.
Mercredi 9 Octobre.
Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier sur Arte.
Jeune enarque, Arthur Vlaminck est recruté par le cabinet d’Alexandre Taillard de Worms, flamboyant ministre des Affaires étrangères. Il lui confie le « langage », autrement dit, la rédaction des discours. Le directeur de cabinet le charge alors de préparer l’allocution du ministre aux Nations-Unis.
Adaptation de la BA de Christophe Blain et Antonin Baudry, Quai d’Orsay recréer l’esprit de l’œuvre originale. Emporté par des dialogues percutants, piquants et savoureux, le film fait de la politique une sorte de vaudeville de haut standing. Bertrand Tavernier, loin de se prélasser dans le domaine de la satire, préfère observer sans juger. Ainsi, le long-métrage dépeint les arcades du pouvoir, avec une plume aérienne et une réalisation d’une belle inventivité. Porté par un casting sans faille, dont un tonitruant Thierry Lhermitte, Quai d’Orsay est un bijou de finesse, d’intelligence et de fluidité. Une forte dissonance dans une comédie française souvent engluée dans la facilité, le formatage et la vulgarité.
Mais aussi... France 4 propose le premier James Bond de Roger Moore : Vivre et laisser mourir. Réalisé par Guy Hamilton déjà à la manœuvre de Goldfinger et Les Diamants sont éternels, l'opus marque un changement de tonalité propre au changement d’incarnation. Vrai film d’action brut, plus terre-à-terre, à l’ambiance très polar, Vivre et laisser mourir impose Morre et donc Bond dans l’époque tout en conservant un flegme, une élégance, une sophistication sans doute très british.
Thibaut Ciavarella