[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #24. Stir of Echoes

Par Fuckcinephiles

© Copyright 1999 - Artisan Entertainment - All rights reserved


Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !



#24. Hypnose de David Koepp (1999)

Tous les cinéphiles un minimum avertis vous confirmeront cette vérité avec un aplomb sans bornes : l'immense Kevin Bacon est l'un des comédiens les plus talentueux et mésestimés du septième art ricain, un performeur de l'extrême capable de tout jouer, de la crevure la plus détestable qui soit à un père de famille lancé dans une vendetta terrible, en passant par un pédophile en pleine quête de rédemption où même un jeune ado ne pouvant se résoudre à ne plus danser.

Un grand comédien, rien de moins, qui transcende tout ce qu'il touche, et encore plus la belle petite galerie de séries B qui ont émaillées sa foisonnante carrière au fil des quatre dernières décennies.
Tout en haut du panier, Hypnose est sans contestation l'une des meilleures bandes horrifiques des 90's, qui aura eu la maladresse - involontaire - de sortir dans la foulée du colossal Sixième Sens de M. Night Shyamalan, autre ghost story avec un héros doué du don de double vue, qui elle aussi tend vers un fantastique adulte et vibrant, même si elle lui damne le pion dans le coeur des amateurs du genre, par la sincérité foudroyante de son histoire (l'incompréhension douloureuse et déchirante d'un petit garçon tourmenté par un don aux sombres contours de malédiction, qui peine de tout son être à avouer à sa mère les tourments qui le hantent).

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Plus brut de décoffrage et sensiblement moins dramatique, mais mué par la même volonté extraordinaire de concevoir une intrigue simple et épurée à l'exécution rigoureuse (et proche de la perfection), le premier passage derrière la caméra du brillant scénariste David Koepp (injustement condamné peu de temps après sa sortie, aux bacs à DVD discount), s'articule autour des aléas de Tom Witzky, un monteur de lignes téléphoniques dont le destin va sensiblement être bousculé un soir de fête, où sa belle-soeur un tantinet excentrique va l'hypnotiser, lui qui jurerait presque sur tout ce qu'il a, qu'il est insensible au procédé.

Pas de bol, l'expérience se déroule sans accroc avant qu'elle ne révèle une chose dont il n'avait jamais eu conscience jusqu'alors: tout comme son jeune fils Jake, il a la faculté extraordinaire d'être " un receveur ", un homme capable de voir les esprits.
Dès lors, les visites obsédantes d'une jeune fille morte nommée Samantha, ne vont pas arrêter de pourrir son quotidien, et il va peu à peu essayer de comprendre pourquoi celle-ci reste en contact avec lui et son rejeton, et quelle vérité se cache derrière sa disparition...
Pur bande surnaturelle à l'ancienne semblant tout droit sortie d'un épisode de la Twilight Zone, Stir of Echoes en V.O. (bien meilleur titre) est une histoire de fantômes effrayante à l'atmosphère enivrante, entre les films d'épouvante d'époque, le vernis Hitchcockien des thrillers du quotidien et les trips hypnotiques de David Lynch, qui tire sa puissance dans les fondations même de sa peur, pointant la folie et le mal discret/secret du monde qui nous entoure.
Une horreur viscérale appuyant un portrait au vitriol de l'American Way of Life (les travers du puritanisme, du patriotisme et du conservatisme US), égratignant la surface faussement normal d'une communauté uniforme et faussement soudée, pour mettre à jour les secrets les plus inavouables : ici la tentative de viol menant au meurtre d'une jeune fille du quartier, par des adolescents à qui l'on ne dit pas non.

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L'esprit n'est au final pas frappeur mais tout simplement révélateur d'une vérité trop longtemps tu, et qui va se servir de son interlocuteur vivant comme le bras armé - et creuseur - d'une justice exposant à la surface les pulsions destructrices d'une ruche gangrenée par le mensonge et les non-dits.

Catapulté dans un Chicago réaliste et inquiétant (superbe photo macabre de Fred Murphy), porté par un casting bluffant de justesse (Bacon évidemment, mais aussi le jeune Zachary David Cope et Kathryn Erbe, parfaite en femme aimante mais dépassée par l'obsession de son mari) et de vrais moments de flippe tétanisant, Hypnose marque la rétine et obsède longtemps après sa vision, trottant dans la tête comme l'air des Stones fredonné inlassablement par le héros tout au long du film.


Jonathan Chevrier