[CRITIQUE] : Le Mans 66

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : James Mangold

Acteurs : Matt Damon, Christian Bale, Jon Bernthal, Caitriona Balfe, Tracy Letts,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : -
Genre : Biopic, Drame
Nationalité : Américain
Durée : 2h33min

Synopsis :

Basé sur une histoire vraie, le film suit une équipe d'excentriques ingénieurs américains menés par le visionnaire Carroll Shelby et son pilote britannique Ken Miles, qui sont envoyés par Henry Ford II pour construire à partir de rien une nouvelle automobile qui doit détrôner la Ferrari à la compétition du Mans de 1966.


Critique :

Alliant scènes de courses endiablées et des séquences + intimes tout aussi prenantes, #LeMans66, + qu’une guerre entre 2 grands noms de l’automobile, est l’histoire humaine captivante de la passion commune entre 2 hommes complémentaires aux rapports conflictuels. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/FaRirTFwWl— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 28, 2019

Quoi de mieux que la passion, l'adrénaline pour oublier le froid et l’hiver qui arrive ? C’est ce que nous propose James Mangold, avec ce biopic sur les 24h du Mans, célèbre course automobile. Après avoir terminé en beauté la saga basée uniquement sur Wolverine, Logan en 2017, il nous revient avec un biopic sur la bataille entre Ford et Ferrari (comme son titre original nous le dit) dans les années 60. Le Mans 66 est plus qu’une guéguerre entre deux compagnies, deux présidents riches à l’égo surdimensionné. Il nous parle de deux pilotes Caroll Shelby et Ken Miles, campé respectivement par Matt Damon et Christian Bale, de leur amitié, de leur passion et leur course folle contre la montre pour construire la meilleure voiture de course, celle qui battra enfin Ferrari. Une histoire presque exclusivement masculine, il est vrai, mais le film a dans son cœur un thème cher à Mangold, qui est l’intégrité. Ici, ce thème est un enjeu majeur : jusqu’où un homme est prêt à aller par passion ? Peut-on uniquement laisser parler son égo ?


Henry Ford II, la cinquantaine bedonnante, est dans un moment crucial vis à vis de son entreprise, qu’il a hérité de son grand-père, Ford premier du nom. Il veut moderniser le nom de la marque, en faire quelque chose de plus fort. C’est pourquoi, Ford et ses décisionnaires se lancent dans la course automobile. La victoire des courses a quelque chose de viril, qui ferait changer le regard des clients sur la marque, très (trop) familiale. Un temps, ils décident de faire fusionner la nouvelle partie automobile de course de son entreprise avec Ferrari, dont la réputation alors était au maximum de sa capacité, la victoire n’avait plus de secret pour eux. Mais la passion de la course n’a d’égale que l’égo des hommes qui dirigent les entreprises. Qu’à cela ne tienne, Ford sera indépendant, et battra Ferrari sur leur terrain de prédilection : les 24h du Mans.


Mais Le Mans 66, malgré son côté grandiloquent de course de voiture historique, se veut un peu plus intimiste que cela. Ce qui intéresse Mangold, encore plus que les scènes de voiture allant à tout allure, c’est la relation conflictuelle mais respectueuse entre deux immenses pilotes : Caroll Shelby et Ken Miles. Matt Damon est Shelby, le seul pilote américain à avoir gagné les 24h du Mans, avant de prendre une retraite anticipée au pic de sa carrière. La raison : son cœur malade, l’adrénaline peut lui coûter la vie. Il vend maintenant des voitures et entraîne Ken Miles (Christian Bale), pilote émérite mais arrogant et colérique le weekend. Shelby serait parfait pour construire la voiture de course de Ford, celle qui mettrait la honte à Ferrari. Il y voit un moyen de retourner dans un monde qu’il aime tant sans mettre sa santé en danger et d’introduire Miles dans de véritables courses. Un problème de taille cependant se présente : comment faire comprendre la complexité d’une voiture de course, la précision, la passion que cela requiert envers des cadres dynamiques et un patron milliardaire qui n’y connaissent absolument rien mais qui détiennent l’argent ? Voilà tout l’enjeu du film : plus que la guerre entre Ford et Ferrari, le film montre la guerre entre passion et argent (y voir une allégorie entre gros studio et réalisateur n’est pas si tiré par les cheveux que cela).



Car oui, plus qu’une voiture rapide, c’est l’humain, celui qui la conduit qui fait toute la différence. C’est dans ce but que Mangold construit sa mise en scène et son histoire, mettre l’homme au centre de cette machine complexe, qui peut prendre feu à tout moment. Un danger permanent plane, contrecarré par l’adrénaline et le suspens des courses. La caméra reste dans la voiture, captant la sueur, l’aiguille rouge qui monte, les freins qui peuvent lâcher à tout moment, mais aussi la concentration, la joie du pilote, sa passion de la vitesse, sa compréhension et le total contrôle qu’il a de la machine. Une intimité s’installe dans cet habitacle, comme le montre cette scène très drôle du vieux Ford qui expérimente la sensation de vitesse dans une voiture de course. Cet homme austère et froid fond en larme, car il n’aurait jamais cru que ce serait aussi intense. C’est cette connaissance qui crée les liens. A partir de ce moment là, Ford donnera sa pleine confiance en Shelby, comme celui-ci fait une confiance aveugle en Miles. Parce qu’ils savent. Mais cette adrénaline peut être dangereuse. Plus que ses problèmes cardiaques, l’inconscience aurait peut-être fini par le tuer, lui qui était prompt à se remettre dans une voiture qui venait de prendre feu pour gagner une course. Nous avons donc ici le cœur de la relation entre Shelby et Miles. Shelby, calme, qui arrondit les angles, tandis que Miles est tout feu, tout flamme. L’un est spectateur, l’autre acteur. Shelby prend peu à peu conscience du danger dans lequel il met Miles quotidiennement, tandis que Miles remonte toujours en voiture, même après avoir frôler la mort de nombreuses fois.

Malgré ses nombreuses scènes de courses endiablées très réussies, Le Mans 66 est un film beaucoup plus intimiste qu’il n’y paraît. James Mangold filme ses deux protagonistes comme des artistes, des pilotes d’exception, qui ne peuvent avoir confiance qu’en eux, face à des hommes riches qui n’y connaissent rien. C’est en ça que le film est brillant, alliant divertissement et scènes poignantes. Plus qu’une guerre entre deux grands noms de l’automobile, c’est l’histoire d’une passion commune, créatrice de liens forts. Et c’est ce qui doit rester au final : la passion.


Laura Enjolvy