Canicule

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à StudioCanal pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Canicule » de Yves Boisset.

« On parle beaucoup de vous à la radio. On dit que partout, la mort vous accompagne »

Début des années 80, en France, dans la Beauce. Le célèbre gangster américain Jimmy Cobb, en cavale en Europe, se lance dans un dernier grand coup : l’attaque de la banque centrale d’Orléans. Mais celui-ci échoue dans un bain de sang. Traqué par toutes les polices de France, il sillonne la campagne avec son butin et finit par trouver refuge dans une ferme occupée par une famille passablement abrutie.

« Je me méfie de tout ceux qui s’approchent de moi : ou ils veulent ma peau, ou ils veulent mon argent »

Passionné de cinéma américain depuis son plus jeune âge, Yves Boisset intègre dès la fin des années 50 le cercle très fermé et effervescent de la jeune cinéphilie parisienne. Il y côtoie notamment Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon avec qui il participera à l'écriture de « Vingt ans de cinéma américain ». C'est pour lui l'époque de l'apprentissage durant laquelle il collaborera comme critique à de nombreuses revues et où il officiera comme assistant réalisateur des grands cinéastes du moment (Sergio Leone, Jean-Pierre Melville, Claude Sautet…). Débutant sa carrière de réalisateur au milieu des années 60, il s’imposera ainsi durant les deux décennies comme l’un des fers de lance d'un cinéma français engagé. Mais à la différence de son collègue Costa Gavras qui portera l'essentiel de ses charges contre des idéologies ou des régimes étrangers, Boisset lui n'aura de cesse de dénoncer les travers et les injustices de la France et des français, s'en prenant tour à tour à la guerre d'Algérie (« R.A.S. »), aux sombres manipulations des politiques (« L’attentat », « Le juge Fayard dit Le shérif »), aux violences policières (« Un condé ») ou encore au racisme de ses compatriotes (« Dupont Lajoie »).

« Ici il y a un gendarme derrière chaque épi. Cet été, c’est pas du son qu’il y aura dans le pain mais leurs poils de cul ! »

Mais en ce début des années 80, sa carrière stagne un peu et il subit des pressions du pouvoir en place, bien décidé à empêcher son grand projet de film dénonçant la Françafrique de se réaliser. C’est alors qu’il saisit l’opportunité de porter à l’écran le roman homonyme de Jean Vautrin (que les cinéphiles connaissent sous son véritable nom de Jean Hermann, réalisateur notamment de « Adieu l’ami » avec Delon et Bronson). Pour ce cinéphile passionné, c’est là l’occasion de réaliser son grand film noire dans la plus pure tradition américaine, en transposant les codes américains du genre (fatalisme, noirceur) dans un contexte purement français. Mais au-delà de ses références formelles évidentes (« Quand la ville dort », « La mort aux trousses »), « Canicule » ressemble surtout à un étrange croisement entre « Délivrance » et « Affreux, sales et méchants ». Car sans le savoir, le malheureux (anti)héros du film va trouver refuge dans une ferme isolée dont les habitants - cousins beaucerons éloignés des rednecks américains - sont bien plus affreux que lui. Et pour cause, les membres de cette famille d’agriculteurs se révèlent tous plus vils, rustres et ignobles les uns que les autres, guidés par leur bestialité la plus primaire (à l’image de leurs pulsions sexuelles irrépressibles). Si l’action et la violence sont au rendez-vous, on retiendra surtout du film son ambiance étrangement malsaine ainsi que les formidables dialogues de Michel Audiard qui lui confèrent sa truculence, son cynisme et sa belle absurdité. A l’image de ce final aussi improbable qu’ironique où le gangster se fait finalement posséder par l’adolescent de la famille, qui se révèle finalement tout aussi taré que aïeuls. Un film étonnement drôle et particulièrement jouissif, porté qui plus est par un casting de luxe où la figure américaine de Lee Marvin croise la fine fleur des comédiens les plus franchouillards (Victor Lanoux, Jean Carmet, Bernardette Lafont, tous formidables). Excellent.

****

Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale française (2.0).

Côté bonus, le film est accompagné d’une préface de Jean-Baptiste Thoret, d’un passionnant making of du film (87 min.) ainsi que de sa bande-annonce.

Edité par StudioCanal, « Canicule » est disponible dans la collection « Make my day ! » (dont il est le numéro 14) dans un double combo blu-ray + DVD qui comprend également le film « Folle à tuer » du même réalisateur depuis le 31 juillet 2019.

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