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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !
#30. Sleepy Hollow, La Légende du Cavalier sans Tête de Tim Burton (1999)
Tout part d'un malheur au final indiscutablement salutaire : c'est parce qu'il n'a pas pu mettre en images après un an d'effort, son pourtant si alléchant Superman Lives avec Nicolas Cage en vedette, qui lui aurait permit de subvertir (pour mieux y apposer sa marque) à l'instar des deux premiers Batman, l'autre figure légendaire de l'écurie DC Comics, que Tim Burton a vu son intérêt se reporter sur le définitivement magique Sleepy Hollow, relecture d'un mythe ultra populaire du folklore outre-Atlantique - contée par Washington Irving -, opérée par un Andrew Kevin Walker alors au sommet de sa hype (Se7en, 8mm).
Engoncé entre deux époques charnières qui s'affrontent, la fin d'un XVIIIème siècle barbare et l'arrivée d'un XIXème se rêvant moins violent et plus civilisé (et plus directement ici une justice arbitraire et vouée à la torture, lentement mais surement remplacé par des méthodes d'enquêtes et de jugements améliorées), le film suit le récit initiatique et fantastique du doué - et qui à la confiance arrogante qui va avec - mais froussard Ichabod Crane, un enquêteur qui pense beaucoup trop devant lutter contre un tueur qui est littéralement dépourvu de tête et qui s'amuse justement, a soigneusement décapiter son prochain dans une bourgade paumée où le soleil ne transperce jamais vraiment un ciel embrumé et automnal.Photo by Sunset Boulevard - © This content is subject to copyright. - Image courtesy gettyimages.com
Un mystère profondément grisant, qu'il ne pourra résoudre qu'en abandonnant le rationalisme viscérale qui le caractérise, pour se laisser enivrer par l'inconnu... tout comme le spectateur.
Plus qu'une simple invitation imaginaire et énigmatique inspirée de la part du génie de Burbank, Sleepy Hollow est une vraie expérience à part, un superbe sortilège visuel où le cinéaste, qui s'appuie sur une photographie extraordinaire d'Emmanuel Lubezki et l'abattage créatif de Rick Heinrichs, laisse exploser toutes ses références dans un hommage passionné à tout un pan du septième art qu'il chérit tant (le catalogue incroyable de la Hammer, Le Masque du Demon de Mario Bava,...), qu'il emballe avec une verve enthousiasmante.S'amusant des codes du genre qu'il aborde autant qu'il les détourne avec malice, Burton joue même constamment sur les oppositions diverses et les décalages (la ville face à la campagne, la modernité face à la tradition rustique, la rationalité face aux croyances diverses, les pensées cartésiennes face aux sciences occultes et à la magie,...) pour mieux appuyer la résolution bouleversante de l'évolution intime et spirituelle de son héros (ce ne sera qu'en épousant l'irrationnel et l'amour d'une jeune sorcière, que le héros vaincra son ennemi et ses traumatismes du passé hantent ses nuits), qui n'est pas sans rappeler un certain Edward (un être tolérant et marginal qui accepte la marginalité du monde qui l'entoure, sans qu'elle ne vienne jamais pervertir ce qu'il est intimement), jusque dans la romance non conventionnelle qui rabat constamment les cartes du rapport de force homme-femme.
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Spectaculaire, drôle et terrifiant à la fois (entre la satire et le film d'horreur purement traditionnel), alignant à la pelle les séquences anthologiques (les apparitions meurtrières du cavalier, l'arbre des morts, les rêves cruels d'Ichabod,...) et les prestations impliquées (un Johnny Depp en mode Peter Crushing, une Christina Ricci lumineuse et un Christopher Walken plus flippant que jamais), l'avant-dernier dernier chef-d'oeuvre du cinéaste - le dernier est bel et bien Sweeney Todd -, est un sommet du cinéma fantastique moderne complètement conscient de son héritage visuel, et sans aucun doute la plus belle épopée gothique des 90's, avec le Dracula de Coppola.
Jonathan Chevrier