Joseph Campbell voyait le mythe comme un langage en quelque sorte. Plus précisément, comme un langage imagé de l’âme.
Au-delà de l’expérience et des mots que nous utilisons pour la décrire, il existe une autre réalité sous la réalité que nous expérimentons.
Cette réalité, nous ne pouvons la définir avec les mots car aucun mot ne saurait la décrire précisément mais les mythes, tout comme l’art, présentent des images qui nous font éprouver une sorte de sentiment esthétique.
L’esprit humain veut tout expliquer. Il interprète les symboles, les explique. Mais ses explications ne font que constater les faits. Une approche scientifique du mythe est malaisée car la science prouve en reproduisant le phénomène. Or l’impact immédiat du mythe, surtout si celui-ci nous parvient lors d’un rituel, échappe à l’intellect.
C’est le cœur qui le ressent sans qu’aucune raison ne soit exigée. Et si nous avons besoin d’une interprétation théologique, aussi pertinente soit-elle, elle ne manquera certainement pas d’affadir ce sentiment que nous procure le mythe lors de sa réception immédiate, intuitive.
Le mythe embarque de multiples couches de concepts et d’idées souvent conflictuels. C’est d’ailleurs pour cela que les images et les métaphores que nous donnent le mythe sont si importantes car elles ajoutent de la profondeur aux mots et à ce qu’ils véhiculent nécessairement imparfaits.
Cependant, le langage imagé du poète est bien plus riche, plus complexe et certes souvent paradoxal mais il n’en laisse pas moins de nous parler clairement sur les questions de vie, d’amour, de substance et d’âme.
Le principe de non-contradiction
Aristote pose le principe de non-contradiction comme une nécessité absolue parce qu’il est logiquement impossible d’affirmer et de nier une même proposition. Pour Joseph Campbell, l’acceptation du paradoxe est essentielle à la compréhension du mythe parce que le mythe, tout comme le rêve, nous donne un temps et un espace qui s’avèrent fluides et dont les images s’enchaînent les unes aux autres pour donner cette fluidité que la raison ne s’explique pas.
Une proposition peut certainement se contredire elle-même car le mythe nous démontre que l’homme peut marcher sur les eaux, que le Christ peut être dieu et homme à la fois et que la triple lune (ses trois phases ascendante, pleine et descendante) symbolise aussi la femme comme jeune fille, femme et mère, puis la femme au soir de sa vie.
L’image du dragon est aussi une belle image dont l’origine remonte à un passé à peine discernable où mythes et contes emplissaient les esprits de leurs créatures fantastiques (divinités et bestiaire confondus).
La présence d’un dragon dans un conte promet que l’aventure sera passionnante. Cette image du dragon, néanmoins, est-elle bonne ou mauvaise ? Est-ce que le dragon soigne les maux de l’humanité ou est-il voué à la destruction de celle-ci ?
Le dragon peut-il inspirer de la créativité et donner de la force aux êtres humains ? Ou n’est-il qu’une élucubration posée là pour agrémenter quelques histoires décidément sans importance ?
D’autres questions peuvent aussi nous interpeller : D’où l’image du dragon provient-elle ? Quelles sont les origines du dragon et quelle est sa finalité (si tant est qu’il en est une) ? Quel rôle ce concept de dragon a t-il joué dans l’évolution de la civilisation humaine et dans notre propre évolution en tant qu’individu ?
Tenter de répondre à ces questions, tenter de concrétiser une métaphore, c’est prendre le risque de se limiter à des définitions rigides et dogmatiques qui tuent la créativité. Il est préférable de prendre le paradoxe tel qu’il nous est donné et de se laisser entraîner par cette image du dragon sans la questionner.
Retrouver les traces de ses toutes premières apparitions dans les mythes, l’observer émaner de l’assemblage de ses éléments constitutifs et puis revenir dans le présent afin d’apercevoir le dragon dans sa tanière profondément enracinée dans notre psyché.
Lorsqu’elle verse dans le mythe, notre imagination pourrait bien nous en apprendre plus sur nous-mêmes que n’importe quelle étude sérieuse. Nos ruminations mythiques tirent précisément leur puissance par le fait que nous pouvons les contester car il n’y a pas de faits véritablement historiques.