Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le poison » de Billy Wilder.
« Nous sommes deux : vous essayez de ne pas voir et moi de ne pas vous aider »
Birnam devait partir en week-end avec son frère Nick et auparavant assister à un spectacle à l'opéra avec sa fiancée, Helen, qu'il a rencontrée il y a trois ans. Mais une implacable maîtresse l'empêche de réaliser ces deux agréables projets. Plus tentante et cruelle que la plus belle des femmes, elle l'oblige à voler et à traîner de bar en bar. Son nom : alcool. Heureusement l'amour d'Helen le retiendra au bord du gouffre.
« J’ai besoin de savoir que la bouteille est là. Je ne peux pas m’en passer. C’est diabolique »
On a tendance à associer trop souvent le nom de Billy Wilder au registre de la comédie. Il faut dire que l’homme fera de son humour truculent une véritable marque de fabrique, tant dans son travail de scénariste (pour Lubitsch notamment, sur « La huitième femme de Barbe-Bleue » ou « Ninotchka ») que de cinéaste (« La scandaleuse de Berlin », « Certains l’aiment chaud », « Un, deux, trois », « Embrasse-moi idiot » ou encore « La grande combine »). Pour autant, cette association pourrait paraitre un peu réductrice tant le réalisateur s’illustra aussi – notamment durant la première partie de sa carrière – dans des registres plus sombres, comme le film noir (« Assurance sur la mort », « Boulevard du crépuscule »), le film de guerre (« Les cinq secrets du désert », « Stalag 17 ») ou le drame (« Le gouffre aux chimères »). C’est ainsi qu’il tourne, en 1945, « Le poison », drame intimiste qui décrochera quatre Oscars (meilleurs acteur, réalisateur, film et scénario) ainsi qu’un Prix d’interprétation à Cannes.
« Le soir c’est un poison, le matin c’est un remède »
Adaptation d’un roman de Charles R. Jackson, « Le poison » est ainsi le récit d’une descente aux enfers. En l’occurrence, celle de Birnam, ancien jeune romancier prometteur qui a noyé son insuccès, sa lâcheté et sa peur panique de la page blanche dans l’alcool, jusqu’à ce que son addiction ne le conduise à sa propre déchéance. Avec beaucoup de lucidité et un réalisme assez rare à Hollywood à cette époque, Wilder se confronte sans se dérober au problème de l’alcoolisme qu’il choisit d’aborder de façon inédite, comme une maladie. Il filme ainsi la déchéance de Birnam, antihéros désabusé et vaincu, jusque dans ses moments les plus honteux (la recherche des bouteilles qu’il a caché après que son frère ait vidé l’appartement) et les plus pathétiques (lorsqu’il mendie un verre au bar ou de l’argent à une jeune entraineuse éprise de lui). Surtout, Wilder donne à son récit des faux airs de film noir en montrant l’addiction à l’alcool comme un piège infernal qui se referme inéluctablement sur son personnage principal, le coupant progressivement du monde des vivants et ne lui laissant d’autre alternative qu’un suicide pour échapper à son addiction. En cela, la scène d’internement dans un hôpital spécialisé, filmée à grand renforts d’effets expressionnistes, a tout du cauchemar éveillé. Tout juste regrettera-t-on cette fin un peu trop optimiste qui dénote un peu trop avec la noirceur générale de cette œuvre, magnifiquement portée par l’acteur Ray Milland. Rarement l’alcoolisme aura été filmé de façon aussi directe et froide (à part peut-être « Le jour du vin et des roses » de Edwards). Marquant.
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Le blu-ray: Le film est présenté dans un nouveau Master restauré en Haute-Définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (deux versions proposées : celle d’origine ainsi qu’un doublage récent, toutes deux 2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une Conversation entre les journalistes Mathieu Macheret et Frédéric Mercier. Un livret de 28 pages par Marc Toullec complète avantageusement cette édition.
Edité par Rimini Editions, « Le poison » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 1er octobre 2019.
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