D'abord prévu avec le duo Tom Cruise et Brad Pitt et annoncé en 2013 il aura fallu attendre encore un peu et l'arrivée du réalisateur-producteur James Mangold pour finaliser le projet. Ce dernier a déjà signé quelques belles réussites de "Copland" (1997) à (2017) en passant par "Identity" (2003) et "Walk the Line" (2005). Cette fois il s'attaque à une autre histoire vraie, pas un biopic mais un film qui relate un pan peu connu de l'Histoire automobile. Adapté du livre "Go Like Hell : Ford, Ferrari, and Their Battle for Speed and Glory at Le Mans" (2010) de A.J. Baime le scénario est co-signé entre autres par les frères John-Henry Butterworth et Jez Butterworth auxquels on doit (2014) de Tate Taylor et "Edge of Tomorrow" (2014) de Doug Liman... Dans les années 60 une rivalité oppose Ford à la suprématie de Ferrari. Henry Ford II va alors chargé Carroll Shelby de créer le bolide capable de battre Ferrari sur son terrain. Le pilote qui va devoir faire face est Ken Miles. Si Shelby est têtu mais sympathique, Miles est hargneux et franc mais ça va être aussi une belle amitié sur fond de mécanique de course...
Shelby est incarné par Matt Damon qu'on avait pas vu depuis (2018) de Steven Soderbergh, et Miles est incarné par Christian Bale qui incarne une nouvelle fois un personnage historique après (2019) de Adam McKay... Les deux acteurs portent littéralement le film, ils jouent enfin ensemble alors qu'ils se suivent puisque tous deux ont débuté à la fin des années 80, avec une première reconnaissance fin des années 90 avant de devenir des stars mondiales au milieu des années 2000 en incarnant chacun un personnage icônique avec Jason Bourne pour l'un et Batman pour l'autre. Niveau rivalité historique dans la course automobile on pense forcément au récent et excellent (2013) de Ron Howard mais James Mangold avoue que ses références sont plus terre à terre, plus ciblé en citant logiquement les films "Grand Prix" (1966) de John Frankenheimer et "Le Mans" (1971) de Lee H. Katzin avec Steve McQueen. Mangold a affirmé vouloir montrer de façon "naturaliste" la vie de Shleby et Miles dans ce milieu des années 60, leur amitié ensuite et montrer la réalité des courses automobiles à l'époque. En arrière-plan on trouve évidemment la rivalité Ford vs Ferrari qui donne son titre en V.O. au film ("Ford v Ferrari"). Mais le film, s'il est adapté du livre documentaire de A.J. Baime, n'en tire qu'une légère substance et romance tellement l'histoire qu'on comprend très bien que seul compte la ligne directrice, le reste ne devient que fiction. On a donc la grande et grosse frustration de ne pas pouvoir croire à fond à cette histoire tant la fiction a pris le pas sur les faits relatés dans le livre. Ainsi on prendra plusieurs séquences avec des pincettes comme la rencontre entre le staff de Ford avec Enzo Ferrari, l'acharnement de Leo Beebe envers Ken Miles, et surtout l'insistance des records de Miles lors de la dernière course alors que le record est tenu officiellement par Dan Gurney avec 3mn30s6 avec une moyenne de 230,103 km/h (mais également de la team Shelby/Ford sur la même voiture Ford GT40 Mk.II)... Bref, le parti pris est de se focaliser sur Shelby et Miles tout en occultant complètement la présence des autres pilotes (c'est effectivement un travail d'équipe !). Et pourtant on est happé par cette aventure, d'abord parce qu'on a deux extraordinaires acteurs, ensuite par la recontitution d'époque et surtout mécanique.
Avec une armée de consultants, dont certains étant présents lors des événements, la production n'a pas lésinée jusqu'à reproduire les voitures de courses de l'époque ! Ainsi pas moins de 34 bolides furent reproduites et fabriquées par la société Superperformance, société spécialisée dans les répliques haut de gammes de voitures de collection. Ensuite les acteurs, surtout Christian Bale, a suivi des stages auprès de Robert Nagle cascadeur et pilote ayant notamment oeuvré sur des films comme (2011) de Nicolas Winding Refn et "Jack Reacher" (2012) de Christopher McQuarrie. Résultat, des bolides sublimes qui nous immergent avec une certaine magie dans les circuits de 1965-1966. Le choix de limiter au maximum les effets spéciaux numériques est un choix particulièrement judicieux de la part de James Mangold, on ressent d'autant plus le réalisme des moteurs et le côté intrépide des pilotes qui risquaient leur vie bien plus qu'aujourd'hui. Le grand moment reste évidemment la course ultime, le face à face des 24H du Mans 1966 (Tout savoir ICI !) qui prend pas moins du tiers des 2h30 de films. Ca passe vite, et jamais la course n'est redondante (à contrario de la vraie !) même si on reste perplexe une fois de plus sur des détails qui nous rappellent que c'est romancé. Ce décalage entre réalité (fidélité au livre) et fiction (romancé donc plus commercial) reste le gros défaut du film, car s'il n'est pas rédhibitoire on ressent trop ces prises de liberté pour qu'on puisse se laisser aller franchement. Dommage car pourtant tout y est bon, bien fait et efficace. Le duo Bale/Damon est parfait, les bolides recrés un univers fantasmé idéal, c'est fascinant parfois, intéressant souvent avec assez d'émotion pour passer un très bon moment.
Note :