Peu adepte du genre western, je me suis quand même laissée tenter par les Frères Sisters de Jacques Audiard, curiosité pour le réalisateur du sublime film Un Prophète (2009) s'essayant à un genre typiquement américain.
Fin XIXème siècle, on suit les Frères Sisters, Eli et Charlie, tueurs à gages au lourd passé, trimbalant avec eux des casseroles et travaillant pour un certain Commodore. Leur mission est de traquer, torturer et tuer un homme, un chimiste ayant une solution miraculeuse pour trouver de l'or facilement. Pour cela, ils seront guidés par un certain John Morris, détective sur la trace du chimiste Hermann Kermit Warm.
Le duo des frères Eli (John C Reilly) et Charlie (Joaquin Phoenix) fonctionne très bien à l'écran. On comprend leur solidarité, leur complicité dans leurs batailles armées tout comme ce qui les séparent, les volontés de vie qui divergent. L'autre duo, celle du chimiste (Riz Ahmed) et le détective (Jake Gyllenhaal) reste moins accrocheur et surtout moins exploité, le revirement de position de John Morris est plus perceptible que compréhensible. Casting superbe d'un quatuor qui fonctionne auquel on s'attache tout le long du film.
Le film joue sur les contrastes, tant dans les personnages, dans les duos, que dans les séquences avec des images superbes de clair-obscurs donnant de fait des dimensions plus importantes, une profondeur à la compréhension du film. La réalisation oublie les plans ultra-serrés sur les visages, les duels dans les rues près du saloon, ouvrant le film sur un western plus moderne avec des personnages à la psychologie plus développée, pour les adeptes des westerns peut-être manque t-il un peu de ses bagarres de rues qui passent un peu à la va vite.
Il reste quand même des aspects négatifs. Le premier bémol du film, et pas le moindre, reste l'histoire, le passé de la famille Sisters, qui n'est développé que par l'intermédiaire d'un rêve d'un des frères. Rien dans la réalisation de ce flash-back, que l'on peut qualifier de maladroite pour ne pas dire bâclée pour poser une assise du lourd passif, ne permet de comprendre la profondeur du trouble qui peut habiter les deux frères ni ce qui a réellement amené Charlie à tuer leur père.
Le deuxième bémol du film est la figure du Commodore, entre-aperçue dans le film. On comprend son pouvoir mais pas ce qui a amené les Frères à travailler pour lui. On peut comprendre la figure paternelle de substitution pour Charlie mais tout cela n'est qu'esquissé sous forme de plan muet et discours sans fond réel.
Le film ne manque pas de charme, avec une très belle réalisation, l'ensemble aurait mérité un peu plus d'exploitation pour un film plus profond. Un western français de haut vol, un visionnage recommandé.