Avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner
Chronique : Grand Prix du Jury à Venise et auréolé d’une critique presse dithyrambique, J’accuse a suscité un intérêt qui a vite dépassé le débat sur la séparation entre l’homme et l’artiste que les récentes accusations portées à l’encontre du réalisateur ont relancé. Le refus de passer à côté d’un chef-d’œuvre aura poussé plus d’un (dont moi) dans les salles obscures, malgré la polémique. Et j’avoue que ce qualificatif me laisse perplexe. Certes la minutieuse reconstitution sert un récit parfaitement huilé et pédagogique à propos d’une affaire qui aura marqué comme aucune autre l’histoire de la République, mais l’académisme avec lequel Polanski l’aborde en réduit considérablement sa portée.
La très bonne idée de J’accuse aura été de mener l’enquête non du point de vue de Dreyfus, qu’on voit peu, mais de celui du Colonel Picquart, qui dépassa ses propres opinions pour que triomphe la justice. La moins bonne idée fut de confier le rôle de Picquart à Dujardin, en contrôle permanent pour imposer un sérieux qui n’a rien de naturel chez lui. Son jeu prudent ne parvient pas à échapper à la caricature. Comme dans la plupart des films où il aborde un registre dramatique (Le Bruit des glaçons, Möbius ou même le Daim), il ne (me) convainc pas. D’une manière générale, la direction d’acteurs est défaillante. Hormis Gadebois et Garel, le surjeu prime, avec une mention pour la catastrophe Emmanuelle Seigner à qui le film d’époque ne sied pas du tout. Les scènes de procès sonnent faux pour la plupart, trop théâtrales et avec ici aussi quelques interprétations outrancières particulièrement pénibles (principalement Melvil Poupaud qui gesticule dans le vide, mais une fois n’est pas coutume, Podalydès semble lui aussi bien perdu)
Il faut cependant reconnaître que la reconstitution est solide et le scénario, bâti comme un thriller, nous embarque au cœur de la machination, mettant en exergue une hiérarchie militaire gangrenée par la corruption, l’élitisme, l’ambition et la terreur du scandale. En fil rouge de l’affaire Dreyfus, la montée de l’antisémitisme à la fin du 19ème siècle est un élément central de l’intrigue mais sans que ses racines ne soient explicites ni que le problème soit abordé frontalement. Globalement J’accuse reste dans les hautes sphères et n’évoque jamais l’impact que le scandale a eu sur le familles françaises, souvent déchirées entre pro et anti-dreyfusards.
Au final le réalisateur se limite à un état des lieux assez clinique, n’ayant ni l’ambiguïté de ses meilleurs thrillers, ni l’émotion terrassante du Pianiste. Sa mise en scène est à l’économie, dans une ambiance très sobre, sans effets de musique ou d’éclats autres que les rebondissements liés à l’enquête de Picard.
Pédagogique à défaut d’être trépidant, J’accuse reste une déception au regard de sa réputation.
Synopsis : Pendant les 12 années qu’elle dura, l’Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier.
Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXème siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées.
A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.