Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 24 Novembre au 30 Novembre
Dimanche 24 Novembre.
Carol de Todd Haynes sur Arte.
Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle.
Carol marqué pour Todd Haynes un retour au mélo, 13 ans après son Sirkien, Loin du Paradis. Il réside dans cette histoire d’amour lesbienne des brides indéniable du cinéma de Douglas Sirk, mais, Haynes s’en détache progressivement pour finalement offrir une œuvre renversante d’émotion qui trouve sa place dans les merveilles cinématographiques des années 2010. Oui, Carol est un petit chef d’œuvre, le réalisateur semble animer les peintures d’Edward Hopper, c’est dans ce décorum que prend vie une romance qui chamboule les protagonistes autant que le spectateur. Mais, c’est aussi pour Haynes une relecture du mélodrame. Comme dans Loin du Paradis, il convoque les thématiques du genre, classes sociales évidemment, sentiment opprimé par les carcans de la société indéniablement, tout cela au sein d’un couple homosexuel magnifiquement campé par Cate Blanchett et Rooney Mara.
Mais également... Le Terminal de Steven Spielberg sur 6Ter. Au sein des années 2000, Le Terminal est le seul fil contemporain du cinéaste, pourtant, il s’inscrit dans une réelle phase pour Spielberg, celle qui le pousse à analyser les traumas de son propre pays. Le Terminal est avant tout un regard sur une Amérique paranoïaque, dont les racines fondatrices sont sclérosées s’imbibant ainsi un sécuritarisme exacerbé. Le tout emballé dans une fable aussi drôle que touchante et qui démontre la maitrise totale de Spielberg.
Lundi 25 Novembre.
Le Train Sifflera Trois Fois de Fred Zinnemann sur Arte.
Alors qu’il s’apprête à démissionner de ses fonctions de shérif pour se marier, Will Kane apprend qu’un bandit, condamné autrefois par ses soins, arrive par le train pour se venger. Will renonce à son voyage de noces et tente de réunir quelques hommes pour braver Miller et sa bande. Mais peu à peu, il est abandonné de tous.
Si Zinnemann n’a jamais atteint les sommets d’un Ford, d’un Mann ou d’un Leone, Le Train Sifflera Trois Fois reste, dans le genre du western, un incontournable. Pur exercice de style — une seule unité de lieu et de temps — le film est une véritable course contre la montre. Car, au cœur de cette œuvre un questionnement, sur l’homme qu’on abandonne et qui pense que son destin est la mort, qui vient se greffer dans la déambulation du western. Si l’on peut y reprocher un climax faiblard, Zinnemann offre pourtant quelques morceaux de bravoure qui se savourent au sein d’un grand sens du montage qui articule méticuleusement ses images.
On poursuit la soirée... avec Mission de Roland Joffé sur Arte. J’ai un souvenir précis de ce long-métrage, j’étais au collège, un professeur nous montre le début de ce film, j’étais fasciné par ce que je voyais, emporté dans ce torrent que peut être le cinéma. Car Mission est une fresque Leanienne dans l’âme, à la fois épique, tragique, et ambitieuse, où prend vie un scénario ne cessant de s’épaissir.
Jeudi 28 Novembre.
Ocean’s Thirteen de Steven Soderbergh sur TMC.
Danny Ocean et sa bande ne pouvaient avoir qu’un seul motif pour tenter leur braquage le plus audacieux à ce jour : sauver un des leurs. Mais la chance ne suffit pas toujours lorsque l’on veut faire sauter « The Bank »... Le cruel propriétaire de casino Willy Bank ne s’attendait pas à une telle riposte lorsqu’il trahit en envoya l’ami et mentor de Danny, Reuben Tishkoff. Mauvais, très mauvais calcul, car Danny rameute ses fidèles complices pour infliger à Bank un châtiment exemplaire le soir de l’inauguration de son nouveau casino, The Bank.
Je pense qu’après trois semaines vous l’avez compris, j’aime la trilogie Ocean’s. Tellement. Et ce troisième opus ne fait pas exception, j’avais la semaine dernière défendu le Twelve souvent mésestimé, et je m’en fais faire de même pour le Thirteen. Il faut reconnaitre que ce troisième opus est généralement mieux accueilli que le second, certainement car il marque un retour aux sources. Soderbergh s’attaque ainsi a faire un autoremake, mais attention un autoremake malin. Car, oui, l’histoire est sensiblement là même, mais alors où réside le charme ? Dans ses personnages, auquel on est maintenant attaché, mais aussi dans les choix de Soderbergh. Là où Eleven était un film nocturne, à la coolitude toute en retenue, le Thirteen est majoritairement diurne, à la coolitude assumée. Mais surtout, il délaisse l’imagerie habituelle de Vegas, présente dans le Eleven pour filmer la ville de façon plus aride, replaçant la ville dans son contexte : le dessert. C’est pour tout cela, et plus encore que j’aime Thirteen, et par extension que j’aime cette saga.
Mais aussi... on reste avec Steven Soderbergh et son Erin Brockovich sur Cherie25. Un petit film qui emporte tout sur son passage, le cinéaste y sacre Julia Roberts tout en dépeignant avec réjouissance, subtilité et rage les États-Unis, ses injustices, ses inégalités, ses scandales. Tout cela sans jamais tomber dans le sirupeux drame ou le pamphlet politique, car Erin Brockovich est avant tout une œuvre largement singulière, aussi divertissante que profonde.
Thibaut Ciavarella