Après "Fidelio, l'Odyssée d'Alice" (2014), la réalisatrice Lucie Borleteau s'attaque à l'adaptation du roman éponyme (2016) de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016. Pour le scénario qu'elle co-signe elle a fait appel à deux autres cinéastes, et pas des moindres avec Jérémie Elkaïm ex-mari et ex-collaborateur de Valérie Donzelli sur des films comme "La Guerre est Déclarée" (2011) et "Main dans la Main" (2012), puis Maïwenn à laquelle on doit les excellents (2011) et (2015)... Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge, cette dernière désirant reprendre le boulot ils embauchent une nounou polyvalente, Louise qui va se rendre indispensable jusqu'à s'imposer un peu trop...
Les parents sont interprétés par Leïla Bekhti vue dernièrement dans "J'Irai où tu Iras" (2019) de et avec Géraldine Nakache et Antoine Reinartz qui confirme son ascension cette année après "Roubaix, une Lumière" (2019) de Arnaud Depleschin et "Alice et le Maire" (2019) de Nicolas Pariser. La nounou est incarnée par Karin Viard qui explore une nouvelle facette de la vie de famille après "Les Chatouilles" (2018) de Andréa Bescond et Eric Métayer... La première différence avec le roman est la chronologie, en effet le roman débute par la découverte des meurtres avant de repartir via une analepse (en littérature soit flashback au cinéma) pour nous raconter le déroulement des événements qui ont amené à cette tragédie. Ce système narratif est toujours une prise de risque au cinéma, divulguant les aboutissants d'une histoire, mais ici le prix Goncourt fait qu'on connait déjà tous la fin (comme la plupart des films faut bien le dire). Lucie Borleteau reprend une narration plus linéaire sur un thème central qui est de la question de la maternité et ses notions. A première vue on pense forcément au film référence du genre, le très bon "La Main sur le Berceau" (1992) de Curtis Hanson, mais ici le réalisme ambiant et la dimension psychologique font qu'on est moins dans le thriller pu que dans une drame psycho-social. Le film débute avec un message bien féministe (c'est la mode) où une maman décide de reprendre le boulot malgré l'âge des enfants et... malgré l'argent (?!)... Cet argument fait bien sourire, car le couple semble largement bien gagné sa vie, d'abord parce que lui semble gagner assez pour que madame s'arrête un certain temps, ensuite parce que madame est avocate (connu pour ne pas être au smic tout de même). En effet, Paul et Myriam forment avant tout un couple de bobos parisiens dans toute sa splendeur allant jusqu'à prévoir l'attaque en justice de leur nounou parce qu'ils ne déclarent pas les heures supplémentaires volontairement offertes par cette dernière (même si ce n'est pas réellement "conscient" pour elle), et qui font un scandale pour un yaourt mangé quelques jours après la date de péremption !!!
Ensuite plus de la moitié du film est une suite redondante et fastidieuse de scène de babysitting où la nounou semble parfaite. Sur une grande partie il ne se passe franchement pas grand chose même si la cinéaste instille par ci par là quelques indices plus ou moins probants. Après une bonne heure arrivent enfin quelques séquences qui font avancer le récit vers ce qu'on attend, la détresse psychologique de la nounou Louise, et ses premiers petits dérapages. La montée en puissance est si subtile qu'on s'ennuie un peu. Il est parfois difficile d'y croire, notamment des parents qui ne verraient jamais rien sur le corps de leurs enfants ?! Par contre, Karin Viard est formidable en nounou d'abord bizarre qui vire à carrément inquiétante. Le vrai bon point réside dans l'atmosphère, à la fois douillette pour les enfants tout en étant particulièrement malsain, sans savoir trop comment le gérer, sans savoir l'expliquer vraiment à l'instar des parents dont l'instinct les alertent mais ne les réveiller. Les autres sujets plus ou moins exploités (préjugés sociaux, maman au travail...) sont trop en filigrane pour convaincre pleinement. En conclusion un drame psychologique savamment dosé (trop dosé ?!), où le malaise est omniprésent avec une Karin Viard au sommet mais le film manque aussi de puissance émotionnelle et de tension plus palpable.