Prix du jury au dernier Festival de Cannes, les Misérables de Ladj Ly est presque unanimement salué et laisse le public comme la critique sous le choc. Et c’est bien normal tant il montre avec justesse la banlieue prête à s’embraser.
Membre du collectif Kourtrajmé, Ladj Ly a mis le temps pour proposer son premier long métrage. Mais parfois, le temps donne de la valeur et de la maturité au projet et c’est bien ce qu’y gagne le réalisateur avec les Misérables qui cite bien entendu comme il se doit Victor Hugo.
Le réalisateur y montre la banlieue dans laquelle il a grandi et ne va pas forcément prendre parti pour faire son état des lieux. La France vient de gagner sa seconde étoile sur son maillot de foot et l’été est chaud … si chaud qu’il suffirait d’une étincelle pour que tout s’embrase dans les cités où règnent la misère et les trafics. Un vol de lion et une bavure filmée par drone et tout peu déraper.
Pour s’adresser à tous les publics, le réalisateur prend judicieusement le point de vue d’un nouveau flic débarqué de province qui découvre les méthodes de la BAC tentant de se faire respecter à Montfermeil. Devant notamment faire équipe avec un officier brutal et raciste, il apprend comment les trafic et un semblant de calme sont gérés avec quelques pontes charismatique du quartier. Il y a le « maire » , mais le gérant d’un restaurant, ancien délinquant, qui arrivent à maintenir une relative paix dans le quartier… à moins d’arriver à un point de non retour.
Ainsi cette première journée faite de rencontres et d’une enquête pour retrouver un lionceaux volé à des gitans menant à une bavure policière nous font à la fois découvrir comment ce quartier est géré avec les moyens du bord et des compromis dans un système complexe corrompu. Ici il ‘y a pas de gentils ou de méchants mais seulement des gens qui essaient de s’en sortir et d’autres qui en profitent.
C’est dur et réaliste mais ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend dans la dernière partie du film qui crée une tension énorme tout en nous laissant dans l’interrogation totale.
Victor Hugo dans la cité
En effet, si le film s’était arrêté sur la première journée, cela aurait été un simple état des lieux qui ne nous aurait pas plus interpellé qu’un énième film de banlieue ou reportage vu à la télé. Mais avec ce dernier acte, Ladj Ly transforme son film en manifeste de cinéma brutal et sous tension qui laisse dans l’expectative et nous dit clairement … « maintenant qu’on en est là, on fait quoi ? » Une question posée à la société qui sait maintenant que la réponse sera complexe.
Ajoutez à cela une véritable maîtrise de la mise en scène qui ne fait pas dans le cliché du reportage caméra à l’épaule. Au contraire, en ajoutant aussi à son dispositif le drone qui est un enjeu dramatique du film, il montre aussi une prise de hauteur sur l’image qu’on peut avoir de la banlieue, donnant alors au film une plus grande ampleur et une lecture presque romanesque de cette journée d’immersion.
Bref, avec Les Misérables, Ladj Ly offre un premier film coup de poing particulièrement réussi et qui invite au débat. Son succès en salles n’en est que plus mérité.