[CRITIQUE] : Seules les Bêtes

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Dominik Moll
Acteurs : Denis Ménochet, Valeria Bruni Tedeschi, Laure Calamy, Damien Bonnard, Bastien Bouillon, Nadia Tereszkiewicz,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Thriller, Policier, Drame.
Nationalité : Français, Allemand.
Durée : 1h57min.

Synopsis :

Une femme disparaît. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé́ loin de cette montagne balayée par les vents d’hiver, sur un autre continent où le soleil brûle, et où la pauvreté́ n’empêche pas le désir de dicter sa loi.


Critique :

Entre le polar noir et le drame social,#SeuleslesBêtes, dominé par un cast habité, s'engouffre dans la noirceur et la détresse de l'âme humaine et incarne un véritable jeu de piste douloureux et étonnamment drôle parfois, une tragédie chorale saisissante de réalisme et cohérente. pic.twitter.com/6S0ecNgFsX— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) December 3, 2019

Cinéaste important d'un septième belge qui n'est jamais aussi percutant que lorsqu'il s'attache à conter les travers de l'humanité, l'excellent Dominik Moll nois avait quitté sur ce que l'on peut décemment appelé une sacré déception, Des nouvelles de la planète Mars, nous laissant penser qu'il avait rejoint la (trop) longue liste des réalisateurs ayant gentiment perdu leur mojo au fil des péloches, après nous avoir pourtant bousculé avec des premiers longs proprement géniaux.

Mais quatre ans plus tard, et non sans une certaine attente, le revoilà plus affûté que jamais avec Seules les Bêtes, mise en image du roman éponyme de Colin Niel, fleurant bon le thriller rural intense et sophistiqué dont on ressort sérieusement brusqué mais avant tout et surtout conquis, face à l'abattage juste d'un metteur en scène ayant totalement pris possession de son histoire.

Sorte savant mélange entre le polar noir captivant et le drame social poignant, structuré autour d'une disparition mystérieuse et de son impact autour de différents personnages, savamment découpé en chapitres - comme dans le roman - pour mieux brasser tous les recoins de l'histoire (et ainsi éclairer la moindre zone d'ombre) et adopter tous les points de vues possibles en distillant tranquillement mais sûrement tous ses secrets et tenants, le métrage joue intelligemment de la répétition et enlace avec fougue les différentes trajectoires de son récit (pointant du bout de la caméra ce qui les unissent ou les désunissent), pour mieux lier dans la souffrance et la détresse affective d'individus vulnérables et perdus dans le royaume désertique de la solitude, ou l'amour est toujours cruel quand il n'est pas affreusement absent.

Distillant une ambiance hallucinante, digne du plus triste et poétique des fantasmes (notamment grâce à une mise en scène d'une intelligence féroce) mais rythmé au couteau et sans véritable temps mort, Moll prend en grippe les maux qui gangrène la société contemporaine (la nature malsaine du tout connecté, la solitude rurale douloureuse voire extrême, la misère sociale, l'état critique du monde agricole, la dépression, l'isolement,...) et laisse ses personnages totalement vampiriser une intrigue haletante mais au final un brin déconcertant.

Entre le cadre enneigé et glaciale de la campagne française - les terres du Causse - et celle poussiéreuse et aride d'Abidjan, Seules les Bêtes, dominé par un casting habité (Denis Ménochet, Valeria Bruni Tedeschi et Laure Calamy sont, comme souvent, grandioses, dans des rôles infiniment plus nuancés qu'à l'accoutumée), dresse une polyphonie vibrante ou les coeurs se répondent et contemplent leurs rêves abîmés, s'engouffre dans la noirceur de l'âme humaine et incarne un véritable jeu de piste macabre et étonnamment drôle parfois, une tragédie chorale saisissante de réalisme et cohérente.

Dominik Moll à son meilleur, tout simplement.


Jonathan Chevrier