Un grand merci à Carlotta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « L’héritage des 500 000 » de Toshiro Mifune.
« L’or a le don d’aveugler les humains »
Durant la Seconde Guerre Mondiale, le commandant Matsuo a participé à l’ensevelissement de plusieurs milliers de pièces d’or dans la jungle philippine. Alors qu’il pensait ce trésor enfoui à tout jamais, emportant avec lui le souvenir des cinq cent mille soldats japonais morts sur cette île, voilà qu’un riche homme d’affaires, MitsuraGunji, lui propose de partir à la recherche du butin. Contraint d’accepter, Matsuo retourne aux Philippines accompagné de quatre hommes recrutés par Gunji…
« Rien n’est pire que la guerre : tuer ou être tué »
A priori, rien ne prédestinait Toshiro Mifune à devenir une grande star du cinéma japonais et certainement l’acteur nippon le plus connu au monde. En effet, au sortir de la guerre, dans un pays exsangue et ravagé par la guerre, ce passionné de photographie finit par être embauché comme technicien dans les prestigieux studios de la Toho. Profitant de remous internes qui poussent de nombreux acteurs à partir, il est sélectionné à l’issu d’un concours photo organisé par le studio qui recherche de nouveaux talents. Débutera dès lors pour lui une prolifique carrière d’acteur au cours de laquelle il jouera pour les plus grands cinéastes tant japonais (Mizoguchi dans « La vie d’O'Haru femme galante », Naruse dans « Le cœur d’une épouse », Kobayashi dans « Rébellion ») qu’occidentaux (Frankenheimer le dirige dans « Grand Prix », Boorman dans « Duel dans le Pacifique », il apparait également dans « Soleil rouge » de Terrence Young ou encore « La bataille de Midway » de Jack Smight). Mais la carrière de Toshiro Mifune fut surtout marquée par sa fructueuse collaboration avec le maitre Akira Kurosawa qui le dirigea à une quinzaine de reprises et notamment dans ses plus grands films (« Les sept samouraïs », « Rashomon », « Yojimbo »…).
« C’est étrange, j’ai enterré mon sable là-bas en partant et je me demande ce qu’il est devenu »
Ce que l’on sait moins, c’est qu’en marge de sa riche carrière d’acteur, Toshiro Mifune se sera essayé une seule et unique fois à la réalisation, en 1963, avec « L’héritage des 500 000 ». Basé sur un scénario de Ryuso Kikushima, lui aussi collaborateur régulier de Kurosawa, le film prend pour sujet la recherche par une poignée de mercenaires de « l’or de Yamashita », le célèbre trésor de guerre que l’armée impériale japonaise aurait été contraint d’abandonner durant sa débâcle aux Philippines. Il en ressort un film d’aventures viril et rondement mené qui dénote un peu dans le paysage cinématographique nippon de l’époque et qui s’apparente davantage à ce qui se fait alors en occident (« Les centurions » de Robson, « Cent mille dollars au soleil » de Verneuil, « Adieu l’ami » de Herman sortent à peu près à la même époque). Plutôt habile, le film assure son lot de suspens, de tensions et de rebondissements. Le tout filmé dans les décors à la fois luxuriants et hostiles de la jungle philippine. Mais au-delà même du fatalisme dont il est empreint, le film de Mifune surprend par le regard critique qu’il porte sur la guerre, là même où le Japon, culturellement (littérature et cinéma notamment), a toujours fait montre d’une vision nationaliste opposée par principe à toute autocritique. Ainsi, avec beaucoup de justesse et de sobriété, le réalisateur raconte la souffrance des soldats et les directives imbéciles de l’armée qui sacrifia un demi-million de ses hommes alors même que la bataille était déjà perdue. Habitué aux rôles de guerrier sage et solitaire chez Kurosawa, Mifune surprend par la sensibilité humaniste et résolument pacifiste de son film, teinté jusqu’au bout d’une belle mélancolie. Un film fort, donc, qui fera regretter qu’il n’ait pas rééditer l’expérience derrière la caméra.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-définition, en version originale japonaise (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une Préface de Pascal-Alex Vincent, enseignant et réalisateur, de « Mifune, le dernier des samouraïs » de Steven Okazaki (2016, 80 min.) et d’une Bande-annonce. Un fac-similé du dossier de presse d’époque en japonais (20 pages) complète avantageusement cette édition.
Edité par Carlotta, « L’héritage des 500 000 » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 28 août 2019.
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