Avec cet humour et cette sensibilité qui n’appartiennent qu’à lui, le réalisateur et scénariste Taika Waititi met en scène Jojo Rabbit, une satire se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale. Jojo est un petit allemand solitaire. Sa vision du monde est mise à l’épreuve quand il découvre que sa mère cache une jeune fille juive dans leur grenier. Avec la seule aide de son ami aussi grotesque qu'imaginaire, Adolf Hitler, Jojo va devoir faire face à son nationalisme aveugle.Taika Waititi est un réalisateur qui a le vent en poupe et que j'ai découvert par hasard, au détour de l'hilarant "What we do in the shadow" ! Son film suivant "Hunt for the wilderpeople" est une chronique douce amère de deux personnes en marges de la société, ou Taika Waititi nous fait passer du rire aux larmes en un claquement de doigt que je trouve vraiment réussi. Il n'en fallait pas plus pour que la maison Marvel lui fasse les yeux doux et qu'elle ne lui confie les clés de "Thor Ragnarok". Une brillante idée pour un résultat tout aussi étincelant. Depuis on peut dire qu'il n'arrête pas ! Alors qu'il doit mettre en boîte la suite de Thor, il réalise avant cela un film sur la première équipe de foot des samoas américaines, qui se base sur le documentaire "Next Goal Wins" réalisés par Mike Brett et Steve Jamison. Mais avant, il tourne "Jojo Rabbit", "An anti-hate Satire" ou le pitch de base à interloqué tout le monde lors de sa mise en chantier, a savoir l'histoire d'un enfant pendant la seconde guerre mondiale, qui a pour ami imaginaire, un certain Adolf Hitler. Pour quelqu'un qui vient de réaliser un film Marvel, à savoir le summum de l'entertainment grand public, ce film est un choix courageux et il relève cela avec brio. Taika Waititi mets son talent d'écriture au service du film, en adaptant "Le Ciel en Cage"de Christine Leunens. Il garde l'histoire de base, celle d'un jeune fanatique nazi et d'une jeune juive, pour mieux l'amener dans son univers, un brin comique, métaphorique, satirique et poétique. Loin de laisser le comique l'emporter, l'histoire de Jojo Rabbit comme celle des autres personnages, c'est l'histoire de toutes les personnes sacrifiées à cause ou sur l'autel de l'idéologie nazi. Une idéologie que T. Waititi pourfend avec délectation et cela dès le début du film en ridiculisant la moindre pratique nazis, que ça soit la propagande, la gestapo, les jeunesses hitlériennes et bien sùr Hitler en personne. Alors, ça peut interpeller, parce que rire avec ça ce n'est pas banal, ce que le réalisateur nous fait bien comprendre en occultant jamais l'horreur de la guerre. Imaginez, vous rigolez parce que lors d'une scène des nazis arrive et se répandent ridiculement en "Heil Hitler"pour saluer les gens (près d'une trentaine de fois en une minutes), pendant qu'on sait qu'un personnage peut mourir à tout instant de cette situation. L'horreur est dans les détails, d'un geste, d'une parole ou d'un mouvement de caméra. Et c'est tout le temps comme ça, un rollercoaster d'émotions diverses, tel que l'histoire va bien au-delà du carcan de sa période historique. Car d'un autre côté "Jojo Rabbit" peut se voir comme un conte initiatique, un peu à la manière de "Boy", ou bien comme une histoire d'amour fraternel poignante et atypique, tout en interrogeant la notion de famille, la place du père, le passage à l'âge adulte, ou encore l'enfance sacrifiée. Des thèmes chers au réalisateur, qui délivre un scénario habilement écrit, où il maintient cet équilibre entre suspens, humour, drame et émotion afin que le film soit digeste et rythmé correctement. On ne s'ennuie guère devant « Jojo Rabbit » et cela même pendant les moments plus creux. Le film est aussi réussi visuellement, il possède une direction artistique de qualité signé Ondrej Lipensky, aux tons pastels en adéquation avec notre jeune protagoniste, qui contraste avec le sujet du film et qui apporte une certaine douceur, un peu comme la photographie de Mihai Mălaimare Jr qui va elle aussi dans ce sens. A cela il faut ajouter des intérieurs riches en détails, notamment la maison de Jojo, ou encore l'excellent travail apporté aux costumes.
Mais la grande richesse du film, celle qui fait battre son cœur, vient de son casting absolument fantastique. Le réalisateur Taika Waititiprend sur ses épaules le rôle de Hitler où il se révèle à son aise, Scarlett Johansson est formidable dans le rôle de la maman de Jojo et elle ne m'avait pas bluffée comme ça depuis longtemps, Sam Rockwell est ambiguë à souhait et Stephen Merchant fait preuve d'une dérision a toute épreuve dans le rôle d'un membre de la gestapo. Cependant, mes performances favorites sont à mettre aux crédits des jeunes acteurs et actrices. Archie Yates m'a fait sourire plus d'une fois dans le rôle du copain rigolo de Jojo; Thomasin McKenzie qui joue Elsa est d'une justesse désarmante, oscillant entre distance et chaleur ou l'intensité de son jeu et de ses regards font mouche à chaque fois; tout comme notre petit "Jojo" joué par Roman Griffin Davis qui apprend peu à peu avec ses yeux d'enfants à voir l'horreur tel quel est, mais aussi que ses idées, celles qu'on lui a inculquées dans la tête n'étaient que des mensonges. Il est très touchant, très juste et ce regard qu'il a et qui évolue est la clé de son jeu, un passeport vers ses sentiments et nos émotions ...