Réalisatrice : Lulu Wang
Acteurs : Awkwafina, Tzi Ma, X Mayo, Shuzhen Zhao, Diana Lin,...Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Drame, Comédie
Nationalité : Américain, Chinois
Durée : 1h41min
Synopsis :
Billi, jeune femme Sino-Américaine, retourne en Chine lorsque sa grand-mère est atteinte d'une maladie incurable.
Réflexion intéressante sur le deuil et sur le jugement d’une culture étrangère à la nôtre (ou tout du moins, à celle de notre éducation), #LAdieu (#TheFarewell) reste pourtant trop académique pour réellement incarner un film marquant. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/QqgAprUklK— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) December 17, 2019
La société de production A24 est connue pour ses prises de risque. Des films qui dépassent l’objet filmique pour en faire de véritable expérience sensorielle et/ou visuelle. The Lighthouse, sur nos écrans le 18 décembre en est un parfait exemple. On en oublie presque que la société produit également des films plus “traditionnels” pouvant même se creuser un chemin jusqu’aux Oscars, comme Room en 2015. Et le deuxième film de Lulu Wang, L’Adieu (The Farewell) est bien partie pour suivre son exemple. Son actrice principale, Awkwafina, est en lice pour une nomination (les roundtable de The Hollywood Reporter sont des indices assez forts), mais il n’est pas dit que le film lui-même ne soit pas en lice pour un prix. La réalisatrice, dont le film est inspiré de sa propre famille, a eu un mal fou à obtenir une production. Se passant en grande partie en Chine, avec des personnages chinois, son scénario ne comprenait pas assez de blanc, dixit plusieurs studio de production. C’est après avoir conté son histoire dans une émission de radio, The American Life, que Lulu Wang a pu voir son film se produire, tel quel. Encore un exemple, s’il nous en fallait, du racisme latent de Hollywood. Studios qui doivent se mordre les doigts à l’heure qu’il est, vu le succès grandissant du film, sorti en juillet aux Etats-Unis.
L’Adieu (The Farewell) est une histoire de deuil, de tradition, d’une culture différente de la notre, occidentale, et la position difficile de se trouver entre les deux. Lulu Wang fait se confronter deux visions sur la tradition, sur le deuil d’une manière assez originale. Car ces questions se posent alors que la personne en question n’est pas encore morte, ce qui ajoute une touche d’émotion et de tragique, dans cette histoire de mensonge et de fossé culturel. Billi habite New York, avec ses parents, qui ont immigré quand elle était petite. Elle reste cependant très attachée à sa grand-mère, qu’elle appelle très souvent. Ses parents lui annoncent subitement qu’ils partent pour leur ville natale, Changchun, avec comme prétexte le mariage de son cousin. Mais l’enjeu de ce voyage est tout autre. Nai Nai (la grand-mère de Billi) est malade, et sa fin est proche, d’ici quelques mois. Il est d’usage de le cacher au malade, pour le laisser pleinement profiter de ses derniers moments, et ne surtout pas le parasiter avec la peur qu’une maladie comme le cancer peut créer. Ils ne veulent pas que Billi les accompagne parce qu’elle ne comprend pas cette coutume, qu’elle risque de briser le silence ou de lui mettre la puce à l’oreille, incapable d’atténuer ses émotions. Qu’à cela ne tienne, Billi prend un billet pour la Chine, rendre visite à sa grand-mère, peut-être pour la dernière fois.
S’il est bien vu de partager ses sentiments à grand cri aux Etats-Unis, en Chine la pudeur est de prime. Plus que des retrouvailles avec Nai Nai, c’est avec ses origines que Billi va renouer. Le sens de la famille, des traditions, des non-dits aussi. Le mensonge est le fil rouge du récit, pourtant la réalisatrice s’attache à une certaine sincérité dans les relations, qui finissent par se renforcer grâce à cette grand-mère si énergique et attachante. Lulu Wang s’amuse avec ses personnages, en faisant affronter la vérité avec le mensonge, la tragédie avec la joie d’un mariage. Billi elle-même, qui abhorre de mentir à sa grand-mère finit par le faire auprès de ses parents, à propos d’une bourse cruciale pour son avenir professionnel. Le mensonge est partout, pas forcément pour blesser, et devient parfois nécessaire auprès de nos proches, nous dit Lulu Wang. Des scènes à la limite du burlesque sont insérées, ce qui évite au film d’être un drame trop lourd. Malheureusement, si L’Adieu est finement écrit, la mise en scène reste trop académique pour bien accompagner cette histoire vraie, la rendre inoubliable, qu’elle soit habitée par l’image. Car le récit aurait bien pu être conter dans un roman, ou à la radio (comme l’a fait la cinéaste au début). Le film n’a pas d’identité forte, et reste calibré pour la saison des compétitions hollywoodienne.
Réflexion intéressante sur le deuil, sur le jugement d’une culture étrangère à la nôtre (ou à celle de notre éducation), L’Adieu (The Farewell) reste trop académique pour en faire un film marquant.
Laura Enjolvy