© 1985 Twentieth Century Fox
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#84. Garçon choc pour nana chic de Rob Reiner (1985)
Il y a désormais belle lurette que l'on ne croit décemment plus en l'aura magnétique de ce bon vieux John Cusack, étoile montante à la fin des 80's, ayant su opérer avec intelligence le dur passage à la vie d'adulte des teen stars Hollywoodiennes en alternant entre des films indépendants finement choisis, et des grosses productions certes calibrées mais plaisante à suivre.
La cassure s'est dans doute véritablement faîte avec le tâcheron 2006 de Roland Emmerich, blockbuster de destruction massive à la qualité fantomatique et à la cohérence encore plus absente, où le bonhomme surnage à défaut de savoir réellement ce qu'il foutait là.
© 1985 Twentieth Century Fox
Depuis, à l'instar des Nicolas Cage, Bruce Willis et autres Jason Patric qu'ils croisent assez régulièrement (c'est tellement navrant que s'en est d'une tristesse absolue), le bonhomme s'échine à souiller son talent dans des DTV de luxe à peine défendables, histoire de récolter suffisamment de billets vert pour pérenniser des vieux jours et payer des impôts - où l'inverse.
Pourtant on le sait, l'excellent et sous-estimé comédien qu'il est est toujours là, tapis dans l'ombre et totalement oublié par des cinéastes ne voyant jamais plus loin que le peu qu'il se borne à montrer, même si parfois, juste parfois, il s'amuse à se rappeler - et à nous le rappeler par la même occasion -, le solide performeur qu'il est.
À défaut de profiter de ses bons rôles au présent, profitons donc du passé et encore plus de ses prometteurs débuts, comme dans The Sure Thing de Rob Reiner (au titre VF horrible, Garçon choc pour nana chic), teen movie bien plus malin que la moyenne, même si son pitch laisse présager tout le contraire.
On y suit un étudiant cool et dragueur mais en complet roue libre niveau étude, Gib, qui se fait littéralement éconduire par une élégante et très organisée étudiante, Alyson.
Un cas isolé si les deux ne se retrouvaient pas, involontairement, dans la même voiture direction Los Angeles - le problème d'être un peu fauché - pour Noël, elle pour retrouver son petit ami grossier (avec qui elle prévoit de créer un cabinet d'avocat dans le Vermont...) et lui pour revoir son pote mais surtout rencontrer son " plan sur ", une belle blonde avec qui il espère conclure.
© 1985 Twentieth Century Fox
Mais évidemment, et heureusement, tout ne va pas se passer comme prévu, une belle relation antagoniste va se former pour mieux se déformer par la suite , et ce véritable road trip improvisé va leur faire réaliser une vérité immuable : leur différence les complètent malgré leurs nombreuses querelles, et ils sont vraiment faits l'un pour l'autre, même s'ils peinent à se l'avouer...
Plus ou moins inspiré du chef-d'oeuvre It Happened One Night de Frank Capra (même s'il sait tracer sa propre voie passé les grandes lignes de l'intrigue, pour ne pas être qu'un " simple " remake), voyageant constamment - mais brillamment - en terres connues avec son intrigue séduisante mais mécanique (d'où la prévisibilité, mais comme souvent dans le genre, c'est le voyage qui compte, pas la finalité), le second long de Reiner - encore un brin en mode Spinal Tap - est si pétillant dans son humour (axé sur les situations et non les personnages), et étonnamment perspicace sur la nature humaine des adolescents made in 80's, qu'il parvient sans peine à se démarquer de ses petits concurrents de l'époque, en tant que doux road movie romantico-initiatique sur deux héros aux finalités bien distinctes : l'un goûtant enfin à la maturité (et passant du désir du " sure thing ", le sexe, au " real thing ", l'amour), tandis que l'autre goûte, sur le tard, à l'insouciance du laisser-aller de l'adolescence, hors de tout contrôle.
Là ou les Porkys, Fast Time At Ridgemont High and Co privilégiaient une vision plus potache et baigné dans la sexualité débridée des jeunes adultes, le film voit plus loin et préfère un regard plus honnête et équilibré - non sans une certaine luxure assumée également -, avec une tendresse et une innocence qui manquent cruellement dans la majorité des bandes du genre (même ceux considérés comme des classiques indéboulonnables).
© 1985 Twentieth Century Fox
N'ayant jamais peur d'être plus intelligent qu'il ne paraît l'être de prime abord (combien de teen movies citent Nietzsche sans trembler ?), laissant tranquillement le temps à son intrigue de s'épaissir et à ses deux comédiens vedettes (John Cusack et Daphne Zuniga, parfaits) de s'approprier leurs rôles avec justesse, bien aidé par une belle galerie de seconds couteaux (Tim Robbins en Gary Cooper - pas le mort, " l'autre " -, Lisa Jane Persky, Anthony Edwards,...), The Sure Thing est un teen movie plein d'esprit (qui suggère les choses autant qu'il les montrent), énergique mais surtout infiniment touchant et juste.
Un beau petit bout de cinéma réaliste dans ce qu'il montre sans prétention, subtil et d'un charme fou qui, même trente-quatre ans après, fait toujours un effet boeuf...
Jonathan Chevrier