Alors que son film "Song to Song" (2017) est encore en post-production (tourné en 2012 !) Terrence Malick annonce le sujet de son nouveau film en juin 2016, le destin tragique de Franz Jägerstätter, (Tout savoir ICI !) objecteur de conscience autrichien durant le régime hitlérien. Le cinéaste s'inspire donc à nouveau d'une histoire vraie après "La Balade Sauvage" (1975) et "Le Nouveau Monde" (2005). Egalement écrit par Terrence Malick, il a pu s'inspirer de la correspondance de Franz Jägerstätter avec son épouse Franzisca, correspondance réunie grâce au pacifiste Gordon Zahn. Par là même, le tournage (été 2016) a été en grande partie effectuée sur les lieux mêmes, notamment son village de St. Radegund... En 1938, à l'arrivée des allemands en Autriche, Franz est le seul de son village à refuser l'Anschluss (annexion par l'Allemagne) et refuse d'incorporer l'armée unifiée allemande. Être objecteur de conscience à cette époque lui vaut d'être emprisonné jusqu'à cette année 1943...
Le rôle principal est incarné par l'acteur allemand August Diehl vu en France dans "L'Empereur de Paris" (2018) de Jean-François Richet, son épouse est jouée par la méconnue Valerie Pachner actrice autrichienne vue dans "Stefan Zweig, Adieu l'Europe" (2016) de Maria Shrader et "Egon Shiele" (2017) de Dieter Berner, et qui se retrouveront ensuite dans la série TV "Bauhaus - Un Temps Nouveau" (2019). Ils sont entourés de l'actrice allemande Maria Simon vue dans "Good Bye Lenin !" (2003) de Wolfgang Becker et "La Comtesse" (2009) de et avec Julie Delpy, le belge Matthias Schoenaerts vu récemment dans "Nevada" (2019) de Laure de Clermont-Tonnerre et "The Laundromat" (2019) de Steven Soderbergh, qui retrouvera son partenaire August Diehl dans (2018) de Thomas Vinterberg. Et on notera la présence de deux acteurs qui ne verront pas le film sur les écrans, le suédois Michael Nyqvist mort en 2017 et connu pour avoir été Mikael Blomqvist dans la trilogie "Millenium" (2009) puis le suisse Bruno Ganz dont le dernier film sera "The House That Jack Buil" (2018) de Lars Von Trier... La première chose est qu'on voit d'emblée la marque de fabrique du cinéaste, des images sublimes, une sensation d'onirisme dans chaque plan, une mise en valeur des paysages unique. Ca c'est pour la forme, dans le fond il y a toujours la présence de la foi, l'importance de la famille. Malick a également soigné la reconsitution, tournant le plus possible sur les lieux même des faits dont la propre maison de Franz Järgerstätter (devenue depuis lieu de pèlerinage). Malick tourna son film le plus possible à la lumière naturelle, jusqu'à attendre la bonne lumière des heures entières. On notera la musique, signée de James Newton Howard, qui intègre les bruits naturels comme les cloches environnantes. Comparé à ses denriers films Malick étoffe cette fois son film d'une histoire solide et enrichissante, qu'on pense au premier abord centré sur le fait que le personnage principal est objecteur de conscience, à savoir qu'il ne supporte pas la guerre et/ou les armes... etc... Mais si esthétiquement le film est magnifique, à la mise en scène malickienne et une photographie de toute beauté, finalement petit à petit on a bien du mal à comprendre ce Franz Järgerstätter. En effet, à priori il n'est pas objecteur de conscience au départ, il passe même un temps dans l'armée.
Quand on commence à le comprendre arrive une scène marquante où il peut s'engager pour travailler dans un hôpital mais on comprend soudain que la seule et unique raison de son refus reste Hitler lui-même. Juré fidélité à ce monstre, là est tout le courage de Järgerstätter, homme très pieux. Mais alors on se dit qu'il emporte dans son tourment toute sa famille dans une souffrance, et là on ne le comprend plus très bien. Si on reste sur l'objecteur de conscience on pense forcément au récent "Tu ne Tueras Point" (2016) de Mel Gibson où un objecteur est devenu un héros de guerre sans jamais tué, mais cet allemand ne l'est pas. Ce Franz Järgerstätter a toute latitude et on se demande aussi pourquoi il est si passif allant jusqu'à lécher des bottes de la Wermacht ou de les cirer ; pourquoi diable ne pense-t-il jamais à la Résistance ?! On passe le film à passer de la compréhension à l'empathie en passant par l'incompréhension plus ou moins forte. Car finalement, cet homme est près à mourir (c'est une chose) et à abandonner et à faire souffrir sa famille (ça en est une autre !) pour une simple déclaration... Jamais Malick n'arrive à expliquer ou à rendre complètement lisible les tenants et aboutissants entourant Franz Järgerstätter. Mais dans le même temps, Malick impose et pousse le spectateur à s'interroger constamment, ce qui n'est jamais une mauvaise chose. Le film termine sur une citation tirée du roman "Middlemarch" (1871) de George Eliot qui rend un bel hommage aux héros restés dans l'ombre de l'Histoire. Malick signe un film magnifique, sur un être d'exception, et si on comprend la démarche du cinéaste on aurait sans doute aimé comprendre un peu mieux Franz Järgerstätter.
Note :