[CRITIQUE] : Charlie’s Angels

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Elizabeth Banks

Acteurs : Kristen Stewart, Naomi Scott, Ella Balinska, Elizabeth Banks, Patrick Stewart, Sam Claflin, Djimon Hounsou,...
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Budget : -
Genre : Action, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h59min.
Synopsis :
Les Charlie’s Angels ont toujours assuré la sécurité de leurs clients grâce à leurs compétences hors du commun. L’agence Townsend a maintenant étendu ses activités à l’international, avec les femmes les plus intelligentes, les plus téméraires et les mieux entraînées du monde entier – de multiples équipes de Charlie’s Angels affrontant les missions les plus périlleuses, chacune guidée par son propre Bosley.


Critique :

Loin d'être forcément utile,#CharliesAngels s'avère néanmoins un reboot plutôt réussi, fragile mais rythmé dans son action, misant sur un humour popcorn et méta, un féminisme subtile et audacieux et un vrai sentiment de sororité intense. Oubliable certes, mais réellement plaisant pic.twitter.com/FLbBe6AnhQ— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) December 25, 2019
Au tout début des années 2000, Charlie's Angels avait déjà eu les honneurs d'un reboot fleurant bon la culture pop et l'enthousiasme d'un divertissement léger et profondemment régressif au féminin, une nuance férocement importante tant le genre sembait totalement hermétique ou presque, à l'idée de voir des nanas s'éclater et botter des culs de mecs... comme des mecs.

À l'époque au sommet de leur hype, le trio Cameron Diaz/Lucy Liu/Drew Barrymore, dont la sensualité avait sérieusement été mise en images par un McG se rêvant déjà comme un Michael Bay du pauvre (entre une bande originale criarde - Destiny's Child en tête -, une esthétique voyante et un usage encore " in " du bullet time popularisé à outrance par Matrix), envoyait du petit bois et aurait pu/dû ouvrir la voie a une pluie d'héroïne badass leur emboîtant le pas dans le giron d'action ricain.

Si la réalité fut totalement autre (on compte avec les doigts d'une main férocement amputée, les actionners solides portés par des figures féminines), le destin des drôles de dames fut tout aussi tragique puisque une franchise arrêtée au second opus - un vrai tâcheron, n'ayons pas peur des mots - et un reboot télévisé foiré plus tard, c'est à la géniale devant - mais qui a encore beaucoup à prouver derrière - la caméra Elizabeth Banks, qui revient la lourde tâche de faire du neuf avec du vieux, et de relancer une nouvelle fois la machine, avec des moyens un poil limités (45M$), et un casting vedette flambant neuf.

Catapulté avec une indifférence crasse dans les salles obscures mondiales (même son tube titre porté par Miley Cyrus, Ariana Grande et Lana Del Rey, n'a pas bousculé les charts), pas aidé par une campagne promotionnelle furieusement fantomatique - surtout dans l'hexagone - et des critiques globalement mitigées (pourtant gentilles en comparaison de celles Cats et Star Wars : L'Ascension de Skywalker), Charlie's Angels mérite pourtant toute la curiosité et l'intérêt qu'on puisse lui porter, n'étant décemment pas le pire redémarrage de franchise d'une année 2019 ou la barre qualitative fut salement déprimante.
Avant toute chose, la vraie valeur ajoutée franchement rafraîchissante de cette dernière version au pitch facile (articulé autour d'une mission périlleuse pour empêcher un dispositif énergétique de pointe de tomber entre de mauvaises mains), c'est qu'elle est (enfin) écrite et dirigée par une femme, une nouveauté loin d'être anodine pour une franchise généralement associée à un regard masculin tantôt méfiant, tantôt un chouïa déviant.

S'éloignant du reboot facile, Banks apporte une vision plus posée mais pas moins travaillée du propos original, jouant avec humour des petits travers de la franchise (notamment l'arrivée d'un petit paquet de Bosley, tous plus géniaux les uns que les autres), tel une sorte de péloche méta et jamais trop sérieuse, totalement consciente de son statut de séance aussi vite vue qu'oubliée par un auditoire qui n'est pas censé lui en demander plus.

Jouissant d'un équilibre plutôt bien tenu entre humour et action pop-corn (comme le premier film de McG), même si la cinéaste manque clairement le coche pour les élever au-delà du strict minimum (l'action est très mal mise en boîte, les saillies comiques ne décollent pas autant qu'on pourrait l'espérer), et d'une jolie dynamique liant ses trois héroïnes (solidement interprétés par Stewart, Balinska et Scott, même si la première vole méchamment le show en ange queer à la punchline habile), la force de ce nouveau (et ultime ?) reboot vient clairement dans le traitement scénaristique subtile et moderne qu'en fait Banks et le dramaturge David Auburn.
Ici, les femmes ont pleinement conscience que les hommes sous-estiment leurs compétences intellectuelles et physiques, et si elles sont sexy, elles ne sont pas pour autant gratuitement transformés en objets sexuels comme dans la majorité des blockbusters actuels.
Mieux, au-delà de cette conscience de soi salvatrice et de ce féminisme audacieux (audacieux... en 2019, c'est dire le long chemin encore à parcourir pour le cinéma de genre, pour que cela nous paraisse banal), un vrai sentiment de sororité intense et d'amitié féminine lie ses trois héroïnes - qui se soutiennent sans la moindre condition -, et le duo de scénariste se fait une priorité de rendre ce sentiment aussi palpable et naturel que leurs capacités à être capable de tout à l'écran.

Dommage alors que la réalisation, à peine plus enlevée - même si plus rythmée tout de même - qu'une pub friquée pour un déodorant, ne brille pas par sa précision - le montage est tout aussi horriblement saccadé - mais surtout ne vienne pas relever les bonnes intentions gentiment ancrées dans sa pellicule (pas même la photographie du grand Bill Pope, qui peine a rendre grandiose le cadre somptueux d'Istanbul), ou le girl power n'est plus un simple réflexe " à la mode " mais bien un mojo enthousiasmant.

Alors oui, même s'il n'est pas toujours adroit, Charlie's Angels reste après tout sincérement meilleur que ce qu'on pensait de lui avant vision, tout en n'étant pas pour autant un reboot assez solide et réussi pour justifier d'autres opus dans un avenir proche - idée totalement anéantie cela dit, par son flop au box-office.
Oubliable donc, mais pas moins plaisant.


Jonathan Chevrier